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EAN : 9782070444915
432 pages
Gallimard (17/11/2011)
2.8/5   96 notes
Résumé :
Un corps flotte dans une piscine au vingt-huitième étage d’un immeuble viennois : déchiqueté et unijambiste. Une minuscule prothèse auditive gît au fond du bassin. Aucune piste sérieuse en vue. L’homme aurait été tué par un requin, ce qui ressemble plutôt à une mauvaise plaisanterie. Richard Lukastik, de la police de Vienne, prend les choses en mains. À 47 ans, l’inspecteur passe pour antipathique mais irréprochable, retors et fou. Il se déplace en Ford Mustang or m... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (28) Voir plus Ajouter une critique
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On entre dans certains livres comme on va au cinéma, séduit par une bande annonce aguicheuse.
Un cadavre découvert dans une piscine d'un immeuble viennois, apparemment tué par un requin, une prothèse auditive dernier cri, un policier, adepte du philosophe autrichien Wittgenstein, musicologue, bourré de tics (ou de tocs), à la psychologie compliquée... vous pensez que le polar s'annonce palpitant. Vous êtes persuadé de rentrer dans une histoire qui ne vous lâchera pas avant la dernière page, ne vous laissera pas respirer.
Alors voilà, je suis entré dans ce bouquin d'Heinrich Steinfest comme on s'installe dans un fauteuil d'une salle de cinéma en se régalant d'avance du spectacle qui s'annonce. Et là, patatra. Tout s'écroule. La caméra qui devait vous trimbaler dans tous les coins, vous entraîner derrière cet inspecteur à la recherche de la vérité s'attarde trois plombes sur des détails, des descriptions de personnages avec la tenue vestimentaire complète, la coiffure, la démarche... même chez les figurants. Épuisant. le coup de téléphone qui doit permettre à l'inspecteur d'en savoir plus sur la piste menée par ses subalternes se transforme, à cause d'une musique de Bach, en un discours de musicologue de quatre à cinq pages.
Avançant tant bien que mal dans cette histoire je tombe sur la phrase suivante à la page 162 (eh oui, quand même!) : « L'inspecteur principal s'arrache à contrecoeur au spectacle de la lettre wittgensteinienne, laquelle recommandait également à Ficker de ne lire que le préambule et la conclusion du Tractatus. Car tout y était dit. Mon Dieu, que de livres pourraient profiter de pareille recommandation ! »
J'ai pris cette prescription au pied de la lettre et j'ai appuyé si fort sur la touche d'avance rapide que je me suis retrouvé une centaine de pages plus loin. J'avais le nom du coupable et la conclusion de l'histoire.
J'ai fermé le livre et la lumière s'est rallumée.
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Il convient en premier lieu pour le chroniqueur de mettre en avant son ignorance. D'abord parce que, jusqu'alors, il pensait que la quintessence du polar germanophone résidait dans l'écriture des trépidants scénarii de l'Inspecteur Derrick. Ensuite parce que sa connaissance de l'oeuvre de Wittgenstein se résume à la double page (pour moitié dessinée) qui lui est consacrée dans La planète des sages, de Jul et Charles Pépin .

Ces précautions préliminaires prises, intéressons-nous donc maintenant à ces Requins d'eau douce.
L'inspecteur Lukastik, de la police de Vienne, est dépêché sur une scène de crime atypique. Au sommet d'un immeuble, dans une piscine, on vent de découvrir le cadavre d'un homme dévoré en partie par un requin. Il n'y a bien entendu pas de requin dans la piscine et l'homme semble avoir été tué ailleurs mais, selon toute probabilité, relativement près du lieu où l'on a découvert son cadavre. Il en faut cependant bien plus pour désarçonner Lukastik, admirateur du philosophe Wittgenstein en vertu de la pensée duquel il entend bien faire en sorte d'appréhender chaque problème non pas en y cherchant une quelconque logique de construction, mais en le déconstruisant tout en tenant compte des confusions apportées par l'utilisation de différents jeux de langages et leurs interprétations.

