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EAN : 9782021092165
400 pages
(01/01/1900)
5/5   1 notes
Résumé :
Au cours des vingt dernières années, le monde du travail a changé de planète. Flexibilité de la main-d'oeuvre, annualisation du temps de travail, précarité des contrats, exigence de qualité totale, déclin de la notion objective de qualification au profit de la «compétence» définie par l'employeur, plans sociaux dans les entreprises rentables, implication et responsabilisation des travailleurs, organisation en réseau, etc.

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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Tout commence dans le Japon de l'après-guerre. T. Ohno, ingénieur chez Toyota, invente le "juste à temps". On ne fait plus de stocks (l'espace est restreint sur les îles japonaises). Les hommes, la matière, l'information, circulent dans un vaste mouvement continu. Cela accroît la productivité globale, car il n'y a plus de matière immobilisée, plus de coût de stockage et de manutention. le capital circule toujours plus vite.
Le "juste à temps" arrive dans les années 70 en Occident, en pleine crise de l'accumulation. Fini le temps où on pouvait fabriquer et stocker car tout se vendait. L'auteur note qu'en France, le flux tendu s'impose en douceur, sans débats (contrairement à d'autres pays), il est vécu comme un changement inéluctable.

Pourquoi est-ce efficace ?
Le système paraît fragile de prime abord: le flux tendu est un mouvement vulnérable car toute panne, tout aléa, rompt ce mouvement. Cette vulnérabilité lui confère toute sa puissance car elle impose une mobilisation de tous les instants des salariés soumis à sa logique. Il crée de l'autodiscipline ou implication contrainte.
Dans les entreprises, on réorganise les métiers vers plus de polyvalence. Les ouvriers expérimentés sont déstabilisés car ils sont obligés de partager un savoir-faire qui leur donnait du prestige. On organise une rotation des postes qui fait entretenir la dextérité et accroît la "remplaçabilité" des salariés. Les pièces usées ou fragiles sont changées préventivement, selon des statistiques rigoureuses. Quand un travailleur se détache du lot, il est promu "team leader", et consacre son énergie à motiver le groupe et à servir de modèle. Pour Jean-Pierre Durand, la fonction de "team leader" est le fondement de la haute productivité des firmes japonaises.
La révolution japonaise a généralisé l'évaluation individuelle. On se met à parler de potentiels à développer, de "portefeuille de compétences" (amis de la poésie bonjour).
Les salariés sont maintenant évalués suivant un nouveau modèle de compétence. Ce chapitre (le 3) est passionnant, car l'auteur montre les questions d'éthique qui se posent. Que juge-t-on: un savoir-faire ou un savoir-être ?
Dans le système capitaliste, l'employeur n'était censé acheter que le temps de travail du salarié. Désormais, les compétences relevant du domaine privé, l'achat de la personnalité se retrouve confondu avec l'achat du temps de travail. L'individu est davantage évalué que son travail lui-même. On met à disposition de l'employeur la subjectivité de l'employé. Ce sont des débats qui opposent syndicats et patronat à la fin des années 90 en France (p.124, la CGC: ...l'organisation syndicale doit veiller à ce que l'appréciation porte bien sur l'activité de travail et non sur l'individu lui-même). Mais de toute façon, le mouvement est en cours: dans les guides préparés par les DRH, on évalue l'initiative, la disponibilité et la sociabilité, c'est à dire les comportements.
Ce qui m'a passionné :
L'articulation entre histoire contemporaine, théorie et réel. C'est le monde qui s'est construit depuis en gros ma date de naissance (1973). On retrouve notre vie quotidienne dans ce livre. On a l'impression d'avoir une vision augmentée sur la réalité qui nous entoure.
Lien : http://killing-ego.blogspot...
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Le contrôle social sur les activités perdure, même s'il prend d'autres formes plus douces (à travers le travail en groupe et la responsabilité collective), même s'il se déroule plus en amont à partir d'objectifs fixés-négociés. Plus encore, en imposant une norme comportementale et en contrôlant son respect à travers l'évaluation individuelle, les directions prouvent leur pouvoir sur les salariés, c'est-à-dire la relation inégalitaire qu'elles sont chargés de perpétuer, à travers de nouvelles formes dont le modèle de compétence n'est pas le moindre. Ce modèle vise à s'assurer, à travers l'évaluation de la loyauté des salariés vis-à-vis de l'entreprise, qu'ils ont intégré le paradigme de flux tendu avec ses obligations de disponibilités physique, intellectuelle et temporelle. Il s'agit de mettre à disposition gratuitement les savoirs et les savoir-faire acquis et entretenus (exemple: les réseaux p.43) tout au long de la carrière professionnelle.
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D'un point de vue anthropologique, cet achat du temps des autres correspond à une lutte de soi-même contre le temps qui passe, contre l'outrage du temps, contre l'usure par le temps, tandis que dans d'autres situations, il s'agira d'un acte anticipateur par rapport au temps à venir. Le rapport au temps constitue ainsi le premier fondement d'une théorie des services: la plupart des services aux personnes (santé et entretien matériel du foyer et de ses équipements), mais aussi des services aux entreprises (nettoyage, maintenance en général), relèvent de cette confrontation à l'usure par le temps: il s'agit, sous une forme ou une autre, de réparations face à l'effet du temps. Les assurances diverses, en particulier la couverture sociale (sécurité sociale, retraites...), mais aussi les emprunts bancaires et d'une autre manière l'éducation apparaissent comme des attitudes anticipatrices par rapport aux situations temporellles à venir. Les assurances contre les sinistres couvrent des risques potentiels, tandis que les cotisations aux caisses de retraite traitent des certitudes, à savoir le vieillissement...
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L'hôtesse de caisse, par sa recherche systématique de rapidité et de transaction minimale, tend à s'identifier à un automate dans sa relation au client: répétitivité des gestes, rejet des demandes atypiques, artificialité des dialogues et dépersonnalisation de la relation. Sans cesse, les mêmes gestes sont répétés, les mêmes paroles sont prononcées. Une certaine standardisation des mouvements se met en place. Cela est encore plus important quand il y a du monde, car l'hôtesse doit être rapide. Tout ceci pourrait s'interpréter comme un véritable souci de l'hôtesse à se désincarner: elle se déleste des attributs pouvant trahir son humanité et acquiert des automatismes susceptibles de la ramener dans le giron protecteur de la machine. La caissière entre dans un cercle vicieux: son attitude impersonnelle et déshumanisée, sa quasi-absence mentale et affective dans la relation avec le client peuvent amener ce dernier, se sentant anonyme ou traité comme un objet, à développer une attitude agressive.
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