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EAN : 9782355220586
176 pages
Zones (20/03/2014)
4.09/5   23 notes
Résumé :
Face à la catastrophe écologique annoncée, les bonnes âmes appellent l'humanité à « dépasser ses divisions » pour s'unir dans un « pacte écologique ». Cet essai s'attaque à cette idée reçue. Il n'y aura pas de consensus environnemental. Loin d'effacer les antagonismes existants, la crise écologique se greffe au contraire à eux pour les porter à incandescence. Soit la localisation des décharges toxiques aux États-Unis : si vous voulez savoir où un stock de déchets do... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
"Le capitalisme ne mourra pas de mort naturelle". Ce constat, tiré du Livre des passages de Walter Benjamin, résume à lui seul le propos de l'essai de Razmig Keucheyan, La Nature est un champ de bataille (éditions Zones, Paris 2014).

Le capitalisme a les moyens de s'adapter à la crise environnementale, comme il a su s'adapter aux autres crises précédentes. L'auteur démontre ici, de nombreux exemples à l'appui, que la financiarisation et la militarisation de la crise écologique sont la démonstration, par le système capitaliste, de sa capacité à se réinventer sans cesse pour surmonter ses crises.

La financiarisation de la nature est la première réaction du capitalisme devant la crise écologique. L'auteur explique "qu'elle protège l'investissement des conséquences du changement climatique, amortit l'augmentation du coût des conditions de production à laquelle il donne lieu, et permet par la même occasion d'en tirer profit, dans un contexte global marqué par une crise économique de longue durée."

Cette financiarisation du risque environnemental est rendu possible par l'impossibilité des États – affaiblis par la crise fiscale – à recourir uniquement aux assurances pour couvrir les dégâts créés par les catastrophes naturelles. Ainsi le monde de la finance capitalise sur le chaos pour en tirer des profits.

La militarisation de la crise écologique est le deuxième "anticorps'" produit par le capitalisme pour se sortir de la crise actuelle. Les états-majors américain et même français, ont intégré depuis plusieurs décennies l'impératif climatique dans leurs stratégies militaires. le réchauffement climatique bouleversera l'accès aux ressources essentielles à la civilisation (eau, terre). Leur raréfaction, entraînera donc des conflits d'un genre nouveau. le capital aura donc besoin de l'aide militaire pour assurer l'appropriation de ces ressources. Toute la géostratégie est repensée sous ce nouveau paradigme, et il est troublant de voir combien les militaires sont en avance dans ce domaine (les prémices de la transition énergétique de l'armée américaine en est l'exemple le plus probant) en comparaison à nos politiques qui restent enfermés dans des projections sur le court terme.

Par ailleurs, l'auteur dénonce le rôle de l'État qui exerce une fonction d'intermédiaire ou d'interface entre le capitalisme et la nature : "En régulant l'accès aux ressources et en prenant en charge les conséquences négatives du développement, l'État oeuvre en faveur des intérêts de long terme des classes dominantes et permet que la nature puisse être exploitée durablement" .

Comment alors abattre ce trio que forment la nature, le capitalisme et l'État, et empêcher que ce dernier oeuvre en faveur des intérêts du capital ?

Pour R. Keucheyan, il s'agit de s'inspirer du mouvement pour la justice environnementale américain, qui a inventé le concept de racisme environnemental et dénonce le fait que les conséquences néfastes du développement capitaliste ne sont pas subies de la même manière par tous les secteurs de la population.

