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EAN : 9782864323693
42 pages
Verdier (15/01/2003)
3.88/5   4 notes
Résumé :
Contrairement à l'idée reçue, Don Quichotte n'est pas une épopée. Et c'est précisément en cela qu'il nous est proche. Le Cid, par exemple, voué à la reconquête, progresse à chaque page alors que l'anti-héros de Cervantes est contraint à la répétition du même. Aucun aventure ne le fait avancer. Le seul événement qui transforme vraiment sa destinée, c'est sa mort. A l'échec perpétuel de ses entreprises, il n'oppose aucun démenti qui pourrait remettre en cause son idéa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Dans ce court essai sur Don Quichotte (Éditions Verdier, 2003), issu de conférences données au banquet du Livre de Lagrasse et aux universités de New-York et Princeton à la fin des années 1990, Juan José Saer souligne que le Quichotte est le texte fondateur de la littérature moderne, car il signe la destruction de l'épopée, la fin du héros épique qui gagne du terrain sur tous les plans à mesure que ses aventures adviennent, et la naissance du roman moderne occidental et sa morale d'un échec inéluctable.

«Au-delà de la diversité apparente des épisodes qui se succèdent, le Chevalier à la Triste Figure est, pourrait-on dire, toujours au même endroit, dans l'impossibilité, en définitive, d'atteindre quelque lieu que ce soit. L'illusion du déplacement occulte le fait essentiel de l'histoire, à savoir que sur le plan de son évolution intellectuelle et morale, et au regard de sa capacité à modifier la réalité – c'est ce qui l'a poussé à se mettre en route -, Don Quichotte en est toujours au même point.»

Lecteur infatigable, Saer évoque la mort du héros épique et l'impossibilité d'avancer au travers de nombreux grands héritiers du Quichotte, tels que Laurence Sterne ("Tristram Shandy"), Gustave Flaubert ("Bouvard et Pécuchet") ou encore Franz Kafka, par le biais d'un court texte intitulé "Le Silence des sirènes".

«Or, les Sirènes possèdent une arme plus terrible encore que leur chant, et c'est leur silence. Il est peut-être concevable, quoique cela ne soit pas arrivé, que quelqu'un ait pu échapper à leur chant, mais sûrement pas à leur silence.» (Franz Kafka, le Silence des sirènes)

Cette analyse passionnante du Quichotte entre en résonance avec l'oeuvre de Juan José Saer, avec l'immobilité de ses personnages face à une réalité insaisissable et écrasante, recouverts de l'ombre du désenchantement envers l'épopée sanglante de la fondation de l'Argentine, et envers un matérialisme contemporain vide de sens.

«C'est ainsi que nous pouvons conclure en ces termes : dans notre société qui, nous devons le reconnaître, se trouve en ce moment un peu à la dérive, seule la sphère matérielle fonctionne comme référence de la réalité, et comme l'origine, la finalité, l'étendue et la nature intime de ce qui est matériel nous échappe, nous avons l'impression d'avoir perdu le sens du monde ou que nous allons le perdre ou que nous étions déjà perdus avant même le début du temps et des choses. Don Quichotte, comme nous tous, est parti sur les chemins en essayant d'échapper non au chant envoûtant et prometteur des sirènes mais à leur silence. Nous aussi nous aimerions bien trouver quelque chose qui aille au-delà de ce silence, mais de toute évidence, nous avons oublié, peut-être pour toujours, notre capacité à forger le pacte symbolique qui nous permettrait de rompre ce silence, qui est universel, même si quelques-uns, au prétexte d'avoir entendu le chant qui désormais n'est en réalité que légende, font de cette connaissance supposée la justification, invérifiable à tout point de vue, de leur instinct de domination. Désormais, tant que dureront la mer, l'air et les étoiles, nous continuerons à vivre dans le silence des sirènes, nous débattant dans la réalité matérielle brute, pataugeant dans le marais de l'empirique.»

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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Curieusement Don Quichotte est un mélancolique qui décide de se mesurer au monde. Les spécialistes en maladie mentale le classeraient certainement comme maniaco-dépressif, car il est évident que son comportement fait alterner des phases d'enthousiasme et d'abattement, mais cette catégorie, sans doute pertinente dans ce domaine, n'est d'aucune utilité à la critique littéraire: mon intention n'est pas d'émettre un diagnostic psychiatrique sur Don Quichotte, mais de faire remarquer que, malgré son découragement permanent, il quitte sans cesse sa maison ou chacun des lieux où le hasard des chemins le dépose, alors qu'il sait, du moins en a-t-il l'intuition, qu'à chaque pas l'échec le guette. C'est le point essentiel que l'on doit retenir: la conscience, claire ou voilée, de l'inéluctabilité de l'échec dans toute entreprise humaine s'oppose fondamentalement à la morale de l'épopée.
La morale de l'épopée, dans le cas du Cid comme dans tout autre cas, c'est l'accomplissement de l'exploit, la réalisation du projet qui la fonde: le héros peut mourir tragiquement, il le fera après avoir accompli son exploit, et s'il échoue un autre héros issu de sa lignée ou de son camp lui succédera pour l'accomplir, car l'objectif précis qui le suscite doit aboutir pour qu'existe l'épopée. Nous pourrions aller jusqu'à dire: même s'il n'y arrive pas, l'objectif que vise tout héros d'épopée est précis et, bien que difficile, réalisable par définition. Pour Don Quichotte il n'existe aucun objectif, et quand on essaie d'en définir un, sa formulation même suggère son caractère vague et le fait que probablement il ne sera pas atteint, ce qui n'empêche pas Don Quichotte de partir à sa recherche. Cette situation caractéristique du Quichotte fonde l'un des aspects principaux de la littérature moderne et contribue au développement d'une nouvelle vision du monde, propre à notre époque, que nous pourrions décrire comme une morale de l'échec.
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