°°° Rentrée littéraire 2023 # 27 °°°
Une nouvelle fois, il faut saluer le remarquable travail de la maison d'éditions Dépaysage qui, avec sa collection Talismans, ouvre nos horizons en nous faisant découvrir la richesse de la littérature autochtone du Canada, à travers des récits aussi riches que leurs objets-livres sont beaux ( qualité du papier, illustrations sublimes d'
Olivier Mazoué reprenant ici des motifs traditionnels métis ).
Métisse, c'est l'histoire de
Maria Campbell, écrivaine militante née en 1940 dans la communauté
métisse du Nord du Saskatchewan, province canadienne qui borde les Etats-Unis. Les Métis sont un des trois peuples autochtones du Canada ( avec les Inuits et les Premières Nations ), reconnu par la constitution du pays depuis 1982. Son récit autobiographique a été publiée en 1973 en anglais et ce n'est que tout récemment qu'il est désormais accessible en français.
Maria Campbell est une pionnière, une de celles qui ont ouvert la voie aux écrivains autochtones d'aujourd'hui. Comme elle le rappelle très justement dans son avant-propos, il y a cinquante ans, on comptait sur les doigts d'une main les universitaires, artistes et écrivains. Dans ce texte fondateur, résonne sa voix forte qui a contribué à décoloniser les esprits.
Le récit qu'elle fait des trente-trois premières années de sa vie est parsemée d'événements durs, violentes et sombres : une famille vivant dans la misère comme de très nombreux Métis, un mariage précoce, la prostitution, les violences conjugales, la toxicomanie, l'alcoolisme. Tout cela conjugué à un racisme systémique rendu particulièrement concret dans la description des discriminations alimentaires à la cantine ( les enfants blancs étant les seuls à avoir droit à des gâteaux ou des oranges ) mais aussi un déni de l'identité poussant les Métis à se déconnecter de leur héritage.
Et pourtant, malgré la densité des obstacles à franchir quand on est une jeune femme
métisse pour accéder à une vie équilibrée, sereine et consentie, ce texte est lumineux, dénué d'amertume, et plein d'espoir dans son appel à prendre part à la réconciliation des peuples.
Métisse est ainsi un livre à la fois intime et universel. On est épaté par
Maria Campbell, son courage, sa détermination, sa force, sa résilience qui sont aussi ceux de son peuple. En fait, à travers les tranches de sa vie et la réflexion militante que l'on sent poindre au fil de son parcours, c'est comme si elle nous donnait accès à toute son âme ainsi que celle de la nation Métis.
Et c'est très touchant. D'autant que j'ai retrouvé dans l'écriture de
Maria Campbell ce que j'aime tant dans celle des auteurs autochtones publiés chez Dépaysage : une simplicité limpide, à l'humidité évidente qui touche directement au coeur. Notamment dans les passages traversés par la superbe figure de sa cheechum ( j'ai souvent pensé à l'inoubliable
Kukum de
Michel Jean ), son arrière-grand-mère à la présence rassurante, inspirante par ses « leçons » qui l'incitent à prendre en main sa vie pour la changer tout en restant digne et droite.