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EAN : 9782905212306
les dossiers d'Aquitaine (30/11/-1)
4.79/5   7 notes
Résumé :
"Parce que tu as froid ce soir, ne nie pas le soleil". Ainsi s'exprimait Sabine Sicaud, quelques semaines avant de disparaître. Remarquée dès l'âge de onze ans, Sabine symbolise alors pour les poètes de son temps une nouvelle vision poétique.

Et puis vint la maladie. A l'enfant rieuse qui prêtait sa voix au petit cèpe ou à la chèvre, succéda l'adolescente aux poignantes confessions. La justese de ton, la fraîcheur et la sincérité de ses écrits font al... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Voici un autre poème écrit quelques mois avant sa mort le 12 juillet 1928.
le cri d'un petit ange avant de nous quitter….
Elle avait 15 ans et 5 mois.

Douleur, je vous déteste

Douleur, je vous déteste ! Ah ! que je vous déteste !
Souffrance, je vous hais, je vous crains, j'ai l'horreur
De votre guet sournois, de ce frisson qui reste
Derrière vous, dans la chair, dans le coeur…

Derrière vous, parfois vous précédant,
J'ai senti cette chose inexprimable, affreuse :
Une bête invisible aux minuscules dents
Qui vient comme la taupe et fouille et mord et creuse
Dans la belle santé confiante – pendant
Que l'air est bleu, le soleil calme, l'eau si fraîche !

Ah ! « l'Honneur de souffrir » ?… Souffrance aux lèvres sèches,
Souffrance laide, quoi qu'on dise, quel que soit
Votre déguisement – Souffrance
Foudroyante ou tenace ou les deux à la fois –

Moi je vous vois comme un péché, comme une offense
À l'allègre douceur de vivre, d'être sain
Parmi des fruits luisants, des feuilles vertes,
Des jardins faisant signe aux fenêtres ouvertes…

De gais canards courent vers les bassins,
Des pigeons nagent sur la ville, fous d'espace.
Nager, courir, lutter avec le vent qui passe,
N'est-ce donc pas mon droit puisque la vie est là
Si simple en apparence… en apparence !

Faut-il être ces corps vaincus, ces esprits las,
Parce qu'on vous rencontre un jour, Souffrance,
Ou croire à cet Honneur de vous appartenir
Et dire qu'il est grand, peut-être, de souffrir ?

Grand ? Qui donc en est sûr et que m'importe !
Que m'importe le nom du mal, grand ou petit,
Si je n'ai plus en moi, candide et forte,
La Joie au clair visage ? Il s'est menti,
Il se ment à lui-même, le poète
Qui, pour vous ennoblir, vous chante… Je vous hais.

Vous êtes lâche, injuste, criminelle, prête
Aux pires trahisons ! Je sais
Que vous serez mon ennemie infatigable
Désormais… Désormais, puisqu'il ne se peut pas
Que le plus tendre parc embaumé de lilas,
Le plus secret chemin d'herbe folle ou de sable,
Permettent de vous fuir ou de vous oublier !

Chère ignorance en petit tablier,
Ignorance aux pieds nus, aux bras nus, tête nue
À travers les saisons, ignorance ingénue
Dont le rire tintait si haut. Mon Ignorance,
Celle d'Avant, quand vous m'étiez une inconnue,
Qu'en a-t-on fait, qu'en faites-vous, vieille Souffrance ?

Vous pardonner cela qui me change le monde ?
Je vous hais trop ! Je vous hais trop d'avoir tué
Cette petite fille blonde
Que je vois comme au fond d'un miroir embué…
Une Autre est là, pâle, si différente !

Je ne peux pas, je ne veux pas m'habituer
À vous savoir entre nous deux, toujours présente,
Sinistre Carabosse à qui les jeunes fées
Opposent vainement des Pouvoirs secourables !

Il était une fois…
Il était une fois – pauvres voix étouffées !
Qui les ranimera, qui me rendra la voix
De cette Source, fée entre toutes les fées,
Où tous les maux sont guérissables ?

