Cab et compagnie

Cab et compagnie est un roman de Christian Pernath, auteur d'origine nantaise peu connu, si l'on en juge le nombre de critiques des cinq romans qu'il a publiés depuis 2002.
Je serais sans doute passé à côté de cet auteur, si je n'étais pas venu à la rencontre de l'interview d'Anne (que beaucoup d'entre nous connaissent sous le pseudo de rabanne) que l'on peut lire sur le blog de Babelio, permettant de mieux découvrir son profil de lectrice et dévoilant à l'occasion un de ses coups de cœur du même auteur, Séraphin Verre. Merci Anne pour cette découverte. Aussi, je te dédie cette chronique.
Nous sommes à la campagne, une campagne proche de Nantes, celle que connaît sans doute très bien l'auteur. Dès les premières pages du livre, il y a des éclats d'eau entre les branches, l'odeur des saules, une rivière où il fait bon pêcher à la mouche la carpe miroir.
Si on fermait les yeux, on n'entendrait rien d'autre que le chuchotement de la rivière, le clapotis des rives.
Peut-être au loin, serait-on brusquement capté par quelques bruits métalliques...
Ici il est question de mécanique et de débrouille, plutôt que de ruralité et d'élevage, quoiqu'une vache se promène dans le paysage et jouera malgré elle un rôle crucial, je ne nous en dis pas plus, c'est jubilatoire, sauf pour elle...
C'est le grand-père Alphonse, qui vouait une céleste admiration pour De Gaulle, qui a posé les amarres en ce lieu, non pas pour en faire une exploitation agricole, mais pour récupérer des épaves de voitures, les réparer ou plutôt les rafistoler, les démonter, les revendre...
Le lieu est une ancienne ferme, avec des tôles sur les toits, du formica dans la cuisine et de la générosité dans les cœurs.
On est à deux pas de Nantes et en même temps si loin du monde.
Le fils d'Alphonse, Charles a repris dignement l'affaire et épousé Évelyne, qui voulait à tous prix offrir des prénoms bibliques à ses enfants.
Voici que surgit du lieu la troisième génération et ce sont eux qui vont nous prendre la main durant quelques pages.
Cab l'aîné, Nathan un peu fougueux, Julius celui dont on dit qu'il est différent dont on se moque avec tendresse mais qu'on veut protéger aussi, et puis Judith encore adolescente mais déjà pleine de bon sens et de sagesse... Un lien les unit tous les quatre : la Guerre des Étoiles et ses personnages. Lorsqu'un problème arrive, la première initiative est de regarder comment Yoda ou le maître Jedi auraient recherché la solution...
Il y a de le bienveillance dans cette famille, celle qu'on rêve parfois d'avoir lorsque la sienne paraît partir un peu en lambeaux...
Parfois, on n'est pas regardant sur l'origine des voitures.... Tant que ça paye... !
Oui, ce sont des gens de peu comme on dit les choses proprement, des ploucs pour être un peu plus trivial... Ce sont des marginaux, des gens déclassés, à côté de la norme, en marge d'un monde tout à proximité, mais qui leur échappe totalement. Ils ont même un chien qu'ils ont osé appelé Bouse, c'est dire...
Mais le maître mot de l'organisation familiale, c'est la solidarité, vaille que vaille !
J'ai adoré ce moment où Cab s'enquiert du devenir sexuel de son frère Julius et organise pour cela un rendez-vous, à son insu, dans l'appartement d'une ancienne amie, Marianne, toujours prête elle aussi à donner un coup de main. On ne saura rien de la séance de dépucelage, sauf par l'émotion touchante de Julius, ses larmes quelques instants après, ces mots : « comme c'était beau... ».
Car ici il est toujours question d'entraide.
Même lorsque les choses vont se corser pour Nathan, par des rencontres qu'il aurait dû éviter...
Parfois il y a dans ce roman des moments de grâce, la nature, la campagne qui s'éveille, même Nantes à deux pas semble une ville éclairée d'un regard magique...
Il n'y a rien de plus beau qu'une aube baignée de saules et de gens qui s'aiment au bord de leurs rives. C'est un peu comme une première fois, à tel point que Cab pense parfois qu'on pourrait croire en Dieu dans ces instants-là. C'est dans cette aube aussi que se fait la soudure improbable entre la ville et la campagne et surgissent les gestes à tâtons de ceux qui passent d'une rive à l'autre...
Ce livre n'a rien de grandiose, ce n'est pas le coup de cœur de l'été, mais pour autant j'ai aimé entendre sa petite musique désuète, son humanité, ses rivages...
C'est un univers que j'ai habité pendant quelques pages et cela m'a fait beaucoup de bien, car les personnages sont très attachants.
Cela m'a donné envie de retrouver son écrivain, sur d'autres livres. Il faut une grande qualité d'écoute et d'observation, d'humilité aussi, pour décrire ainsi de tels personnages. Sans doute l'auteur les a-t-il côtoyés au bord de la Loire ou de l'un de ses affluents ?

Merci à Rabanne de m'avoir nommé cet auteur ainsi qu'à berni29 qui, par sa critique m'a fait lire ce Ok Corral en pays nantais. Comment une famille qualifiée de 'plouc', mais solidaire va se défendre des trafiquants de drogue et voitures ? Des personnages attachants avec des scènes drôles comme le petit frère qui ne cesse de sentir ses doigts après sa défloraison. A moins que le point central soit cette vache devant une boîte de nuit ou ces carpistes ? Un roman visuel et distrayant.