Le post-matérialisme offre la possibilité de faire émerger un nouveau paradigme, qui peut non seulement aider la science à se développer de manière novatrice, mais aussi apporter une contribution importante à la transformation continuelle de la conscience humaine. Le paradigme dominant actuel, connu sous le nom de « matérialisme scientifique » (ou simplement« matérialisme »), prétend à tort que tout est matériel (c'est-à-dire constitué exclusivement de matière physique) et que tout phénomène est le résultat d'interactions purement matérielles. Cette vision du monde a plus ou moins dominé la science et le monde académique pendant des siècles, en dépit du fait que nombre des principaux précurseurs de la science moderne l'ont rejetée implicitement ou explicitement. Grâce à l'accumulation de preuves et des connaissances plus approfondies, l'ancienne vision matérialiste du monde a commencé à s'effriter et nous atteignons enfin un point de basculement. Cette anthologie est une publication essentielle, elle contribue à éclairer la voie à suivre dans cet extraordinaire voyage vers une science et une société post-matérialistes.
Au cours du XXe siècle, ces postulats se sont durcis puis furent transformés en dogmes et rassemblés en un système de croyances connu sous le nom de « matérialisme scientifique » (Burtt, 1949 ; Sheldrake, 2012). Selon ce système de croyances, l'esprit et la conscience - et tout ce que nous vivons subjectivement (par exemple nos souvenirs, nos émotions, nos objectifs et nos épiphanies spirituelles) - sont identiques et ne sont rien de plus que des processus électriques et chimiques dans le cerveau ; ces processus cérébraux étant en définitive réductibles à l'interaction entre des éléments physiques fondamentaux. Une autre implication de ce système de croyance est que nos pensées et nos intentions ne peuvent avoir aucun effet sur nos cerveaux et nos corps, sur nos actions et le monde physique, puisque l'esprit ne peut impacter directement les systèmes physiques et biologiques. En d'autres termes, nous, les êtres humains, ne sommes rien d'autre que des machines biophysiques complexes. En conséquence, notre conscience et notre personnalité disparaissent automatiquement lorsque nous mourons.
La vision matérialiste du monde qui a dominé la science et le monde académique au cours des derniers siècles a fait son temps. Le vieux paradigme matérialiste obsolète a enfin commencé à s'effondrer et un nouveau paradigme est en train d'émerger.
Comme Thomas S. Kuhn l'a fait remarquer avec justesse, l'histoire de la science a été marquée par quelques moments particuliers caractérisés par des percées conceptuelles majeures. Comme mentionné précédemment, Kuhn a appelé ces percées des « changements de paradigme » (Kuhn, 1970) […].
Il semble que nous nous rapprochions maintenant d'un autre changement de paradigme capital, à savoir le passage de la science matérialiste à la science post-matérialiste. Très prometteuse pour la science, cette transition - qui nous conduira à la prochaine grande révolution scientifique - sera d'une importance vitale pour l'évolution de la civilisation humaine. Je suis convaincu que cette transition sera encore plus déterminante que celle du géocentrisme à l'héliocentrisme.
Le nouveau paradigme est généralement défendu par des scientifiques audacieux qui prennent d'assaut les bastions du dogme communément accepté. Les scientifiques conservateurs pensent que les anomalies seront bientôt résolues dans l'ancien paradigme, aussi il n'est pas surprenant qu'ils se battent pour sauver ce cadre théorique. Si le nouveau paradigme s'avère suffisamment prometteur, c'est-à-dire s'il est mieux à même d'expliquer les anomalies observées, il attire alors un nombre important de scientifiques à l'écart de l'ancien paradigme, et un changement de paradigme (ou révolution scientifique) se produit. Après ce changement de paradigme, les scientifiques continuent à résoudre des problèmes, mais dans le cadre du nouveau paradigme.
Selon Kuhn, lorsque des anomalies - des observations expérimentales ou autres preuves empiriques qui violent le cadre théorétique communément accepté-que le paradigme dominant ne peut pas expliquer s'accumulent et que les efforts persistants des scientifiques ne parviennent pas à les élucider, la communauté scientifique commence à perdre confiance dans ce paradigme et une période de crise s'ensuit. Un nouveau paradigme, en concurrence avec 1'ancien pour la suprématie, peut alors être envisagé. Ce nouveau paradigme n'est pas seulement une extension de l'ancien, mais une vision du monde entièrement différente.