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EAN : 9782336290416
104 pages
Editions L'Harmattan (05/02/2013)
4.38/5   8 notes
Résumé :
Ce récit narre l'odyssée dans le temps et l'espace d'un grain de sable épris de la terre dont il est parcelle, terre rebelle, façonnée par de multiples envahisseurs mais jamais soumise. "On ne saurait entrer dans ce récit poétique comme dans un roman : c'est une fresque lyrique, qui se rêve elle-même en se disant, mi-fable, mi-chant, selon une vieille tradition qui courut et parfois encore se murmure, de Bagdad à Tlemcen" (Gil Jouanard, préfacier)

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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Maïa Alonso est née dans une ferme du bled oranais du temps de l'Algérie coloniale et, au lieu d'écrire le énième livre de souvenirs d'une enfance pied-noire, elle a choisi d'exprimer l'amour profond qui la lie à sa terre natale de façon bien plus originale, en évoquant le passé de cette terre d'invasion et les fantômes qui la hantent, et qui, de Didon à Barberousse, ont cru un instant la posséder. Les envahisseurs passent, des villes se construisent et disparaissent et seule la terre rouge d'Ifriquya demeure :
« A toi l'illusion de la conquête, de l'illusion de ta grandeur.
Jamais je ne te serai donnée, tu passes, j'efface… »
Cette mince plaquette (99 pages, il y en aurait un peu plus si l'éditeur avait un peu mieux marqué les respirations du texte) se présente comme un long poème épique, écrit dans une très belle prose lyrique, organisé en treize « chants », un prologue et un épilogue, et construit à partir de prosopopées, où s'expriment alternativement, Kaos (« la Vivante… plus impitoyable que le roc »), Grain de Bled, le petit grain de sable arraché à cette terre, et Hitaki, le temps qui passe, les trois témoins ; mais aussi les acteurs éphémère de cette épopée, Didon, la Kahina, Augustin, Jugurtha ; mais aussi des villes Tipasa, Ouahran, insolentes ou ruinées ; mais aussi d'humbles anonymes, emportés par le courant. le récit nous bouscule, dans la violence du vent du désert.
Il ne faut pas chercher là une histoire argumentée et minutieusement chronologique du Maghreb (malgré l'érudition qui sous-tend le texte), mais un poème aux facettes multiples, déroutant, tourbillonnant, envoutant, comme le flot d'un oued en crue ou le souffle du simoun, de somptueux tableaux orientalistes, Dinet, Fromentin ou Delacroix, l'étouffement des saveurs et des odeurs trop fortes…
Une terre que nul n'a jamais connue sans en garder la déchirure, et un impétueux poème d'amour, à lire et relire sans se presser, en se laissant emporter par les mots et les images.
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Parcourir l'espace temps à bord d'un vaisseau presque invisible, d'une humilité extrême, dans ce petit corps hermaphrodite à la merci du moindre vent, de la moindre crue, du moindre pas humain écrasant de tout son poids ses microns si conscients, voici ce nous offre Maïa ALONSO grâce à ce conte mystérieusement envoûtant.

L'espace : l'Iffriqiya, un nom déjà peu commun dès le départ qui intrigue les lecteurs novices. Ce nom heurte à la première lecture et puis on s'y habitue, on finit même par l'aimer ce territoire tant convoité, exploité, adoré, bousculé, violé, outragé par ces incessants envahisseurs peu scrupuleux au départ mais qui se sont assimilés, mélangés, métissés pour que Grain de Bled soit finalement fier d'en recevoir les confidences.

Le temps : des rencontres de peuples, d'hommes, de femmes tous aussi uniques dans leurs ressemblances en quête de nouvelles terres, de nouvelles richesses, avides de commercer, d'échanger, de piller, de construire, de détruire, d'enfanter. Ce conte des mille et un grains nous emporte dans un voyage extraordinaire sur les traces des fils et filles de Canaan, des Phéniciens, des Carthaginois, des Romains, des Vandales, des Byzantins, des Arabes, des Espagnols, des Ottomans et des...

C'est une histoire d'éternelles conquêtes d'une terre fière qui refuse d'être conquise même si elle finit toujours par aimer ses maîtres. C'est une histoire d'éternels exils de peuples fuyants des terres pour faire germer ailleurs leurs graines d'espoir d'un monde meilleur.

« Si l'exil ne vous tue pas sur le coup il vous donne des ailes ». Ce petit grain de regard observe les envahisseurs ultramarins ou étrangers à cette terre d'Iffriqiya la conquérir et l'asservir. Une seule manière de fuir cette éternelle destinée « S'exiler » d'une île terre aux sables ocres vers le ciel-mer, l'horizon sans fin. Cet ultime exil Maïa ALONSO n'en parle pas ouvertement. Et pourtant... Comme on voit arriver en provenance de Tyr dans la baie de la future Carthage, la magnifique Reine Didon, on voit également Grain de Bled trahi par des marabouts en qui il faisait une totale confiance tout à coup noyé dans un lit d'eau qui lui fait soudain changer de destin. Les bateaux n'arrivent alors plus à Carthage mais quittent le port d'Alger en flottant sur une mer de larmes. La reine qui n'est plus phénicienne mais algérienne, autre temps, autre espace, devra désormais faire grandir ses enfants sur une autre terre où il n'y a pas de jupes de dunes mais des bérets de montagnes, des dunes fixes.

