AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782072880469
368 pages
Gallimard (01/01/2020)
3.93/5   14 notes
Résumé :
Bientôt centenaire, Frédéric Jacques Temple, né en 1921 à Montpellier, est sûrement un des poètes les plus atypiques du siècle qu'il a traversé, indifférent aux modes et avant-gardes successives, gardant obstinément le cap, dans le sillage d'un Cendrars dont il fut proche, d'une poésie de l'ouvert, de la traversée des lieux et des espaces. Et si beaucoup de ses poèmes sont dédiés à quelque ami, poète ou peintre, ce n'est sûrement pas pour faire apparaître un réseau ... >Voir plus
Que lire après La chasse infinie et autres poèmesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Embarquement immédiat avec le poète voyageur! Des quatre coins du monde, infatigable ( il aura 99 ans en août !), Frédéric Jacques Temple envoie des cartes postales à ses nombreux amis et nous communique son émerveillement jamais faiblissant devant la nature, son enthousiasme. Sa tristesse parfois aussi...

Les poèmes de ce recueil s'échelonnent de 1995 à 2019. Mes parties préférées sont " La chasse infinie" et " Profonds pays" et le magnifique " Un émoi sans frontières", titre qui résume à lui seul toute la poésie de l'auteur.

" Jules Verne! C'est lui qui m'a poussé, et non les poètes, vers la poésie "s'exclame-t-il. On comprend alors son désir d'aventure, de voyages. Et son ancrage dans la nature, il le doit à un oncle paternel qui l'a initié très tôt à entrer en dialogue avec la forêt, les oiseaux, les arbres.

Son écriture est dense, diversifiée, tour à tour joueuse, il y a d'ailleurs quelques calligrammes, sensible et émouvante, nostalgique aussi de l'enfant qu'il était. Les " poèmes de guerre" qui clôturent le recueil montrent, quant à eux, la douleur secrète des souvenirs de combattant de la seconde guerre mondiale.

Ce qui m'a plu essentiellement , c'est que tout est sensations pour le poète, transcrites avec intensité mais aussi sobriété:

" Nous sommes de cette terre
dans la douce respiration
sans relâche
de la mer

les embruns
nourrissent le thym
nous vivons
dans le chant solaire
de ces lumineux parages
lourds de fragrances
et de sel"

J'ai aimé la chaleur, la générosité qui se dégagent des mots: toujours le poète s'adresse aux amis, visite des lieux chargés d'histoire littéraire, comme Combourg, ou la tombe de Rimbaud. On le sent tourné vers les autres, bouillonnant de vie et d'amitié. Il a été journaliste, réalisateur de films, sa biographie est riche de rencontres et de déplacements multiples.

Et j'ai été sensible particulièrement aux évocations si tendres de sa mère, décédée précocement, le poème qui lui est consacré " Dors, ombre douce" m'a beaucoup émue...

Un périple enthousiasmant au travers de mots inspirés et vivifiants, cela vous tenterait-il? Je l'espère...


Commenter  J’apprécie          324
« La nature est un Temple… »
Sur son portrait, en couverture de « La Chasse infinie », avec sa barbe de prophète et ses yeux pochés (les valises de l'insomnie ?), Frédéric Jacques Temple rappelle l'exilé de Guernesey tourné lui aussi vers le grand large. Débutant sa superbe et consistante anthologie avec Foghorn (« corne de brume »), le poète voyageur languedocien âgé aujourd'hui de 99 ans, place son recueil dans le faisceau du phare, la poussée de l'amer où d'une voix forte et amicale, il clame et jette des balises aux amis, en passant impénitent. Chaque poème est dédicacé. Les notes en fin de volume apportent d'utiles compléments biographiques et géographiques qui dimensionnent le parcours poétique de l'auteur. Ouvrant le bal des dédicataires, Lawrence Durrell (1912-1990) est l'écrivain et voyageur britannique installé à Sommières, dans le Gard, durant les trente dernières années de sa vie, sur les conseils de Jacques Temple « où la lumière et les oliviers lui rappelleraient sa chère Grèce ». « Caravane », le poème offert à Durrell, sur des accents rimbaldiens, déploie la geste humaine dans son errance forcenée et opiniâtre, à la recherche, comme pour les Vagabonds des « Illuminations », « du lieu et de la formule » : « chaque pas remplacer le mot inutile et béant ». La vie et l'oeuvre restent à faire, de concert, en écho, se nourrissant mutuellement. Les poèmes s'enchaînent et s'enchâssent au gré de lieux découverts de par le monde, des « anciens parapets » de l'Europe au continent américain. le poète n'oublie jamais le Languedoc et ses terres âpres, éclatantes et brûlantes. le Larzac revient à plusieurs reprises avec ses corbeaux craves à bec rouge parlant la langue d'oc. Outre l'apparente simplicité de l'écriture, les poèmes sont sertis de mots précis et précieux, d'un vocabulaire naturaliste que ne renierait pas un géopoète dans le sillage de Kenneth White.
Commenter  J’apprécie          80
Tombé dessus par hasard au rayon poésie du Gibert de Lyon. Excellent achat et découverte d'un magnifique poète.
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (48) Voir plus Ajouter une citation
APRÈS-MIDI AU JARDIN DES PLANTES

Des ombres glissent
qui ne sont pas celles des arbres
dont le vent courbe
les hautes branches claires
dans les allées où jadis enfant
je n'avais ni le souci de vivre
ni l'immense projet de mourir.

Je médite à l'abri d'un ailante
ce qu'en ces lieux sans doute écrivit
Thomas Browne :
"les générations passent et les arbres demeurent".

