Les éditions Points ont décidé en 2022 de rééditer les célèbre
Mémoires de Marguerite de Valois, fille soeur et épouse de roi si l'est besoin de rappeler, qu'elle écrivit au début des années 1600 et publié après sa mort en 1628. Et la plus-value de cette réédition c'est qu'ils ont accompagné le texte d'une longue présentation d'Éliane Viennot, historienne et spécialiste de l'époque, une présentation nécessaire avant d'aborder l'oeuvre autant pour celui qui connaît bien Marguerite que pour celui qui ne la connaîtrait pas. C'est une présentation intéressante dans laquelle l'historienne recontextualise l'oeuvre de Marguerite et donne d'importantes explications sur ces
mémoires, sur leur contexte d'écriture, sur la vie de Marguerite et les raisons qui l'ont poussé à écrire.
On apprend que Marguerite a commencé à écrire ces
mémoires pour répondre à
Brantôme car ce dernier avait écrit un discours sur sa vie qui lui a donné envie de livrer sa version des faits et d'y apporter quelques corrections. L'historienne évoque aussi longuement combien
Alexandre Dumas a nuit à l'image de Marguerite avec son célèbre roman, image par ailleurs déjà fortement écorné par les siècles, et dont elle va nous expliquer pourquoi et comment. On apprend également que lorsqu'ils ont été publié ces
mémoires sont rapidement devenu un best-seller à l'époque et
Eliane Viennot considère ces
mémoires comme très importants dans ce qu'elle appelle notre « matrimoine ». Je ne le savais pas mais Viennot et une spécialiste du féminisme dans l'histoire et la littérature et cela se sent. Car si sa présentation est très interessante, elle souffre néanmoins de quelques anachronismes…du moins à mon appréciation ; parler de
Henri IV comme d'un homme « sexiste » et d'un « phallocrate » c'est juger le passé à l'aune de nos mentalités/valeurs d'aujourd'hui et ça n'a, je trouve, aucun sens.
Quoi qu'il en soit, le principal étant ici le texte de Marguerite, il faut aussi savoir que comme pour beaucoup d'écrits anciens l'orthographe a été un peu réactualisé afin que le texte soit lisible pour le lecteur actuel. À part cela, ce sont les mots et le style de Marguerite, et le lecteur d'aujourd'hui va très vite sentir les quatre siècles d'écart car le style est vraiment à des lieux de ce que nous avons l'habitude de lire ! Les phrases sont extrêmement longues, les virgules dans les virgules infinies très peu d'aération et les conjonctions très nombreuses. Il faut donc au commencement un léger temps d'adaptation, puis une fois que l'oeil et le cerveau s'habituent, à ma grande surprise, la lecture devient aisée et agréable. Sa plume est belle, et l'art de la narration maitrisé.
Et à titre personnel j'ai trouvé ces
mémoires très émouvant à lire car j'affectionne particulièrement Marguerite. Ayant lu beaucoup d'ouvrages la concernant et concernant le reste de la famille, j'avais hâte de la découvrir directement à travers ses propres mots, de l'entendre enfin parler d'elle-même, et c'est une sensation à la fois étrange et émouvante. Ces
mémoires sont sommes toutes assez courts (180 pages), car une elles sont en réalité incomplètes puisque plusieurs parties ont été détruites ou perdues. Les pages que l'ont a ici vont des années 1560 à 1581, Marguerite y raconte les évènements marquants de la manière dont elle a vécu. Deux épisodes notamment y ont une large place ; la saint-Barthélémy en 1572 et son voyage en Flandres en 1577. le premier pour lequel elle n'a été que spectatrice tandis que le second a été l'un des rares moments où elle a eu, dans une certaine mesure, une rôle politique à jouer (en l'occurence pour son frère cadet).
Elle y raconte ses alliances, ses craintes, ses méfiances, Marguerite se raconte non pas à la façon d'un journal intime mais à travers la narration des évènements qu'elle a vécu. On découvre aussi ses relations avec ses frères et sa mère de son point de vue à elle, et c'est assez touchant.
Eliane Viennot nous explique d'ailleurs que Marguerite a tenté de justifier à posteriori certains de ses comportements passé qu'elle n'assumait plus vraiment et donc elle s'est montré par moments plus dure que ce qu'elle pensait réellement (notamment envers son frère Henri). Cela dit, ce fut assez minime je trouve, car ses mots sont globalement emprunt de respect et de dignité. C'est aussi le témoignage d'un temps révolu, de ses habitudes et de ses codes, que l'on découvre presque dans l'intimité.
Bref, elle jette sur son passé un regard à la fois nostalgique et touchant. Car n'oublions pas qu'elle écrit tout ceci longtemps après les faits, au début du XVIIe siècle, à un moment où elle est désormais la seule encore en vie de tous les personnages qu'elle évoque.