Les luttes pour la justice environnementale et contre la marchandisation de la nature sont donc les pistes les plus concrètes aujourd'hui pour mettre un terme aux relations entre l'État et le capital. C'est ce que s'appliquent à faire les zadistes de Notre-Dame-des-Landes par exemple, ou ceux qui luttent contre l'exploitation des gaz de schiste à travers le monde.
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Cet essai de Razmig Keucheyan m'avait échappé. Je l'ai dévoré comme un thriller, bourré de références et de notes biblio implacables. Face à la catastrophe écologique annoncée, les bonnes âmes appellent l'humanité à « dépasser ses divisions » pour s'unir dans un « pacte écologique ». Cet essai s'attaque à cette idée reçue. Car la nature n'échappe pas aux rapports de forces sociaux : la nature est la plus politique des entités ! Il n'y aura pas de consensus environnemental. Loin d'effacer les antagonismes existants, la crise écologique se greffe à eux pour les porter à incandescence : racisme - à fois néo-colonial et social - environnemental, financiarisation via l'assurance des risques climatiques avec de gros profits, militarisation de la déstabilisation générée par l'épuisement, la pollution, la destruction des terres et des océans. Un essai critique fort et dérangeant qui s'ouvre par Walter Benjamin "L'expérience de notre génération - le capitalisme ne mourra pas de mort naturelle." Un cinglant coup de fouet, même si j'ai un bémol, dans l'absence de prise en compte de la question animale.
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Un livre qui aborde la crise écologique d'un point de vue original et peu évoqué : finances, assurances, enjeux militaires,… des thématiques qui paraissent d'un premier abord assez austères et compliquées. Cependant l'auteur arrive à présenter ces matières complexes avec une grande clarté et mieux encore à rendre les sujets passionnants. On termine l'ouvrage avec l'envie de se documenter d'avantage et on suit l'actualité avec un regard plus aiguisé et différent.
Comme c'est appréciable quand des chercheurs mettent leurs connaissances à la portée d'un public plus large et non expert, ça m'a donné envie de lire les autres de titre de l'auteur.
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Réflexion originale sur le risque environnemental qui choisit de mettre en perspective ses enjeux à partir de problématiques plutôt singulières. Dans un premier temps le risque environnemental est mis en corrélation avec la sédimentation sociale et raciale des individus pour être examiné ensuite comme un élément central de spéculation (Assurances,Marché Carbone etc...) pour enfin être analysé dans son rapport avec le Monde de l'Armée qui à la différence des gouvernants a depuis longtemps anticipé les contraintes et les périls climatiques qui impactent directement son action. Parfois un peu scolaire dans sa présentation le livre à le mérite de poser politiquement la question de notre rapport à la Nature.
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C'est le deuxième livre de cet auteur que je lis. Docteur en sociologie, il est de ces penseurs qui savent nous éclairer et nous permettre d'élever notre pensée ne serait-ce que le temps de la lecture. Il sait rendre des concepts ardus relativement accessibles aux béotiens que nous sommes. Alors si le premier chapitre a été facile à lire, le second m'a demandé plus d'efforts ayant des difficultés d'appréhension des mécanismes complexes de la finance et de l'assurance. Et le troisième chapitre est édifiant. Ce livre est un puits de science et de réflexion immensément nécessaire en ces temps.
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Les inégalités environnementales en Île-de-France comportent une dimension raciale. Celle-ci se manifeste par exemple dans le cas du saturnisme, une maladie ancienne qui refait toutefois son apparition à Paris dans les années 1980. Le saturnisme ne resurgit pas n'importe où. On l'observe principalement dans l'habitat ancien dégradé, du type de celui que l'on trouve dans les quartiers populaires de la ville. Les catégories de la population affectées par ce mal sont celles qui résident dans ces immeubles : principalement à cette époque des immigrés africains subsahariens.
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Le capitalisme ne mourra pas de mort naturelle, pour une raison simple : il a les moyens de s'adapter à la crise environnementale. Il est en passe de le faire, une fois de plus, la démonstration de sa stupéfiante résilience. La financiarisation et la militarisation de cette crise ne sont rien d'autre, en dernière instance, que des illustrations de ce constat. Le capitalisme est à vrai dire non seulement capable de s'adapter à la crise environnementale, mais de surcroît d'en tirer profit.
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Le coût du changement climatique sur les systèmes de protection sociale et de santé peut être plus indirect encore. Du fait du réchauffement climatique, des agents pathogènes apparaîtront dans des régions qui en étaient jusque-là exemptes. Avec l'accroissement des températures, une partie croissante du territoire états-unien risque par exemple d'être exposé à la malaria. Ce type de risque ne manquera pas d'engendrer des dépenses sanitaires supplémentaires, approfondissant d'autant la crise fiscale de l’État.
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La crise fiscale de l’État est étroitement liée à la crise environnementale. Du fait de la crise fiscale qu'ils traversent, les États sont de moins en moins capables d'assumer le coût assurantiel des catastrophes climatiques par des moyens conventionnels, c'est-à-dire principalement par l'impôt. Ils le seront d'autant moins que le nombre et la puissance de ces catastrophes iront en augmentant, du fait du changement climatique. C'est là le point de fusion de la crise écologique et de la crise financière.
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Si le commerce triangulaire a permis le développement de l'assurance, et si l'assurance a permis le développement de la finance, il est clair que financiarisation et esclavagisme ne sont pas des phénomènes étrangers l'un à l'autre. Que la traite atlantique ait pris une telle ampleur, comparée à celle d'autres régions, s'explique en partie par son imbrication avec la finance et l'assurance.
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Videos de Razmig Keucheyan (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Razmig Keucheyan
La chercheuse Stéphanie Roza nous présente son "Histoire globale des socialismes", formidable abécédaire des notions, figures et moments du socialisme, codirigé avec Jean-Numa Ducange et Razmig Keucheyan. La philosophe constate la cote toujours baissante du terme "socialisme", tout en invitant les penseurs et les acteurs politiques à le revaloriser.
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