Dideret et D'Alambot sont sur un balcon. Que font-ils ? Rien. Ils observent le monde depuis leur trône balconesque et discutent, même si leurs conversations prennent souvent la tournure de crêpages de chignons scientifiques. En effet, comme nous pourrons le lire dans le chapitre « Dieu est hémiplégique » (ceci n'est pas une hérésie mais une vérité qui ne devrait même pas vexer ledit Dieu), sur l'échelle de l'évolution, la dissymétrie s'accentue ; en conséquent, ce Dideret et ce D'Alambot ne partagent absolument pas les mêmes aptitudes à la réflexion. Prenez d'Alambot : il suffit que son compère ouvre la bouche pour qu'il s'étonne :
- Ça y est… voilà que j'ai le melon qui bourgeonne…
- DEJA ?!
- Quoi, déjà ? Rien de plus normal. Ca va être la saison des amours, voilà tout…
- ENCORE ?!
- Quoi, encore ? Vous savez bien que tous les ans il y a un temps pour l'amour…
- TOUJOURS ?!
- Quoi, toujours ? Evidemment, l'amour toujours !! Mais qu'y connaissez-vous, à l'amour ?
- L'amour ? Euh ? Oui oui ! Si ! Si ! Je connais ! J'ai déjà lu des trucs là-dessus ! C'est pas ce truc qu'on fait avec des femmes ?
Heureusement, Dideret est un professeur patient et nous, lecteurs, sommes bien contents que
Francis Masse nous ait placé cet idiot de d'Alambot pour exprimer nos propres questionnements. Parce qu'enfin bon, nous aussi nous avons du mal à comprendre pourquoi la course échevelée d'un rhino dans les rues métaphysiques qui sous-plombent le balcon des deux est annonciateur d'el Niño, ni pourquoi, en vieillissant, Mickey rajeunit. On aime d'autant plus ce Dideret qu'il nous donne l'impression d'être intelligent malgré notre air à ne rien y comprendre. C'est qu'il n'est pas comme ces professeurs gâteux qui se croient obligés de s'abaisser au niveau de leur élève pour leur faire comprendre les vérités les plus basiques. Pour expliquer à d'Alambot pourquoi ce sont deux tomates pourries qui s'échappent de son stand alors que sa cliente-girafe n'avait choisi de n'en acheter qu'une seule, il n'hésitera pas à invoquer la théorie de la non-séparabilité et de la corrélation spontanée de la physique quantique, excédant le seul stade des affaires commerciales pour taper en plein dans les amours quantiques de d'Alambot.
Parfois, l'expérimentation devient nécessaire. Dideret et d'Alembot ne décollent pas de leur balcon pour autant… Celui-ci se transforme en tapis volant bétonné et parcourt l'univers aux alentours du zéro absolu… Mers de cuillères touilleuses et océans superglaciaux en vue !
Francis Masse nous en met plein la vue ! Ses dessins sont fouillés et ne laissent aucun millimètre carré au hasard. Les couleurs dessinent des paysages surréalistes que ne renieraient pas un
Dali (on pense souvent aux « Montres molles ») ou un
Giorgio de Chirico (pour sa « Piazzia d'Italia »).
Nonsense et surréalisme : les Deux du balcon sont complètement anachroniques et nous renvoient à l'époque de la Grèce Antique, lorsque les philosophes transmettaient encore leur savoir en pleine rue. le discours s'est depuis lors enrichi des découvertes scientifiques récentes que divulgue Dideret avec une constance qu'aucune provocation de d'Alembot ne vient faire fléchir a priori. Pourtant, en quelques cases, bien que le discours soit resté cohérent en apparence, on se surprend à nager en plein délire. Bienvenue à l'école de la ‘Pataphysique !
Même si ces professeurs n'ont pas l'air franchement folichons, à stagner sur leur balcon, il serait dommage de se détourner d'eux pour si peu. D'une part, il est toujours possible de devenir plus mobile que peu mobile, et même si Dideret et d'Alambot usent peu leurs muscles pour retenir notre attention, le temps s'égrène avec eux à une allure folle. D'autre part –il ne faut pas l'oublier- on peut rapidement devenir « plus con que con » car il s'agit là « du seul domaine où l'on peut transgresser indéfiniment les lois fondamentales de la physique ». C'est à ce moment-là qu'interviennent Dideret et d'Alambot, qui nous préservent de ce sort funeste que pourraient bien connaître les destinées de tous ceux qui ne sont jamais passés sous leur balcon pour les écouter…
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