Mais l'un des lieux privilégiés de l'externalisation concerne le travail. Quand une firme renvoie ses salariés, pris en charge par les familles, ou l'"Etat", tant détesté, elle externalise.L'externalisation peut se faire en cascade : on transfère des activités et onéreuses à d'autres entreprises, des sous -traitantes par exemple, comme les sous-traitantes d'Alcatel, qui, en bout de chaîne, transféreront leurs "problèmes" (déchets, élimination de main d'oeuvre...) à la société.
La tendance est à l'externalisation des tâches subalternes, en les sous-traitant à des entreprises plus négrières que soit, capables de faire cracher plus de plus-value, d'éviter plus de grèves ou d'arrêts de travail, parce que sa propre taille, son renom, sa tradition n'autoriseraient pas de traiter les individus de cette manière.
Le trou d'ozone est un merveilleux exemple d'externalisation : l'activité économique transfère aux générations futures les coûts de gestion liés aux cancers de la peau et autres "effets externes" non comptabilisés.
C'est pourquoi le marché ne donne jamais le juste prix : il donne le prix sans compter les coûts d'externalisation. Le marché ne sait que transformer du gratuit en payant et, ensuite, rejeter du payant sur ce qu'il subsiste de gratuit : il fait payer l'eau, mais il pollue celle-ci sans qu'on lui demande des comptes. Le marché n'est pas comptable de ses actes.
Ce qui caractérise la mobilité professionnelle contemporaine, c'est qu'elle est illisible : on sait qu'il faut bouger, mais on ne sait pas pourquoi, ni même si cette bougeotte ou ce "bougisme" sera récompensé ou au contraire puni. Tel mot d'ordre qui vous fait roi un jour vous conduit aux oubliettes le lendemain ; c'est exactement le processus des camps de concentration. "Illisible", la mobilité professionnelle contraste avec les négociations collectives entre syndicats et patrons, qui décidaient clairement de pertes ou de gains collectifs, de promotions ou de rétrogadations.
Mais le pire n'est pas dans l'antienne libérale de la "responsabilité" et de l'air pur de la pauvreté qui rend les pauvres responsables. La dialectique "riscophiles-riscophobes" est plus qu'un retour au victorianisme imbécile, à l'esprit du bourgeois "plus-ça-devient-vieux-plus-ça-devient-con". La dialectique "riscophiles-riscophobes" est tout simplement un retour à l'eugénisme, un racisme ordinaire et édulcoré tout à fait synchrone du darwinisme inhérent au libéralisme.
Seconde parenthèse : ainsi, il n'est pire ennemi pour les "cadres", les flexibles, les gagneurs de la classe moyenne, que les "pauvres" (les précaires, desquels finalement, ils se sentent intérieurement plus proches que du dirigeant, et auxquels ils ne veulent en aucun cas ressembler. Phénomène "petit Blanc" ! Les dirigeants savent parfaitement jouer sur ce désir de ressembler aux vrais détenteurs du pouvoir de la part de leurs cadres. Fin de la parenthèse.
Vidéo de Philippe Labarde