L'enquête de ce policier incestueux, misanthrope, maniaque, sûr de la supériorité de son absence de méthode de travail, a tôt fait, dans ces circonstances étranges, de prendre un tour vertigineux. Ce qui démarrait comme un roman à énigme des plus classiques devient vite une quête, ou plutôt un cheminement erratique, vers la vérité. Car s'il se montre opiniâtre, Lukastik n'en reste pas moins un policier doté d'un niveau d'incompétence moyen, accumulant les bourdes, voire les fautes professionnelles. Entouré de collaborateurs pas plus efficaces que lui et tout aussi originaux – un médecin-légiste incapable, un spécialiste des requins qui a peur de l'eau et a même inventé une espèce de requin qui s'est finalement avérée exister réellement, un commissaire résigné, entre autres – Lukastik avance donc méthodiquement à sa manière, c'est-à-dire sans méthode. Mais il n'en demeure pas moins qu'il est, par cette singulière tournure d'esprit qui le caractérise qui le voit constamment chercher sa voie dans la Tractatus logico-philosophicus de Wittgenstein qui ne le quitte jamais, le seul à pouvoir en fin de compte résoudre cette affaire. Avec l'aide, d'ailleurs, d'un coupable retors qui passe une partie de son temps à le remettre sur sa piste.

C'est donc un objet original que ce roman policier empreint à la fois de philosophie et d'un humour à froid des plus réjouissants. Pas plus que Lukastik n'a besoin d'être un spécialiste des requins pour mener à bien son enquête le lecteur n'a besoin de connaître l'oeuvre de Wittgenstein pour prendre plaisir à cette lecture stimulante et plaisante qui avance au rythme de la pensée de Lukastik. Pas de scènes d'actions époustouflantes, pas de tueur sadique, pas de policier surdoué, juste une écriture travaillée qui plante une ambiance hors du commun et une réalité légèrement distordue par le regard qu'y pose l'inspecteur. Requins d'eau douce ne plaira sans doute pas à tout le monde mais mérite que le lecteur curieux et désireux de sortir un peu des sentiers battus s'y attarde.

Lien : http://encoredunoir.over-blo..
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Incroyable roman dont l'intrigue policière interroge et tient en haleine (une victime tuée par un requin, trouvée dans une piscine au sommet d'un immeuble viennois ce n'est pas si courant...), "Requin d'eau douce" tire surtout son charme indéniable de l'intelligence de la psychologie des personnages et de la profondeur de certaines réflexions des protagonistes sur l'affaire autant que sur la vie elle-même. C'est un régal que de suivre le caustique et désarçonnant inspecteur Lukastik dans son enquête et dans les méandres de ses pensées. Adepte de Wittgenstein, exaspérant toqué, incestueux et d'une intelligence hors norme, notre héros nous mène dans cette enquête farfelue comme dans un nébuleux labyrinthe où il fait bon se perdre! Drôle, intelligent, complexe et riche, ce polar décalé est à découvrir absolument!
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Premier et dernier roman que je lis de l'auteur.
Je n'ai pas du tout accroché avec le personnage de l'inspecteur Lukastik.
Au départ j'ai été surprise puis je me suis habituée à la manière de passer par les descriptions pour faire avancer l'enquête, découvrir les personnages et les faire évoluer. Mais très vite cette forme rend le personnage principal irritant pour moi.
Ce roman est qualifié de polar à l'humour décapant, j'ai trouvé le polar, je suis passée à côté de l'humour décapant.
Dommage !
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Le parcours de l'auteur m'a interpellé, un peu d'Australie, un peu d'Autriche, et finalement considéré comme un auteur allemand.
Cet itinéraire un peu compliqué m'a fait quitter les paysages du grand Nord.
Je découvre un drôle de bonhomme, personnage principal de livre, amusant avec ses tocs et sa passion pour deux illustres inconnus (pour moi, Wittgenstein, philosophe dont des pensées fleurissent tout au long de ce roman et Hauer, dodécaphoniste dont la musique égaie le quotidien de notre inspecteur).
Le style est lourd, touffu, plutôt imperméable par moment (un exemple parmi d'autres : "l'obscurité et le drame faisaient long feu, l'emphase crevait comme une baudruche, laissant de pitoyables restes").
Est il indispensable de se perdre ou plutôt de perdre le lecteur dans de telles digressions ?