Sabine Sicaud, Les poèmes de Sabine Sicaud, 1958 (Recueil posthume)
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Il y a quelques années, j'envisageais (modestement) de composer une anthologie poétique et, dans ce but, je cherchais des poèmes bien ficelés, bien riches de fond et de forme, de vrais poèmes d'anthologie, lorsque, tout à fait par hasard, je tombai sur le déchirant « Vous parler » de Sabine Sicaud. Ce poème en forme de confidence tragique débordant de dignité, de résignation, d'humilité dans la souffrance, et aussi de révolte et d'espérance, ce poème était – est – bouleversant. Ce fut donc le premier choc. Et ce fut bien plus saisissant quand, sur Internet, je me mis à chercher des renseignements sur cet auteur inconnu. Il y a peu de poétesses dans notre littérature, ou plus exactement, on ne leur accorde pas assez de place. J'ignorais tout de Sabine Sicaud. A quelle époque vivait-elle ? Quelle furent sa vie, son oeuvre, ses ambitions, ses succès et ses revers, ses inspirations et ses influences ? Sabine Sicaud n'est pas une poétesse ; ce n'est même pas un auteur, c'est une jeune fille morte à quinze ans d'une maladie extrêmement douloureuse, (ostéomyélite, vraisemblablement), une enfant, dont la destinée tragique a nourri une oeuvre personnelle qui, au bout du compte, présente une réelle valeur littéraire, et ô combien humaine.
Oeuvre courte, bien entendu, comme sa vie. Quelques cahiers, écrits d'une plume tour à tour enjouée et profonde, et débouchant sur un cri de douleur, réunis en 1958 dans un recueil qui, faute de publicité, n'a eu aucun succès. Sabine nous avait quittés déjà depuis trente ans. Il fallait donc lui rendre hommage. Ce fut fait avec l'étude pertinente et passionnée d'Odile Ayral-Clause en 1996, préfacée par l'éloge d'un spécialiste, Robert Sabatier. Malheureusement, cette étude est la seule à ce jour. Il y aurait beaucoup de choses à dire, à écrire et à raconter sur cette petite fille modèle, ce petit oiseau fauché en plein vol, cette fleur coupée avant même de s'épanouir. Il y a surtout une place à rendre à Sabine dans la littérature. J'ai dit que ce n'était pas une poétesse, parce qu'elle n'en avait pas l'ambition, mais elle avait, au plus au point, la fibre poétique. Les textes rassemblés dans cet ouvrage ne laissent pas de doute.
Car on ne peut en effet rester insensible à la poésie de Sabine. Les poèmes d'enfants, d'une fraîcheur remarquable, vont peu à peu prendre de la profondeur et de la consistance, au fur et à mesure que la douleur s'insinue dans le corps et l'âme de la petite fille que le malheur fait grandir trop vite. Ce qui ne change pas c'est la profonde vérité qui porte l'oeuvre. Dans ses descriptions, Sabine n'interprète pas, elle dit juste ce qu'elle voit, avec ses yeux d'enfant, enfant surdouée, certes, mais enfant tout de même ; et cependant aucune mièvrerie, aucun enfantillage ne vient ternir cette authenticité extraordinaire. Sabine Sicaud fait de la poésie sans le vouloir : quand elle décrit une châtaigne ou un champignon, elle nous invite à le voir par ses yeux, c'est à dire à nous-mêmes revenir en enfance, et tout cela en dehors de toute doctrine littéraire, de toute intention, Sabine Sicaud fait de la poésie empirique. Et que faut-il admirer le plus, de cette culture exceptionnelle chez un enfant de cet âge, de cette connaissance intuitive de la nature et de ses secrets, de cette aisance quasi surnaturelle dans l'écriture poétique, de cet élan à la fois naïf et réfléchi, profond et spontané ?
Et finalement, c'est par le coeur que nous rejoignons l'univers de Sabine. Que nous partagions ses émois d'enfant devant les plantes et les animaux, ou que nous souffrions avec elle dans sa propre chair, nous devenons intimes avec elle. Sabine est un peu notre enfant, notre fille ou notre petite soeur, elle est ce « Petit prince à consoler » cher à Saint-Exupéry. Et si elle nous bouleverse autant c'est qu'elle fait partie de notre famille, et nous l'aimons comme telle.
On pourra épiloguer longtemps pour imaginer ce qu'elle serait devenue. Mais il est inutile de refaire un monde qui est déjà révolu. Un petit oiseau a traversé notre ciel, avec un beau plumage et une belle voix, avec toutes les promesses de sa jeunesse, et voici qu'il a été fauché en plein vol, et que son chant s'est amplifié jusqu'à devenir universel. Ce petit oiseau s'appelait Sabine Sicaud. Nous ne l'oublierons jamais.
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Ce livre se présente comme une biographie de Sabine Sicaud, jeune poétesse morte à quinze ans, et contient certainement tous les détails qu'on peut vouloir connaître sur sa vie. Mais surtout, il contient l'intégralité de son oeuvre, pratiquement introuvable ailleurs.

