Livre de poèmes en feux parties. Première partie : forme plus classique, strophes, vers courts. Deuxième partie : textes plus longs, plus critiques sur l'actualité. Je n'ai pas vraiment accroché.
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QUI VOUS NOMME
Pourquoi gagner sa mort
si vite sous les cieux
un peu de temps encore
supplient les malheureux
moi qui suis justicier
leur répond le Bon Dieu
j'ai bien dû ne donner
à chaque homme qu'un peu
le temps était si grand
la liste était si longue
j'ai bien dû faire des plans
pour vos rounds et mes gongs
à chacun son morceau
son bout de vie et salut
à chacun son cadeau
puis de l'avoir dans le cul
à mon tour d'implorer
le pardon de mes hommes
à mon tour de pleurer
le mystère qui vous nomme.
C'ETAIT NOUS
Quand je suis las je repense au lisse de la mer. À l'aube qui montait sur la mer Intérieure, entre les îles endormies, parmi leurs mauves immobiles. Silence et fraîcheur parmi les temples cachés, vers les côtes, sous les frondaisons basses. Bonheur, c'était presque ton heure. L'étrave du bateau fendait précise l'or du monde et sa splendeur.
Et toi, salueuse de soleil, à l'avant me semble-t-il, qui n'avais pourtant vu aucun film de naufrage, chevelure qui battait à l'épaule, cou dressé de jeunesse vive, ton corps surpris par le matin écartait aussi la brise. J'avais décidé que l'amour nous mènerait. Pas toujours le monde noir.
Que d'autres épaules se haussent, qu'on grogne encore par-ci par-là: «l'amour, ah bon, l'amour!», que l'on émette plus retors des sifflements sur le je et le nous qui s'avancent, sur la chute que ça promet, qu'importe après tout, je passe, quelquefois la beauté nous tatoue, et plus rien ne s'efface. Étoile encore bleue parmi la mort qui vient, étoile au-dessus, étoile au-dessous. Jeunes, beaux, la chair souple : c'était nous.
L’éternité
Les photos de nous s’éloignent
Elles retournent vers ce qui fut
Nous abandonnent à des présents
Qu’elles ignorent comme un refus
Dans le sépia elles s’éteignent
Privées du sang de ce qui fut
Elles regardent encore plus fort
De hauts soleils qui ne sont plus
Tu fus un jour sans le savoir
Sur un ciel clair cette ombre noire
Et sur tes lèvres je croyais voir
Rouge s’inscrire l’éternité.
Toute petite et puis si pauvre
misère humaine dans son coin
à regarder goutter le temps
sur le rebord de sa fenêtre
Toute petite et puis si pauvre
colère humaine dans le sang
à deviner mourir les mots
sous un ciel gris étourdissant
Si petite trop petite
une fois joie dans le matin
une fois pleur dans le soir gai
qui bat à peine sous la peau
Tandis que lunes et soleils
s'éloignent vite indifférents
tout juste un peu et si pareils
à tes grands cieux devenus blancs.
Dans la solitude la plus grande, celle de la bête la plus seule, tu es. On peut admettre que c'est triste de n'avoir que çà à dire, quand on a tant rêvé de fraternité. Où sont les hommes, dit le solitaire malgré lui, pourquoi ne m'ont-ils pas appelé? Même pas la peine de poser la question au présent. C'est la fin du film, l'affaire est entendue, le monde a changé.
( Extrait de "L'abandon" )