Je n'en suis pas vraiment sûre !
L'intrigue est, elle aussi compliquée, même si ce qui est compliqué, ne l'est que parce que nous sommes pressés !
Il est vrai que l'on s'habitue au style de l'auteur, on digresse aisément avec lui, on se perd, on se retrouve et l'histoire continue.
La question qui reste toutefois est ce par plaisir ou par conscience que l'on finit ce bouquin, juste parce qu'on s'amuse ou juste parce qu'on se laisse porter par une érudition époustouflante ?
Ce qu'il en restera ... des découvertes de personnages curieux, amusants, singuliers avec des habitudes et des réflexes qui surprennent .... certaines actions et certains comportements sont fort plaisants, en la vraie vie pourrrait on les identifier je ne sais pas ?
Continuerais je la découverte de cet auteur .... peut être ou peut être pas .... un jour ou j'aurais envie de me confronter à une telle érudition époustouflante ou ennuyeuse ?

Pour ceux qui sont intrigués tout comme je l'ai été :
Ludwig Josef Johann Wittgenstein né à Vienne en 1889, est un philosophe et mathématicien qui apporta des contributions décisives en logique, dans la théorie des fondements des mathématiques et en philosophie du langage. Il ne publia de son vivant qu'une oeuvre majeure : le tractatus logico-philosophicus. Il y montre les limites du langage et de la faculté de connaître de l'homme.
Et l'autre hurluberlu dont nous croisons la route :
Josef Matthias Hauer né près de Vienne en 1883, est un compositeur et théoricien de la musique. Il a développé un système de composition à douze sons (dodécaphonisme) qu'il a abondamment théorisé par la suite. Ses compositions, très nombreuses et pour la plupart extrêmement courtes (moins de cinq minutes), sont généralement destinées à de petits ensembles ou à des instruments solistes.
Pour Hauer, le rôle du compositeur n'était plus de susciter de l'émotion ou de véhiculer un sens, un contenu, un message : il s'agissait à ses yeux, littéralement, uniquement de produire des sons, une succession de notes et de sons interchangeables. Sa musique vise la neutralité, l'inexpressivité, l'effacement total de la personnalité de l'artiste, aussi bien du créateur que de l'interprète.
Merci une fois encore à Wikipédia de nous livrer ces secrets.
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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
D’un geste du bras, le Dr Paul indiqua à Lukastik une chaise libre, tandis que de l’autre main il désignait le cadavre en disant :
– Il n’y a plus de doute. Cet homme a été tué par un requin.
Devant lui, alignés sur une plaque de verre posée sur un papier, se trouvaient plusieurs petits fragments. Il souleva l’un d’eux à l’aide d’une pincette, l’exposa à contre-jour et expliqua qu’il s’agissait d’un bel exemple de dent de requin.
– Et regardez ceci, dit-il en montrant un minuscule objet semblable à un caillou, qui luisait d’un éclat métallique. C’est une dent cutanée.
– Une dent cutanée ?
– Moi non plus, je ne connaissais pas, j’ai du faire un tour rapide sur Internet. Ça m’est toujours un peu désagréable.
– Qu’est-ce qui vous êtes désagréable ? D’aller sur Internet ?
Oui, fit Dr Paul. On a l’impression de tricher. Comme si on allait chercher son savoir dans une zone interdite. Comme si on braconnait sur le terrain de chasse des incultes et des anti-sportifs, de ceux qui, d’une pression de touche ou presque, font leurs courses au supermarché.
–Et donc, dans ce supermarché, vous êtes tombé sur des dents cutanées, en déduisit Lukastik.
– Des écailles placoïdes, précisa le Dr Paul, sur lesquelles reposent de belles petites dents en émail, d’une dureté incroyable. Un dispositif vraiment très pratique : atténue les frottements et protège comme une cotte de maille. Car le requin lui aussi n’est qu’une créature de chair, c’est-à-dire vulnérable. On a tendance à l’oublier quand on voit la bestiole. Les requins ne sont pas des insectes, ils n’ont pas leur robustesse : ils sont plutôt sensibles, craintifs, indolents. Mélancoliques. La plupart d’entre eux sont des vivipares, avec en plus une longue durée de gestation. Ça engendre forcément la mélancolie.