Sabine Sicaud n'est pas qu'un phénomène. Ses poèmes ont une sensibilité enfantine, mais ils ne sont pas brillants que par rapport à son âge. Ils ont une beauté réelle, qu'elle parle du charme de la nature, du rêves des pays lointains, ou de la douleur de la maladie. Elle mérite d'être plus connue !
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Une découverte comme un coup de poing à l'estomac. Un talent fou, une fraîcheur et une harmonie d'une maîtrise fantastique tellement étonnants chez une très jeune fille fauchée à quinze ans par la maladie. Née et morte dans la propriété "La Solitude" à Villeneuve-sur-Lot. Des poèmes à apprendre par coeur ... pas démodés du tout !
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Je ne te connais pas, rose qui n’est pas rose,
Ni couleur de soleil, ni de rouge velours,
Ni d’un blanc de petite nonne, et qui me cause
Une anxiété vague, étrange rose.

Je ne te connais pas, je te sais quelque part,
Chez le fleuriste en vogue – à l’abri d’une serre –
Ou dans un parc trop beau comme avivé de fards
Et de sources factices – quelque part

Où l’abeille elle-même hésite, un peu craintive.
Jardiniers trop savants, que n’ont-ils fait déjà !
"L’églantier qui tendait vers moi ses branches vives,
Qu’en ont-ils fait ?" dit l’abeille craintive.

"Qu’en ont-ils fait ?"dit la cétoine au bonnet vert.
Et l’Amour nu, sur sa colonne, en pénitence,
Dit : "Qu’ont-ils fait de ce tendre univers
où librement des fleurs jonchaient les chemins verts ?"

Qu’ont-ils fait, qu’ont-ils fait de toi rose des haies ?
Trop somptueuse ou trop pâle soudain,
Chaque printemps déjà tu nous semblais moins vraie
dans la miraculeuse fête des jardins…

Et te voici du bleu convenu des turquoises,
du bleu des hortensias bleus, des lotus bleus,
des ciels trop bleus sur des porcelaines chinoises…
Te voici bleue, ô rose bleue ! et fausse un peu

Comme des yeux qui mentiraient, de beaux yeux lisses,
larges et fiers, baignés d’azur… et juin se glisse
dans le petit cœur frais des roses d’autrefois !

Et moi je songe au bleu de la sauge des bois,
aux bouquets ronds que brodaient, en couronne,
d’adorables myosotis, un brin fanés ;
aux bleuets des vastes champs blonds à moissonner ;
aux pervenches d’avril, aux clochettes d’automne ;

au muscari, qu’aigrettent des saphirs ;
au bleu d’insecte bleu des bourraches velues ;
aux gentianes dans les herbes chevelues…

Je songe à tous les yeux qui s’ouvrent pour offrir
tous les tons bleus de l’eau, de l’air, des pierreries :

au bleu de l’aconit, à la douceur fleurie
du lin candide, au regard clair du romarin…

à ce reflet de mer qu’ont les yeux des marins
et les houppettes des chardons le long des côtes…

Je songe à la chanson qui se chante à voix haute
ou si discrètement dans le creux des fossés…
Je songe à vous, je songe à vous, ô chanson bleue,
qui chantez en de pauvres cœurs et les bercez !