Grain de Bled est encore là mais dans un autre état. Il était juste pousse hier, aujourd'hui il est peuple lié. Il est l'âme nomade de Maïa ALONSO... et comme demain n'existe pas...

A l'image de ce petit grain si humble nous les humains parfois si ethno et égo centriques nous pouvons grâce à ce conte narrant le destin tumultueux et chanté d'Iffriqiya dédramatiser nos destins de conquérants ou d'exilés. Tout est dans tout, nous sommes tout. Maïa ALONSO l'a si bien compris, l'exil n'existe pas car l'Algérie est dans son Grain de Bled, l'Algérie est dans chaque micron de son corps mutable... Point besoin alors de nostalgie d'une terre ocre qui existe, qui vibre, qui souffle dans chaque particule vivante de son âme immortelle... La terre n'appartient à personne, elle nous est prêtée. « N'oublie pas ton seul refuge c'est l'horizon infini ».

« Tu dois repasser par chacun des chapitres du temps pour arriver à ton jour ». Ce conte est l'histoire de la transformation, du passage, du changement, du voyage, moment si effrayant pour nous pauvres humains. Pour revenir à l'état de tout ou pour en reprendre à nouveau conscience il faut toujours revenir en aval à la source pour comprendre l'amont et pouvoir enfin en toute confiance se jeter dans les bras de l'invisible... de l'autre côté...

© LB
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Scintillant, envoûtant. Un poème à la terre natale, si cruelle soit-elle.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Je suis la femme sans nom aux visages multiples, aux histoires sans fin.
Et toi, petit homme qui rêves de me conquérir, parce que tu as posé le soc de tes mains sur mes reins, reprends tes esprits!
Je suis l’âme aveugle et sourde aux plaintes humaines, je vais où me pousse mon frère Simoun soulevant mes jupes de dunes.
Je suis le rire cruel qui secoue tout rebelle, le rire qui ne s’éteint jamais.
Je suis la Vivante.
Celle qui est, telle que le dieu des néants me façonna avant même le jour des commencements.
Convoitée par une humanité en quête d’impossible.
Toi, petit homme, tu penses que tu es celui qui m’a le mieux caressée, tu crois même que tu m’as instillé ta semence de façon indélébile.
L’océan de mon éternité me renouvelle inlassablement.
Sur mon sable fin hostile pas un pas ne s’incruste. Tout s’efface.
(Le chant d'Ifriqiya)
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12e Chant : Vers quel destin ?

Maintenant, songe Grain de Bled, me voici arrivé au seuil de la maison de Mahomet. C’est donc ici que le ciel se déchire. L’Ange descend porteur de son sceau royal et moi, je me dissous dans l’océan de sang qui va engorger mon Bled bien aimé jusqu’en ses frontières les plus reculées. Quel fantôme va donc surgir à présent pour me tourmenter encore?
Au secours, Kaos, Libère-moi de ces souvenirs qui ne cessent de faire s’entrechoquer la chair de ma chair, ma terre, mes semblables !... Aie donc pitié de nous. Reviens me tirer de ce gouffre creusé par trop d’horreur ! Je ne veux plus penser. Je veux danser. Rire. Avoir des rêves comme tous les enfants du monde. Je veux faire une ronde avec Tipasa, Salsa, Antiqua et toutes mes sœurs, les amies, les ennemies, les réconciliées... Je veux aimer la peau blonde du désert et me sentir tenu enserré par les cuisses fermes des guerriers au repos, des guerriers de trêve et de paix.
Je veux une terre de paix.
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J’ai regardé la reine Didon et la Kahena droit dans le cœur. J’ai festoyé avec Cartago, Rome et Iffriqiya. J’ai senti l’émoi devant le Phénicien. J’ai pactisé avec l’Espagnol. J’ai chevauché dans le désert avec Si Mahmoud. Et tant d’autres rencontres, de Tipasa à Tlemcen, Ouahran, moi, simple grain de roc !
En respirant ces fleurs de vie qui ont enluminé ma mère la Terre, j’ai appris la pureté qui seule est perfection…
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Al'origine, je m'étendais sur trois collines basses au bord du rivage , confie Tipasa , s'adressanr aux éléments émoustillés par sa présence Je croyais les vagues assez puissantes pour me préserver de l'envahisseur , j'avais confiance dans mes enceintes féroces . Je croyais que la verdure qui coule dans mes ravins serait inviolable , comme moi . Un poète m'a chantée . Il venait du futur et est entré dans le passé . Je l'ai tant aimé . La mort me l'a rendu , vous l'ignoriez ? Ce qui m'attendrissait le plus chez mon Alberto, c'était de ne faire jamais allusion à notre différence d'âge...Quel style , quelle élégance de la part d'un homme !
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Je ne connais pas de plus extraordinaire aventure que celle de ce grain de sable, infime fragment d'une terre profondément authentique torturée et fabuleuse dont les périodes historiques ou légendaires de son Histoire nous sont contées au fil des pages de ce livre étonnant parfois difficile, animé toujours d'expressions poétiques absolument divines.
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