– Voilà qui n’est plus très scientifique, constata le policier.
– C’est vrai, je m’égare. Donc, j’ai trouvé dans le corps du mort les fragments de dents d’un requin, dents de la mâchoire et dents cutanées. La taille et la nature des blessures, sans oublier le fait que notre mort a eu la main et la jambe arrachée, semblent indiquer un poisson d’un certain volume. Cela dit, compte tenu de la faible profondeur du bassin, inutile de fantasmer sur une créature de cinéma de six mètres.
– Compte-tenu de la présence d’un bassin d’eau douce chlorée, on ne devrait pas pouvoir fantasmer du tout.
– Je suis de votre avis. L’homme a été tué ailleurs. Et nous devons évidemment supposer que ces blessures caractéristiques lui ont été infligées de façon artificielle. Que quelqu’un a simulé une attaque de requin avec minutie et compétence – sans compétence excessive, espérons le – qu’il a sectionné la jambe et la main comme l’aurait fait un requin et appliqué sur le mort des segments corporels du poisson.
– Et tout le sang ?
– Tout le sang? Je dirais plutôt qu’il y en a tout sauf assez. Si l’homme avait été tué dans le bassin on l’aurait sorti d’une soupe rouge, pas d’une petite ou légèrement teintée, d’un bouillon clair. Non, on ne peut pas vraiment parler d’une grande quantité de sang. Le mort s’était sans doute quasiment vidé avant d’être transféré. Le cadavre n’en était pas moins… Disons qu’il n’en était pas moins frais.
C’est-à-dire ?
Que l’homme est mort au cours de la nuit, probablement lors de la seconde moitié. Tout a dû se passer très vite, les préparatifs visant à simuler l’attaque, le déplacement du corps. Sans doute entre deux heures et quatre heures du matin.
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L'inspecteur jeta sa cigarette à demi fumée sur le sol bétonné, tout en s'abstenant de l'écraser. C'était une question de principe. Jamais il n'aurait ne fût-ce que pressé une cigarette dans un cendrier ou passé son bout incadescent sous l'eau. Il évitait en règle générale de détruire sa "lueur".
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Posant son café, Kosary proclama:
"On n'aime vraiment qu'une seule fois. Ce n'est pas une question de monogamie mais d'objet. On ne peut manger une pomme qu'une seule fois.
- Il y a beaucoup de gens qui tombent amoureux plusieurs fois, répliqua Lukastik, engageant la discussion alors que ce thème lui paraissait un des pires sujets imaginables.
- Ces gens-là s'enfoncent sans arrêt le doigt dans la gorge pour recracher la pomme. Après quoi ils enfournent de nouveau ce tas de salive, parfois même à moitié digéré, et ils prétendent être tombés amoureux. Quand on pense à toute cette horrible bouillie de pomme remâchée qui s'accumule au cours d'une vie...
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- On n'aime vraiment qu'une seule fois. Ce n'est pas une question de monogamie mais d'objet. On ne peut manger une pomme qu'une seule fois.
- Il y a beaucoup de gens qui tombe amoureux plusieurs fois, répliqua Lukastik, engageant la discussion alors que ce thème lui paraissait un des pires sujets imaginables.
- Ces gens là s'enfoncent sans arrêt le doigt dans la gorge pour recracher la pomme. Après quoi ils enfournent à nouveau ce tas plein de salive, parfois même à moitié digéré, et ils prétendent être tombés amoureux. Quand on pense à toute cette horrible bouillie de pomme remâchée qui s'accumule au cours d'une vie...
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"Quand Jordan passait un chiffon doux et humide sur les surfaces de métal, il pénétrait dans l'âme de sa cuisine. Car il va de soi que les cuisines elles aussi ont une âme, bien plus sûrement que les voitures, les avions ou les crocodiles. Il existe des cuisines qui ont plus d'âme que certains citoyens bornés. Et s'il avait été nécessaire de prouver cette assertion, Jordan aurait sans doute expliqué que non seulement il comprenait sa cuisine, mais que, réciproquement, il sentait aussi qu'elle le comprenait". p.357
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