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EAN : 9782360621873
120 pages
Le Festin (08/01/2018)
5/5   1 notes
Résumé :
Premier poète de son temps, Gallo-Romain enraciné dans la terre d'Aquitaine et amoureux de ses paysages, Ausone entonne le chant du cygne de l'Antiquité classique. Mais il est peut-être aussi, comme le laissait entendre Régine Pernoud, le premier poète de ce qui s'appellera un jour la France ― le pays de Vézelay, de Ronsard et de Montaigne. Homme de grande culture, disciple nostalgique et parfois irrévérencieux de Virgile, ce professeur de rhétorique bordelais... >Voir plus
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« C'est toujours au présent que l'on écrit aux morts, comme si le fait de s'adresser à eux avait le singulier pouvoir de les faire revivre, le temps pour eux d'entendre les mots que nous leur disons, sans qu'ils puissent nous répondre. » La plupart des lettres de ce court récit sont en effet adressées à des morts, par Ausone, le plus important poète du IVe siècle de notre ère. Dernier témoin de la grandeur romaine et premier témoin de la dislocation de l'empire, il a connu les honneurs — professeur de rhétorique, précepteur du futur empereur Gratien, il est appelé par lui au consulat — et la disgrâce, qui le ramène sur ses terres bordelaises. Son « testament » est celui d'un monde en mutation, en proie à la violence sociale, aux guerres civiles, à l'intransigeance fanatique d'un christianisme que n'a pas encore érodé l'épreuve du pouvoir. Faut-il céder à la nostalgie d'un monde désormais condamné à disparaître, maintenir envers et contre tout la culture humaniste qui l'a nourri, saluer le « pays à naître » et que l'on ne connaîtra pas ? Questions éternelles, que l'écrivain du XXIe siècle continue à se poser. le testament d'Ausone est aussi celui du romancier, de tout romancier à cheval sur deux mondes. La nostalgie est inutile : le passé est mort à jamais. « Chaque arbre est une lettre, et la forêt entière est un texte à déchiffrer », s'exaltait le druide Arborius. Mais plus personne n'a la clef de ce grimoire, soupire-t-il.
Les correspondants que Marc Petit donne à Ausone — le récit est constitué de dix lettres — sont eux aussi assis entre deux mondes, à l'image de la tante Hilaria, dont on n'a jamais vraiment su si elle était un garçon manqué ou une fille masculine. Mais le plus souvent, c'est entre les mondes païen et chrétien qu'ils oscillent : Arborius, l'aïeul druide qui a conservé les secrets de la nature, mais qui doit dissimuler son art ; Symnaque, qui rêve de restaurer l'ordre ancien ; Paulinus (saint Paulin de Nole), au zèle chrétien intransigeant… La nouvelle religion, pour le druide Arborius, est sur le point d'abattre le frêne primordial, l'axe du monde : « Malheur au monde, si la poutre maîtresse s'effondre par leur faute ! C'en sera fini de l'harmonie des sphères et du cycle des saisons. »
Au sommet de la pyramide sociale, mais au centre de ces influences contradictoires, Gratien, l'empereur enfant, éduqué dans la tolérance par Ausone mais qui achève de christianiser l'empire sous l'influence d'Ambroise de Milan, symbolise à lui seul les tensions entre les deux mondes : « Malheureux garçon ! Ta cire à peine durcie fondit plus vite que celle liant les ailes d'Icare au soleil de ce qu'Ambroise nommait pompeusement la Vérité ».
Dans ce monde de faux-semblants où l'on est sommé de prendre parti, ne nous étonnons de voir réapparaître le thème du masque cher à Marc Petit. Les anciens dieux ne sont devenus que des masques de théâtre sur lesquels les hommes projettent leurs états d'âme, leurs vertus et leurs défauts. Mais Paulinus, le saint chrétien, n'a-t-il pas fait du Verbe « l'art de tromper au service de la vertu, un maquillage, une mascarade habillant ce que tu crois être la vérité de tous les oripeaux du mensonge, pour la faire paraître séduisante » ? Et lorsque la Vérité se cache, le « masque du masque » est peut-être la seule façon de la retrouver : tel est le secret de la poésie, celui de Virgile, qui dévoile les secrets de la nature en feignant de se cacher derrière une bucolique anodine : « Dangereux homme ! Tu as mis tout en haut ce qui était en bas, tel Spartacus et le Galiléen fils de Marie ». Retourner le monde, lorsqu'il est à l'envers, est la seule manière de le remettre d'aplomb. Dangereux pari, quand on a perdu le sens du monde. Beaucoup abdiquent, à commencer par les poètes modernes. Ils se contentent d'un jeu formel faute de pouvoir atteindre à la véritable beauté du monde — « l'esthétique de mes vers était celle du nougat », reconnaît Ausone. N'est-ce pas le pire des masques ?
Alors, dans cette mascarade où plus personne ne peut trouver le sens, la Vérité se retrouve peut-être dans le principe d'incertitude, dans la mutabilité continuelle des choses qui évite de la fixer en un dogme délétère. « Les trois principes de la logique sont des sottises. Pourquoi un cheval ne serait-il pas un homme, quand ça lui chante ? Les logiciens ne sont-ils pas des ânes, et cela à plein temps ? », raille le druide Arborius. Et le poète Ausone sait que c'est ainsi qu'il faut écrire le monde, en mettant un mot à la place d'un autre, en mariant deux mots qui semblent incompatible pour faire naître d'eux un être insoupçonné. Illusion ? Mais le monde n'est-il pas lui-même illusion ?
Au bout du compte, le fin fond de la Vérité se trouve peut-être dans le néant, qui réconcilie les contraires et abolit tout mensonge. Polythéisme ou dieu unique ? La question ne se pose plus. « Quand bien même il n'y aurait pas de Dieu, le spectacle de la nature me ravirait. » La beauté échappe en permanence à l'artiste, mais n'est-ce pas cette fuite perpétuelle qui nourrit sans fin son désir ? Dans le profil de l'amie qui s'éloigne, tracé à la hâte sur le mur chaulé, le contour n'est que mensonge, mais la silhouette qu'il définit, éblouissante de blancheur, offre sa ressemblance absolue, la « pure image ». Tel est peut-être l'ultime message, celui que jadis Marc Petit avait confié au peintre Ni Ts'an, qui « délivrait l'être emprisonné dans le contour des objets » (La vie et l'oeuvre de Ni T'san). le testament du poète doit se lire dans les blancs du contour de ses mots.
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Vidéo de Marc Petit
Marc Petit - Le Nain géant .Marc Petit vous présente son ouvrage "Le Nain géant", illustrations de Vincent Vanoli aux éditions de l'Arbre vengeur.http://www.mollat.com/livres/marc-petit-nain-geant-9782916141725.htmlNotes de musique : Saint-Sae?ns / 3 Carnival Of The Animals - 1. Introduction & Royal March Of The Lion
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