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EAN : 9782864249467
176 pages
Editions Métailié (13/02/2014)
3.73/5   60 notes
Résumé :
Luanda, 1975. À la veille de l’Indépendance, Ludovica, agoraphobe et terrorisée par l’évolution des événements, se retranche dans son appartement en construisant un mur qui en dissimule la porte et la met à l’abri du reste du monde. Ayant transformé sa terrasse en potager elle va vivre là presque trente ans, coupée de tout, avec son chien Fantôme et un cadavre.
Ludo a vraiment existé et mené la vie que raconte le roman. En entrelaçant cette histoire avec le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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Ce livre m'a reconcilie avec Agualusa. En fait je pense que mon billet sur Le marchand de passes etait un peu injuste. Je lui en demandais trop.

Cette Theorie generale de l'oubli s'appesantit plus sur les affres de la decolonisation de l'Angola. Beaucoup plus explicite sur les peurs et la fuite effrenee des colons portugais et sur la guerre civile qui dechira le pays de longues annees.

Autour d'un personnage principal, Ludo,une portugaise abandonnee par les siens qui s'enferme dans son appartement, s'emmure carrement, et passe de longues annees sans contact avec l'exterieur, Agualusa brosse les profils et les faits et actes de nombreux autres. Un policier roublard et cruel, des politiciens vereux, des mercenaires sans foi ni loi ni avenir, une infirmiere au grand corps que sa devotion a tous et a n'importe qui finira par sacrifier, un journaliste juif qui s'entete a rester fidele a la terre qui l'a accueilli, de petites fripouilles qui se forgent une nouvelle identite et se reconstruisent en grands entrepreneurs, des prophetes en haillons, des eleveurs qui s'entretuent pour quelques boeufs, et j'en passe, jusqu'a ce qu'en fin de livre on rencontre Sabalu, un gosse de 7 ans, abandonne, degourdi, a la petite stature et au grand coeur, qui sauvera Ludo et sera sauve par elle. Beaucoup de petites histoires qui convergent en une grande, la douloureuse epopee de la decolonisation.

Agualusa traite tous ses personnages avec une grande compassion. Il les comprend tous et ne les juge pas. Tous auront droit a la redemption. Il croit dur au titre de son livre: une theorie generale de l'oubli est le meilleur ferment pour un bel avenir.

Et un dernier mot pour l'elegance d'Agualusa a toujours teinter l'horreur d'humour, pour la virtuosite de sa prose, toujours paree de poesie, pour la veine epique qu'il arrive a insuffler aux gesticulations de ses personnages. Il les caresse tous, ses personnages. Le lecteur aussi en sort tout caresse.









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Il n'y a pas grand chose à ajouter à la quatrième de couverture de «Théorie générale de l'oubli» qui résume parfaitement ce roman, pour moi le plus beau de Agualusa sur les trois que j'ai lu. Je craignais qu'il ne devienne lassant et c'est tout le contraire qui s'est produit, de plus en plus passionnant au fil de la lecture.
Ludovica Fernandes Mano (Ludo), qui ne peut vivre seule va quitter le Portugal pour suivre sa soeur Odette qui a rencontré et épousé un angolais, Orlando, venu au Portugal pour y régler un héritage.

«Ludovica n'a jamais aimé affronter le ciel. Enfant, les espaces ouverts l'inquiétaient déjà. En sortant de chez elle, elle se sentait fragile et vulnérable, comme une tortue à laquelle on aurait arraché sa carapace. Toute petite, à six ou sept ans, elle refusait d'aller à l'école sans la protection d'un immense parapluie noir, quel que fût le temps. Ni l'agacement de ses parents ni les moqueries cruelles des autres enfants ne l'en dissuadaient. Les choses s'améliorèrent par la suite. Jusqu'au jour où ce qu'elle appelait “l'Accident” se produisit et où elle se mit à tenir cette peur primordiale pour une prémonition.»


Elle va partager leur appartement au dernier étage d'un des immeubles les plus luxueux de Luanda : l'immeuble des Enviès.

Orlando offre à Ludo pour lui tenir compagnie, un chiot berger allemand albinos que Ludo à cause de sa blancheur va nommer «Fantôme».

Mais les évènements extérieurs se précipitent, début de la longue guerre civile qui va suivre l'indépendance de l'Angola, la disparition de sa soeur et de son beau-frère, sortis un soir pour participer à une fête et qui ne sont pas rentrés au matin, l'appel téléphonique d'un homme avec un accent de Lisbonne qui réclame à Ludo des diamants cachés par Orlando va précipiter l'enfermement de Ludo qui est terrorisée.

