Le Kid a cessé de parler quand il a compris que ce sacrifice pourrait faire revenir sa maman, Lucy. Il a du mal à adhérer à l'histoire que lui a racontée son père, Darby, le jour où elle a disparu. D'ailleurs, il sent combien son départ le bouleverse aussi. Leur vie est devenue d'une noirceur sans fond, à l'image de la vie professionnelle de Darby, dont il s'accommode difficilement, et pour cause : il est chargé de nettoyer des lieux souillés par des morts brutales…
«
Ce que porte la nuit » ? le vide irrémédiable, la solitude des êtres en proie aux souvenirs, aux remords, l'abandon. Des blocs de peur qui emprisonnent au fond de soi et rendent la parole impossible, voire interdite. La vie devient alors « comme un damier rouge et noir, du rouge et du noir, une alternance de blocs de peur et d'anticipation du bloc de peur suivant » (p. 425). Des blocs qui brouillent la mémoire, la déforment, altèrent les mots : le sang devient fluide, qu'il s'agit de nettoyer, d'éradiquer, jusqu'au déni. Des blocs qui séparent, scotomisent. Mais quand l'oubli se refuse, quand les souvenirs affluent en une trouée aveuglante, l'évidence s'impose : le Kid et Darby vont devoir faire retour sur leur passé pour comprendre au mieux la disparition de Lucy.
«
Ce que porte la nuit » est un roman d'une noirceur effrayante, aussi long que lent. Et pourtant, une fois commencé, on ne peut s'empêcher de poursuivre… pour comprendre, avec le duo père-fils, la disparition de Lucy. Et quand on approche du fond, on entrevoit «
ce que porte la nuit » sous la plume de Scott O'Connor : la cécité d'une lune exsangue.