Dans la nuit du 8 avril 1958, en rentrant de leur ferme, Félix Vallat, maire de Thiersville et son épouse, Madeleine, institutrice, furent assassinés par un commando du FLN. Et c'est cette histoire vraie que la romancière Maia Alonso, amie d'enfance des enfants du couple, a entrepris de raconter sur leur demande. Travail minutieux de journaliste. Quantité de documents ont été mis à sa disposition, lettres, photos, journaux intimes, coupures de presse, tout ce que les enfants avaient recueilli et conservé. Elle a aussi pu rencontrer tous les témoins encore en vie. Il en résulte un livre qui, s'il n'a pas le charme poétique de ses autres romans, est infiniment précieux au plan documentaire. On a vu publier de nombreux souvenirs de jeunesse de cette époque, mais on trouve dans ce livre, menée avec beaucoup de talent et d'empathie, la reconstitution minutieuse de deux vies, avec leurs lumières et leurs ombres. Vies ordinaires, même si Félix, assez flamboyant, s'était engagé à fond dans les affaires municipales. Pas de fastes tapageurs, pas d'engagements tonitruants – juste ce que fut la vie simple, honnête et somme toute naïve d'un homme et d'une femme pris, à contre-courant, dans le tourbillon d'une histoire qui les dépassait. L'ouvrage reconstitue leurs deux vies, amours, espoirs, voyages, enfants, projets, emménagements et que sais-je encore et me semble, à ce titre, un document précieux sur ce que fut la vie, il y a plus de soixante ans, de ces français d'Algérie des années cinquante, tels qu'en eux-mêmes. Une femme attachante, un homme idéaliste et combatif : Madeleine et Félix croyaient au bonheur, au travail, à la famille et à l'amitié, à l'amélioration du sort de leurs concitoyens, à l'éducation et à la coexistence harmonieuse des communautés. Que pouvaient-ils face aux forces en présence, aux idéologies, aux rapacités internationales ? Face aux frustrations, aux rejets aux colères, aux exactions, à l'engrenage de la violence. Face enfin à ce qu'on a appelé alors « le vent de l'histoire ».
Et survient l'attentat, dans toute son horreur, raconté avec une grande sobriété. C'était un mois avant le 13 mai 1958 : la guerre d'Algérie ne faisait que commencer et le pays avait encore bien des heures douloureuses à vivre.
Il se trouve que je les connaissais.
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Ce roman-vrai retrace-là un drame perpétré à une époque douloureusement rappelée à nos mémoires amputées pour beaucoup d'entre nous aujourd'hui en ce qui concerne cette période de la guerre d'Algérie que négligemment on nommait " événements d'Algérie " . Ce roman-vrai révèle des personnalités qui se sont débattues dans une dramatique réalité croissante, complexe et terrifiante.
Oui, beaucoup d'entre nous et notre jeunesse en son entier, doivent savoir, doivent connaître cette réalité historique oui, les personnes citées Madeleine et Félix Vallat ont bien existé et ont été assassinées le 8 avril 1958 à Thiersville, elles revivent sous la plume de l'Auteure dotée d'une grande sensibilité et d'une grande objectivité. le lecteur les suit dans l'insouciance et l'espoir d'un avenir heureux d'abord sur une Terre qu'ils aiment et qu'ils font prospérer avec passion puis dans l'absurdité de tragiques attentats ils les voient anéantis par l'horreur d'une guerre civile qui s'amorce.
Ce beau livre est également le témoignage poignant d'un engagement d'idéaux livrés avec persévérance et courage. L'amour d'une Terre y domine, l'amour et le respect de l'"autre" y domine. L'amour tout court y domine. Nous devons lire ce livre. Nos jeunes gens doivent lire ce livre.
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Elle voulait trouver des mots nouveaux, comme seuls les enfants savent les détourner. Oui, cela faisait longtemps qu’elle habitait sa solitude comme un palais, paré de ses histoires inventées, peuplé d’élans sauvages, vertiges délicieux et perturbants qui démultipliaient l’être. Et puis, Félix s’était faufilé par un interstice jusqu’à ses plus intimes murmures.
Elle souffla :
– On ne connaît jamais tout de l’autre. Il y a la part de soleil et la part de ses absences.
Il aimait l’écouter, la regarder, se sentir exister en ces fulgurants instants où ils étaient ensemble.
Une mouette se déplaçait devant eux en se dandinant, faisant mine de picorer le sable et ralentissant sa démarche pour mieux saisir les aveux échangés par les promeneurs solitaires. Alors, Madeleine eut ce sourire qu’ont les enfants trop sages à qui on promet la lune mais qui savent bien qu’on ne les y emmènera pas. Il ne le vit pas.
De même que tous les arabes ne sont pas pauvres, tous les colons ne sont pas riches.Certains sont aussi pauvres que nos pauvres. Je le sais bien, nous le savons bien. Mais comprenez qu'il nous est difficile d'accepter cette joie de vivre fanfaronne qui vous caractérise tous. Nos jeunes vous envient et se détournent du chemin.