Voilà typiquement le genre d'ouvrage avec lequel je me bats, mais d'une rixe gentillette, de ces échauffourées qu'on souhaite interminables, une chiffonnade d'amoureux. Parce que j'y prends un plaisir raide. Tout simplement. Alors je fais mon possible pour ralentir ma lecture - ce n'est pas facile, faut flâner un peu, roupiller pas mal, diluer le temps à la petite cuiller - pour que s'éternisent les heures, les jours, en compagnie du bonbon coquin entre mes mains.
Parce qu'à force de lectures, c'est devenu un copain,
Martin Veyron. Je ne l'appelle même plus Veyron. Je dis Martin. Marty parfois. Mon pote souvent. Puis au bout de deux bières, je l'appelle facilement Ducon ou Caroline, de toute façon, il est cool Caroline, il ne me tient jamais rigueur de rien, c'est un ami imaginaire.
Et c'est bien d'imaginaire dont il est question dans "
Blessure d'amour-propre", malgré le ton réaliste de la mise en scène. Caroline nous emmène dans une autofiction jubilatoire à laquelle on a envie de croire : le corps vieillissant et la prostate en alerte, le double de
Martin Veyron connaît la panne de plume et de lit. Il court à l'opération alors que tout le monde à l'entour - éditeur, famille, journalistes - lui met la pression pour qu'il écrive "L'amour propre 2", réduisant encore et toujours son oeuvre à ce seul ouvrage traitant du point G. dont on fait le spécialiste. Et quand une tripotée de femmes se bouscule à la porte pour qu'il les révèle, ça se complique sérieusement pour son grade (même son voisin s'en plaint, un auteur aux allures de
François Weyergans).
Humour, sexisme, cocasseries et coquetteries inondent ce livre. La chronique sociale du vieux désabusé est remarquable, faite avec doigté, la chute bien menée, on en redemande : dis donc Caroline, à quand "
Blessure d'amour-propre 2" ? :-)