L’amour, c’est la grande affaire des Vénitiens. Cela tient à l’air de la lagune, au mystère des canaux, à la pénombre des palais. Ici, celui qui n’est pas amoureux est considéré comme un malade ! Les mœurs sont libres et la plupart des gens ont le courage de leurs débordements et même de leurs vices. Cela sans ostentation, car, étant pour la plupart catholiques romains, s’ils pèchent contre plusieurs commandements, le septième surtout, ils se savent pécheurs, se repentent, font pénitence, obtiennent l’absolution de prêtres qui forniquent tout autant qu’eux et s’en repentent tout pareillement avant de retourner aux plaisirs défendus.
Et vous ne pouvez savoir ce dont est capable une Vénitienne jalouse ! Il faut, là aussi, prendre garde. Nos amoureuses en fureur n’hésitent pas à rendre la vie infernale à leur amant. Certaines, se sentant abandonnées sans espoir de retour, sont capables d’engager le spadassin qui, pour une poignée de ducats, poussera, par une nuit sans lune, l’infidèle dans un canal après l’avoir assommé. Le meurtre passe pour une noyade accidentelle après boire, peut-être pour un suicide, si l’on a de quoi inventer pour le malheureux des raisons de désespoir.
L’amour vénal n’est ni plus coûteux ni moins risqué qu’ailleurs, mais, à Venise, il n’est jamais sordide ou vulgaire. Il est enfariné de luxe, de fantaisie, de gaieté. On y mêle la poésie, la musique, la danse, le jeu, l’intrigue. Bref, les demoiselles de petite vertu ont le don de donner à leur commerce un ton romanesque, voire sentimental, et savent se conduire. Elles ont, pour la plupart, assez de manières pour accompagner un homme au théâtre ou au restaurant.
À Venise, mon ami, on peut connaître tous les plaisirs, tous les bonheurs, les passions les plus frénétiques, mais attention ! Sur la lagune et dans ces palais qui recèlent tant de mystères, parfois sanglants, on risque aussi de subir la ruine du cœur ! Un homme jeune qui découvre l’amour peut s’y mutiler l’âme à jamais. Car, ici, la pire corruption se pare des charmes de l’innocence et l’innocence n’aspire qu’à la corruption !
Le régime constitutionnel est une absurdité, que la liberté est une chimère, que la fraternité ne résiste pas à l’ambition. Quant à l’égalité, il la proclame non seulement utopique mais malsaine.
Maurice Denuzière
Jacques CHANCEL s'entretient avec
Maurice DENUZIERE, grand reporter au
journal "Le Monde" :
- Comment et pourquoi il a écrit son livre "
Louisiane".
- Evocation de la
Louisiane et de la maison d'une sudiste : Madame de PARLANGE.
- Les rapports entre Français émigrés et Cajuns.
- le
racisme en
Louisiane actuellement.
- La vie en
Louisiane autrefois et aujourd'hui.