Comme la chute des feuilles annonce l'automne, la cascade des prix signale, elle, la fin de la rentrée littéraire. On aura lu dix, vingt, parfois même - dans le meilleur des cas - une trentaine de livres ; on aura rajouté un/e ou deux écrivain/e/s à son palmarès personnel ; on se promet de ne pas les oublier et on leur donne rendez-vous l'année prochaine, même endroit, même heure peut-être. Mais parfois il faut attendre. Huit ans dans le cas de
Vincent Puente, publié par les discrètes mais ô combien intéressantes éditions La Bibliothèque, pour un premier volume du Corps des libraires, suite de nouvelles à l'esprit fantaisiste et à l'imaginaire vagabond, au style aussi mesuré que libre. Autant dire que ce deuxième volume, j'avais hâte de le lire. Ses histoires de librairies peu ordinaires et de libraires fabuleux sont ici plus étalées, on frôle même parfois le récit de voyage : Japon, Paris, Norvège ou encore cet îlot surmonté d'un phare et situé non-loin des côtes du Labrador, au Canada (région peuplée d'une petite communauté francophone d'origine québécoise et acadienne), phare dont le seul but est d'abriter la Librairie de Garde, mise en service en 1897 et dont le fond est hétérogène (les livres ne s'y vendent pas mais s'échangent) et où l'on peut trouver par exemple une édition des Anneaux de Saturne de
W.G. Sebald en allemand et à la fois en anglais – qui ferait la joie de
Patti Smith, fan de cet auteur ! À l'heure où les librairies se ressemblent peut-être toutes, suivant le flôt continu de la nouveauté, ce roman vient nous rappeler que le lecteur, comme le libraire, est lui aussi un « explorateur peu commun » qui, bien souvent, ne sait pas ce qu'il cherche mais le trouvera dans ce type de librairies : foutraques, difficiles d'accès (la Troquante à Genève en est un exemple réel), raisonnablement peu ordrées, toujours étonnantes et, comme le signale l'auteur, que ces librairies sont là pour « ébranler l'imaginaire ». Génial.