Fidèle à ceux qui m'ont précédé
avec un livre ouvert parmi les simples
et sous les orangers des Osages
dont je lançais les pommes grumeleuses
sur les nourrices à bonnets
sans nul égard pour les térébinthes,
indifférent au friselis des bambous dans la brise,
fidèle à ces passants qu'éternisent des bustes
ceints de laurier, de viorne et d'amarante,
je suis allé parler au cénotaphe
de Narcissa qui fut l'ombre d'une ombre
dont les mânes voltigent sur les myrtes.

Pensées, soucis et monologues
se mêlent aux bosquets de l'antique Montagne
dominant cinéraires et lys de mer.
Les mésanges en deuil, les rossignols virtuoses
chantent l'odeur sucrée des alyssons :
la mer est proche et le vent grec charrie
le relent des eaux mortes.
Un bassin endormi déborde de soleil
sous les vertes ombrelles des lotus.
Aux déodars pendent de lourdes pommes d'or.

Je suis ravi dans le muet dédale
des secrètes gésines où sans répit
mûrissent d'insignes germinations
et les confins irrévocables de la vie.

Il suffit d'une tombe vide
pour inspirer de lentes promenades
et le silence, tel qu'en inventent
en leur pénombre les sanctuaires
où seuls s'émeuvent les choucas
des cloches envolées d'une ville
imminente et pourtant lointaine
dans ce jardin des âmes bienveillantes
qui me font signe entre les cyprès d'encre.

En ce lieu clos, creuset de la mémoire,
enfermez-moi encore, Ô dieux masqués
de feuilles et de fleurs...

Ici je suis couronné de bonheur.


À Hervé Harant, in memoriam
(extrait de "Paysages") pp. 105-107
Commenter  J’apprécie          70
     LA DIVE BOUTEILLE


        La  volupté
        mille   fois
        renouvelée
        que promet
        la  musique
        labiale   et
        claire    des
        bouchons qui
        fusent du gou-
       lot, en soupir  de
       vif regret  d'avoir
       à quitter le liquide
     depuis longtemps peut-
     être familier ‒ j'ose dire
   intime-quasi amniotique,où il
  ne flotte pas,  et dont il s'enfle
 lentement, transfusion revivifiante
dont il gardera, pour combien encore,
Ô délices,  le parfum stimulant du ma-
gique  alcool  né  du soleil,  de la ter-
re,  et qui  gonfle les  fibres du  liège
pour en faire  un  sexe libéré et  gor-
gé d'une sève  inimaginable  qui exul-
te  en  l'orgasme  initial du rituel  de
boire enfin  ce  qui mûrissait dans le
verre  épais  de la mère  bouteille qui
contient  aussi la  jouissance du vide
en  devenir, Ô désir,fabuleux transva-
sement  et  deuil qui  en est le  fruit,
lorsque règne  enfin en souveraine la
transparence dans ce flacon  où,com-
me après  l'amour vient une belle las-
situde de  cette chimie secrète qui re-
vit d'opérer  au regard des  dieux ca-
chés,  et  qui en  dernier lieu ne  lai-
se qu'une lie purpurine  tel  un lourd
regret  porteur de victorieux espoirs


p.77

À ta santé  là-bas, Frédéric Jacques
Temple qui nous a quitté ce six août
2020.
Commenter  J’apprécie          30
          LA CHASSE INFINIE
                            à Brigitte


C’est par les veines de la terre
que vient Dieu,
par les pieds qui sont racines
dans l’humus et la pierre,
vers les cuisses, l’aine humide
et douce
comme un herbage de varaigne,
et non du ciel
Virginal
Où il ne trône pas.
Sur le lit de faînes rousses
je le contemple
par les pores de l’inconscience
et j’adore la senteur fauve
qui transsude
de sa présence abyssale.
Érigé dans la folle avoine
je le traque,
l’aurochs éternel
hérissé d’angons,
dont l’œil béant m’invite
à la chasse infinie.

p.63
Commenter  J’apprécie          90
Dors, ombre douce

Quand la nuit pénètre la mer
luisant de mille ardoises
ma mère est là
dans l'odeur des alyssons
et des lys des sables.

Elle sourit telle autrefois
dans les près fleuris de l'enfance
me regardant comme en rêve.

Dort-elle?

Pourquoi dors-tu
depuis si longtemps déjà ?
Tant de luzernes mûres et fanées
ont passé sur ton sommeil !

Dors, ombre douce,
un jour je te réveillerai
comme une fanfare
et nous irons, âmes ardentes,
cueillir les verveines
de la tendresse triomphante.
Commenter  J’apprécie          130
L’OREGON TRAIL
à Jean Carrière


Et moi aussi j’ai pris la diligence
qui passe au large de Chimney Rock
dans l’herbe jaune du souvenir

J’ai vu les sauges grises
de la rivière Platte
et les yuccas témoins du Poney Express
dans le soleil cheyenne

Les coyotes fuyaient devant nos montures
furtifs
comme les femmes des tribus sans retour

Au loin montait la poussière des troupeaux
mugissant vers les vieilles odeurs
nocturnes
de l’aventure morte

Et le long fouet sec
claquait dans le vent
sur les collines infinies
de Scriven’s Ranch

Et j’entendais gémir les lents chariots mormons
dans les ornières
sous le regard fantôme des Indiens
morts.
Commenter  J’apprécie          80

Videos de Frédéric Jacques Temple (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Frédéric Jacques Temple
À l'occasion du Printemps des Poètes, Bruno Doucey décline le mot "Désir" en toutes lettres ! Pour la dernière lettre du mot Désir, ce sera donc R comme Rage de vivre que Bruno Doucey explore en poésie...
Livres évoqués : / "Le désir – Aux couleurs du poème", anthologie / "Vive la liberté", anthologie / "Par le sextant du soleil", Frédéric Jacques Temple
autres livres classés : poésieVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (33) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1220 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}