Tendresse. Caresse…
extrait 2
Boules, bowling, slot-machines, dring dring sont pris
dans la lumineuse [ ] foule-traquenard de mars –
comme toujours mortelle
comme toujours en riante-torture
comme toujours en riante riante-brûlure
Et lui roule à motocyclette sur la corde tendue vers le sommet
du clocher, du manque azur aniliné.
Et il met tout sens dessus dessous. Drapeaux. Mais il faut aussi des cercueils,
ou triche.
Triche dans l’humide, dans le sec. Carillon de drapeaux et avis.
S’enamoure, des soirées fait des cirques.
Mars cisaille. Traquenards. Avis coupants. Befehle comme rayons,
équarrissages.
Le cirque partait tôt le matin –
furtif, avec un piétinement de p’tits moutons.
Moi, parce que (c’est mon affaire), j’étais déjà réveillé.
Je connaissais l’aube au départ, les
p’tits moutons du cirque sous les étoiles.
Départ le 19, St Joseph.
au ras, au ras du bois, la gelée blanche, les crevasses.
(CLICHÉ)
/ Traduit de l’italien par Philippe Di Meo
sonnet nocturne avec phares et voyeur
Là où le cœur du bois m’a souvent submergé
où parmi les césures que verdures
offensent effroyablement, dans la louche
marche à l’échec de mes fortunes,
là où je connais tout ce qui fut mien,
âcres essaims de pollens, herbes impures
et très pures au miel comme au poison,
heures prestes au fouet en pluies ou brûlures,
là où souspaume et sousfougère
j’ai retrouvé la fraise et l’ardente
chattelette l’humide légère turgescence,
avec ses phares le voyeur perce, entre l’yeuse
l’orne et le hêtre, entre la feuille et la fleur ;
déçu, il fait marche arrière, il est en reprise.
/traduction de l’italien de Philippe Di Meo
divines pauses foliées
Dans l’heure où plus affairée à son étal la bataille équarrissait,
lorsque comme de poux on scellait les destinées,
ailleurs neutres étaient les bêtesplantes des fourrés
et les sentes menaient à de divines pauses foliées.
/traduction de l’italien par Philippe Di Meo
Tendresse. Caresse…
extrait 1
Tendresse. Caresse. Petites gifles en toute quiétude.
Doigté froid sur la vitre.
Drapeaux petits vents / vitres intenses.
Drapeaux, intérêts justes et manifestes.
Libres inquiets ils caressent. Liés légers.
Eux, les drapeaux, comment donc ? Comment ici ?
Batailles lointaines. Batailles en album, dans le médaillier.
Villages. Très vieux. Jeunes fouilles, fouiller le ciel, drapeaux.
Coupoles, cirque. Drapeaux qui sautent, sautent là-haut.
Fouet levé pour moi, ils fouettent le céleste et le bleu.
Des chansons / écume tensioactives gonflent apeurent le vent. Drapeaux.
Guichet paradisiaque. Vente de billets. Entrée véritable.
Verrous, verrous-étoiles à foison.
Clefs de cirque-couleurs-coche cirque. Drapeaux.
Dans le jouet frais village, jouet cirque.
Cirque minuscule. Languelettes qui lèchent. Aines. Drapeaux
bifides, trifides, batailles. Boules. Bouteilles.
Oh que comme un flot de flots, drapeaux, le ci-cirque tout entier bondit.
…
/ Traduit de l’italien par Philippe Di Meo
je vais aux ossuaires
(…) je vais aux ossuaires, et traîne doucement
derrière moi crânes et tibias bien aimés, avec ou sans flûte magique
Toujours plus en eux, doucement, dans la bruyère
je me succède, parmi les engins guerriers sortant de terre,
une fleur succède à un ciel
dans les printemps des os en délabrement,
un oui succède à un non, mais bien peu
différenciés, dans le faible
dans les tiges graciles de cette pluie, de cirque, de jeu.
/traduction de l’italien de Philippe Di Meo
Avec Antonella Anedda, Michel Deguy, Jacques Demarcq, Benoît Casas, Andrea Inglese, Sophie Loizeau, Valerio Magrelli, Claude Mouchard, Guido Mazzoni & Martin Rueff
Andrea Zanzotto est né il y a cent ans et mort il y a dix. Ce double anniversaire, marqué par d'importantes publications posthumes, Erratici, disperse e altre poésie (1937-2011 – Francesco Carbognin éd., Mondadori, 2021), Traduzioni, trapianti, imitazioni (Giuseppe Sandri éd., Mondadori, 2021) est l'occasion de nombreuses célébrations en Italie comme en France. Dans le cadre d'un colloque de trois jours, « Zanzotto europeo, la sua poesia di movimento » (25-27 novembre 2021), organisé par Giorgia Bongiorno, Laura Toppan, Andrea Cortellessa et Martin Rueff, la Maison de la Poésie accueille cette soirée exceptionnelle. Des poètes de France et d'Italie évoqueront la figure d'Andrea Zanzotto, l'importance de son oeuvre, la fécondité de son héritage.
Le programme du colloque est consultable sur le site de l'Institut Culturel Italien
À lire – Andrea Zanzotto, Venise, peut-être, trad. de l'italien par Jacques Demarcq et Martin Rueff, éd. NOUS, 2021.
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