C'est à la fois très drôle et très sinistre.
Marsault c'est un peu l'addition de l'humour réac des
Lauzier, Vuillemin, Mr Lechien... avec le burlesque déglingué des
Gotlib,
Maëster,
Edika... et le mélange est explosif.
J'ai eu des éclats de rire tonitruants parce qu'il a un sacré talent pour parodier discours absurde des "social justice warrior" avec de l'orthographe inclusive dans les bulles. Il connaît bien ces gens pour avoir été militant CNT et fait ses débuts dans la presse d'extrême-gauche (zelium). Marsault rit de la mode idiote de son époque, tout comme Crumb se moquait des hippies,
Margerin se moquait des Johnnys,
El Diablo se moquait des racailles, Marsault se moque des social justice warriors.
Il faut lire cet album juste pour l'histoire épique avec un faf et un sjw qui font face à l'apocalypse des zombis obèses, le sjw meurt bêtement parce qu'il essaye d'être tolérant avec les zombis qu'il considère comme "opprimés", le faf lui meurt en kamikaze qui vitrifie la ville, y'a un discours désespéré poétique dans ses gags au karcher.
Après politiquement c'est clairement pas neutre. Outre l'avalanche d'insultes racistes (qui plaisent, hé oui, quand on étouffe sous le politiquement correct il suffit d'écrire "nèg** boug*****" pour que tout le monde se marre), il en profite pour adresser des clins d'oeil ouverts à
Jean-Marie le Pen ou
Renaud Camus en causant d'incompatibilité des boug***** nèg*** avec la république ou de grand remplacement et reconquista, bref c'est bel et bien de l'humour front national qui n'a rien à voir avec le second degré de superdupont. Je note un petit détail qui "tue", il fait à un moment allusion aux performances blasphèmatoires des femen, en prenant ouvertement position contre, alors que l'auteur s'est lui-même tatoué un blasphème énorme sur le torse. Ce qui laisse entendre qu'il n'est pas dans la défense de la religion chrétienne mais bien dans un discours de repli communautariste. Un auteur en phase avec notre triste époque, en somme.
Autre petit "détail" amusant, je suis tombé par pur hasard sur cet album car il a été délibérément mal rangé dans les rayons de la fnac, un fan farceur s'est amusé à glisser les albums de Marsault sur l'étagère "
Gotlib", entre gai-luron et
les dingodossiers... Alors pour avoir un point de comparaison avec le maître j'ai acheté "inédits" de
Gotlib (compil de vieilles pages parues dans pilote, hara-kiri, l'écho des savanes, rock&folk, fluide...). L'humour est 50 étages au dessus, d'une grande finesse, et si lui aussi faisait des blagues sur les féministes ou des blagues racistes, c'était épisodique et gentillet, sans haine aucune. Quelques éclats de rire aussi mais il faut que je fasse un énorme effort d'auto-suggestion pour me replonger dans l'insouciance des 70's, rien que parce que la violence de la musique qui passe à la radio ne permet plus de se concentrer sur la finesse des gags, la haine raciale qui monte partout, le retour de l'intégrisme religieux, ça nous fout dans un état de tension et d'alerte qui fait que c'est difficile de se relaxer pour se replonger dans la finesse de l'humour seventies.
Bref Marsault est bien dans son époque. Plus le temps de réfléchir pour pijer du nonsense subtil, on fout des têtes qui explosent et des insultes racistes et les gens se marrent.
Triste époque.
Triste de voir que désormais on se marre mieux avec l'humour facho de Marsault qu'avec les gags subtils de
Gotlib. Notre époque paralyse le cortex frontal et surexcite la haine et la peur dans le cerveau reptilien.
Le souci de l'homme des 70's c'était de bosser, réussir sa vie, gagner plus de thunes, honorer sa femme, et passer ses vacances au ski. le souci de l'homme des années 2010 c'est de savoir si on parque une certaine minorité ethnique dans un département indépendant, si on les déporte en patagonie, ou si on les jette aux requins. Bref Marsault a un humour à l'image de son époque sinistre...