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De l'autre côté de la mer", par quel côté commencer?
En effet, deux sens seront proposés aux jeunes lecteurs, par où entrer? : un côté insulaire, au charme authentique et tranquille, avec une péninsule rocheuse qui avance gentiment sur la mer turquoise
ou bien
une vue sur un port de plaisance, une métropole industrialisée de béton et de sable chaud, très fréquentée, bordée d'une mer bleue outremer?
Les deux seront tentants, possibles et il faudra bien commencer le livre.
L'île.
La première narratrice s'appellera Phara.
Elle vit sur cette île et demandera à son père ce qu'il y a de l'autre côté de l'océan.
Aussi paradisiaque soient-elles, les beautés de l'île pourraient-elles ne pas contenter une vie simple?
Mais peut-être aussi que ces questions sont vouées à rester sans réponses et que le quotidien pour d'autres personnages suffit bien ainsi sans aller voir plus loin?
Le quotidien défilera à plusieurs mètres du sol, avec une vue aérienne de l'île page par page, sans grands changements.
Et pourtant, l'auteure-illustratrice
Yukiko Noritake nous démontrera qu'il s'y passe des choses et nous invitera à repérer du doigt les événements notés par le texte.
Ainsi comme dans un jeu "Cherche et Trouve" nous rechercherons Phara et son père qui évolueront dans le décor et nous prendrons le temps d'admirer le lieu sous ses beaux contours.
Attention, le jeu d'observation sera soutenu par une histoire en fil rouge et le passage des bateaux commerciaux très près de l'île soulèveront quelques interrogations( écologiques).
La couleur de l'eau va changer, de nouveaux poissons vont pousser les autres loin de leur territoire tranquille.
Cela s'amplifiera, deviendra inquiétant, brisant la monotone sérénité de l'île.
Sans demi-mesures, nous basculerons dans l'horreur marine...
Pour comprendre ce qui se joue, nous serons plus à l'aise à retourner le livre et reprendre les faits par l'autre bout.
Cette fois, c'est le jeune Leo qui prendra la parole, il vit dans une métropole cotière.
L'eau est bleue, il semble faire beau à en juger l'intensité de la lumière qui tombe sur le décor.
Leo et son père viennent régulièrement admirer les bateaux de transport qui partent du port et Leo demande à son père si il y a eu un jour des poissons près de leurs côtes.
Vous saisissez?
Le point de rencontre dramatique des deux perspectives trouvera sa raison dans un abus ou une négligence humaine que les jeunes lecteurs cerneront facilement.
L'auteure nous présentera ludiquement deux modes de vie différents près de la mer mais inquiétés par la même chose. Une ironie à tourner dans les deux sens.
Ce n'est finalement plus si tranquille la vie près de la mer dès lors que la catastrophe écologique s'en mèle.
Les pères des deux enfants viendront donner des amorces de réponses pour ces deux enfants qui seront nés à ces endroits: Léo aura toujours connu un lieu sans poissons et Phara verra son lieu s'en départir.
La réponse est au centre de l'album à double-titre.
Ce qui reste amusant et dommage, c'est que Phara et Leo sont encore pour le lecteur insouciants, se posant la même question pour l'avenir, à des points opposés ( de la catastrophe centrale).
C'est d'une narration habile et plus plaisante que son sujet.
On aime.