Peut-être avez-vous été interpellé par cette Barbie grandeur nature placée en plein coeur de Paris pour dénoncer l'exploitation des ouvriers chinois...
Ma lecture du moment (le 2e titre lu dans le cadre du Prix Farniente 13 +) rejoint cette problématique en abordant une dimension encore plus dérangeante, celle du travail des enfants. Selon la note explicative finale, 1 enfant sur 6 travaille de par le monde.
C'est le cas de Lan, 14 ans, qui doit, pour subvenir aux besoins de sa famille, travailler dans une usine de baskets. Les conditions y sont particulièrement rudes : douze heures de travail par jour sinon plus, odeur nauséabonde de la colle, interdiction de s'endormir, de s'absenter pour aller aux toilettes... Au moindre signe de faiblesse ou de fatigue, ce sont les punitions corporelles au pire et au mieux les retraits sur salaire lorsque les commandes sont pressantes. Tout ça pour gagner 21€ par mois ! Pour se payer une paire de baskets qu'elle fabrique, il lui faudrait six mois de salaire ! Lan tient malgré tout le coup, se raccrochant à la solidarité qui unit les travailleurs et aux rares journées où elle peut rentrer chez elle... Pourtant, lorsque ses parents lui annoncent que sa petite soeur de onze ans doit elle aussi travailler, c'est la douche froide...
"L'usine est aussi bien gardée qu'une prison et, d'ailleurs, ceux qui y travaillent ont l'impression d'être enfermés. Pourtant, ils sont volontaires. Personne ne les force à rester. Il n'y a pas de contrat de travail, pas un mot sur les droits et les devoirs des uns et des autres. Ceux qui veulent partir peuvent le faire, à tout moment. Mais rares sont ceux qui s'en vont de leur plein gré. Tous ont trop besoin de leur salaire, même s'ils gagnent à peine de quoi survivre."
Même si cette histoire est un peu édulcorée (surtout la fin) - titre pour ados oblige -, le moins qu'on puisse dire c'est qu'elle réveille néanmoins les consciences. le lecteur découvre l'envers du décor de nos produits de luxe. Pour remporter des commandes et être concurrentiels, les entrepreneurs asservissent leurs ouvriers. de leurs côtés, les commanditaires étrangers préfèrent fermer les yeux. Heureusement, précise l'auteure à la fin du livre, "sous la pression des grandes instances internationales, comme l'Unicef et l'OIT (Organisation internationale du travail), d'importants progrès ont été accomplis par certains pays. C'est le cas du Vietnam..."
Dans l'histoire, les personnages aux oeillères (nous en quelque sorte) sont représentés par Quang, le fils du big boss, et par Beate, l'ado étrangère qui accompagne la commission de contrôle. le premier, élevé dans le luxe, fréquentant l'école internationale, est inconscient de ce qui se passe derrière les hauts murs de sa demeure. Ce n'est qu'au contact de Lan qu'il va ouvrir les yeux ! La seconde s'offusquera de la situation mais n'oubliera-t-elle pas tout une fois retournée dans son pays ? Question embarrassante qui nous renvoie à notre propre hypocrisie !
"Comme dit
Confucius :
L'arbre des bonnes intentions
Porte beaucoup de fleurs
Mais peu de fruits."
Ce titre évoque également les séquelles de la guerre contre les Américains : les enfants de parents irradiés qui sont nés avec des malformations et qui, contrairement aux soldats US, n'ont droit à aucun dédommagement, aucune réparation.
Il nous montre aussi un pays en pleine mutation où les valeurs traditionnelles sont battues en brèche par les impératifs économiques imposés par la société actuelle. le conflit de génération qui oppose le vieux Lê à son fils, propriétaire des usines, en témoigne parfaitement.
"Les traditions sont à l'homme ce que les racines sont à l'arbre. Seul celui qui plonge ses racines profondément dans le sol résiste à la tempête. Hélas, aux yeux de mon fils, tout ce qui compte, c'est l'argent. de l'argent, de l'argent..."
Mais au-delà des sujets graves et sérieux évoqués dans ce récit,
Made in Vietnam est aussi une histoire de vie où amitié, amour fraternel et solidarité ne sont pas de vains mots.
On s'attache profondément au personnage de Lan qui, malgré son jeune âge, fait preuve d'un courage et d'une lucidité hors du commun. On rêve pour elle qu'elle puisse reprendre le chemin de l'école... (Au passage, mes petits élèves qui l'ont lu ne tenaient plus le même discours sur l'importance de l'école après ça !) Par son combat pacifique enfin, elle nous délivre un vrai message fort :
"(...)si tu grattes un peu, si tu regardes entre les semelles, par exemple, ou entre les différentes épaisseurs du cuir, tu verras des paupières qui se ferment, la peur d'être puni, et toute la colère rentrée de ceux qui les ont fabriquées. Porter ces chaussures, c'est fouler notre misère aux pieds."
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