Je vous revois, jardinets de banlieue
avec ces visages de fleurs qui font penser
à des enfants dans une chambre ; je vous vois,
fenêtre à l’ombre où l’on cultive une jacinthe…

Et vous, champs de Harlem, brumes où tinte
le carillon d’autres jacinthes ; bleu de toits
drapés d’une glycine ; poudre fine
d’un épi de lavande au soleil des collines,

matins bleus, pays bleus, je vous reconnais bien,
d’ici, rien qu’aux parfums du vent qui passe…

… Et d’autres, mieux que moi, comme l’on se souvient,
se souviendront d’étés anciens, d’odeurs vivaces.

Mais quelqu’un dira-t-il, ô rose, infante bleue,
Dame étrangère qui surprend, même là-bas,
dans ces parcs où des paons royaux traînent leur queue,
dira-t-il qu’il te connaissait, Princesse bleue ?

Même poète, osera-t-il
Franchir la grille ou marchander la gerbe ?
tant de sentiers sont bleus, depuis avril,
d’un bleu tout simple… Osera-t-il ?

Et, même osant, que savoir d’une rose
qui n’est plus cette rose avec l’âme d’hier ?
– Le temps des dieux et des métamorphoses,
s’il revenait, pourtant, dame en bleu qui fut rose ?

Les Contes de Perrault ?… J’ai tant rêvé,
sais-tu, de baguettes magiques, de breuvages
transformant, pour la perdre ou la sauver,
la Belle dont un Prince avait rêvé…

J’ai tant rêvé, comme le Prince, que, peut-être,
sous ton déguisement, je te reconnaîtrais ?
Va, ce n’est pas ta faute… et l’on peut mettre
Une robe d’azur sans trop mentir, peut-être…

De l’orgueil ? On te croit de l’orgueil ? Je dirais :
"Ne devinez-vous pas qu’être une rose bleue
c’est être seule et triste ?…" Et le secret
de ton odeur perdue aussi, je le dirais,
pour qu’on t’accueille avec douceur, ma Rose…
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Vous parler ? Non. Je ne peux pas.
Je préfère souffrir comme une plante,
Comme l'oiseau qui ne dit rien sur le tilleul.
Ils attendent. C'est bien. Puisqu'ils ne sont pas las
D'attendre, j'attendrai, de cette même attente.

Ils souffrent seuls. On doit apprendre à souffrir seul.
Je ne veux pas d'indifférents prêts à sourire
Ni d'amis gémissants. Que nul ne vienne.

La plante ne dit rien. L'oiseau se tait. Que dire ?
Cette douleur est seule au monde, quoi qu'on veuille.
Elle n'est pas celle des autres, c'est la mienne.
Une feuille a son mal qu'ignore l'autre feuille,
Et le mal de l'oiseau, l'autre oiseau n'en sait rien.
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J'ai rencontré le cèdre
Nous nous sommes tous les deux reconnus. Il m'a dit :
"C'est toi, toi que je sais, dont les bras sont enduits
de ma résine blanche, et dont les cheveux brillent
de mes fines aiguilles
et dons les poches craquent
de mes pommes de cèdre..."

Je n'ai rien dit.
Mais son odeur à lui,
d'encens, d'ambre et de cèdre,
est bien ce que je sais comme il sait tout le reste
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Ah! laissez-moi crier, crier, crier...
Crier à m'en arracher la gorge,
Crier comme une bête qu'on égorge,
Comme le fer martyrisé dans une forge,
Comme l'arbre mordu par les dents de la scie,
Comme un carreau sous le ciseau du vitrier.
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N'oublie pas la chanson du soleil, Vassili.
Elle est dans les chemins craquelés de l'été,
dans la paille des meules,
dans le bois sec de ton armoire,
si tu sais bien l'entendre.
Elle est aussi dans le coeur du criquet.
Vassili, Vassili, parce que tu as froid, ce soir,
Ne nie pas le soleil.
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