Le miroir que nous renvoie
Nancy Huston sur la langue française est intéressant. Une langue qu'elle pratique depuis près de cinquante ans. C'est l'arrogance française qu'elle pointe, une arrogance illustrée aussi, de mon point de vue, par l'habitude un peu ridicule de mettre en avant la Déclaration des droits de l'homme de 1789 sans jamais évoquer tout ce qu'on doit aux Etats-Unis dans sa rédaction.
Il faut quand même espérer que sa détestation du subjonctif et du passé simple et son invitation à laisser la langue s' « arranger par des rythmes et syntaxes venus d'ailleurs » ne contribuent pas à plus de complaisance envers l'écriture inclusive.
Pour le reste de ses chroniques, Huston a souvent raison. Parce qu'elle a beaucoup voyagé, elle peut inviter à porter un regard différend sur les choses et le monde, et les comparaisons qu'elle fait remettent utilement en cause les modes occidentales.
Les expériences d' « empathie travaillée » et des ateliers d'écriture qu'elle relate dans le chapitre ‘Religion du roman' sont tout à fait intéressantes et montrent l'inanité de l'idéalisme progressiste, les actions visant au rapprochement entre individus s'y heurtant aux volontés individuelles.
Cela rappelle l'action de l'UNESCO qui, à sa création en 1946, visait au rapprochement des cultures pour éviter la guerre avant d'effectuer un revirement à 180° dans les années 1960 sous la pression des Etats nouvellement indépendants qui, eux, tenaient surtout à entretenir la leur propre ce qui a favorisé la paix. Ainsi, le « chacun chez soi », souvent qualifié d'extrême droite, se révèle un plutôt bon moyen d'éviter les conflits.
Mais elle a aussi des positions bien-pensantes un peu faciles et primaires, comme par exemple quand elle dénonce le « nous » contre les « eux » qui « vaut pour tous les grands primates ». Les guerres menées par l'Occident et sa détestation de Trump lui font prôner l'ouverture à l'autre, mais sans jamais évoquer l'étendue de cette ouverture ni ses conséquences.
Elle exagère quand elle écrit « toute empathie avec ceux qui ne sont pas nous ou nos amis est rendue difficile, voire délinquante. »
Elle sait très bien que c'est l'évitement des allochtones pratiqué par les autochtones qui est présenté par les médias comme délinquante.
Se demande-t-elle un seul instant si les Africains et les musulmans vivant en Occident ont de l'empathie pour les populations de souche ? Pourtant jamais cette absence d'empathie-là n'est stigmatisée.