La force et la beauté de ce roman vient de sa poésie et d'une construction virtuose basée sur des événements qui s'introduisent dans la vie recluse de Ludo et qui pourraient être qualifiés comme "la subtile architecture du hasard" (titre d'un des chapitres). Ils paraissent anodins au départ mais vont se développer et se réunir en cascade pour former un tout et permettre de retrouver la trace de la disparition de Odette et Orlando et de tous ceux qui y sont plus ou moins directement liés ainsi que le dévoilement des raisons de cette peur du dehors et de ses dangers dont souffre Ludo. Si vous acceptez de vous laisser prendre dans la spirale qui naît, entre autres, avec la capture par Ludo d'un pigeon qu'elle relaxe lorsqu'il se révèle être un pigeon voyageur, alors n'hésitez pas. La recluse Ludo ne pouvait songer un instant qu'elle continuait à être reliée profondément à la vie autour d'elle alors qu'elle croyait s'en être exclue, elle qui écrit :
"Si j'avais encore de l'espace, du charbon de bois et des murs disponibles, je pourrais écrire une théorie générale de l'oubli."
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La théorie générale de l'oubli qu'aurait pu écrire Ludovica, si elle « avai[t] encore de l'espace, du charbon de bois et des murs disponibles », n'aurait sans doute pas fonctionné en pratique. Démonstration : il y a bien longtemps, Ludo a débarqué de son Portugal natal à Luanda, accompagnant sa soeur Odette, qui venait d'épouser Orlando, un ingénieur angolais. Parce que Ludo, agoraphobe depuis un certain « Accident », peut difficilement se débrouiller seule. En 1975, alors que les remous de l'indépendance agitent l'Angola, Odette et son mari disparaissent subitement. Ludo, terrifiée par les événements extérieurs, s'emmure littéralement dans son appartement au 11ème et dernier étage de son immeuble luxueux, avec son chien Fantôme et un potager de fortune. Elle y (sur)vivra près de trente ans, isolée de tout, oubliée de tous. Croit-elle. Parce qu'à un moment, au cours de ces longues années de guerre civile, il aura suffi d'un pigeon voyageur pour la relier au monde. Un pigeon messager qui atterrit par hasard sur sa terrasse et que, pourtant affamée, elle décide de relâcher vers son destinataire plutôt que d'en faire un repas. Ce geste est au centre d'une chaîne de causes et de conséquences, pas immédiates, pas directes, et dont Ludo ignore tout, mais résolument liées entre elles, et fait intervenir une galerie de personnages bariolés, aux prises avec les heurs et malheurs de l'Angola de l'époque : dans un contexte de guerre froide, le régime communiste soutenu par Cuba est contesté par des factions rebelles appuyées par l'Afrique du Sud ou le Zaïre, pendant que d'autres convoitent les ressources minières et diamantaires ou s'approprient les terres ancestrales des nomades.

Voici une histoire à la fois touchante et rocambolesque, inspirée d'un fait réel (l'auto-réclusion de Ludo), construite à partir de fragments de vie de Ludo et qui se développe autour d'elle en une spirale accolant dans sa danse virtuose des anecdotes qu'on croyait disparates et leurs protagonistes pas si insignifiants et qui tous, proies ou ombres, se partagent une même toile.

Non non, Ludovica et ce joli petit roman ne sauraient sombrer dans une quelconque théorie générale de l'oubli. CQFD.

En partenariat avec les Editions Métailié.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Du 11e étage d'un immeuble luxueux de Luanda, derrière un mur de parpaings érigé pour dissimuler la porte d'entrée, l'appartement de Ludo sera pendant vingt-huit ans une chambre d'échos laissant entendre la rumeur de l'agitation des hommes, de la guerre civile avec les rebelles communistes appuyés par des mercenaires cubains à toutes les luttes intestines frappant un pays découvrant douloureusement l'indépendance.
Mais pas seulement.
Loin d'enfermer le récit dans une narration frontale ou une sombre réalité obsessionnelle du quotidien pour celle qui est volontairement recluse, l'auteur propose un récit plein de surprises. Foisonnant, bigarré, le roman relie_ même si c'est parfois alambiqué_ la destinée véritablement dramatique de cette femme à celle d'un monde effervescent, hétéroclite dans lequel se côtoient un journaliste collectionneur d'histoires de disparitions, un ventriloque accompagné d'un hippopotame nain qui danse, un ancien agent devenu la voix d'un peuple nomade ou encore un écrivain avalé par la terre…

Il n'y a nulle trame linéaire mais un récit diffracté dans lequel les ruptures narratives se nourrissent de rencontres et de destins croisés. Nulle vision panoramique de l'Angola mais un appartement-prison qui sert de passerelle entre le monde ancien et celui à venir, entre l'époque coloniale et la promesse de réconciliation. Car Ludo est malgré elle le centre de ce monde désaccordé. Si la peur chevillée au corps la tient éloignée du monde extérieur, c'est le monde qui vient à elle. Un monde réinventé par l'imagination fantasque de l'auteur qui permet à Ludo d'endosser le rôle d'héroïne dénouant les fils des intrigues, malgré l'isolement, malgré la faim.
Roman extravagant et chaleureux qui tire sa force principale de la capacité de l'auteur à réinventer un monde poétique à partir d'une histoire bien douloureuse.

Merci à Babélio et ses opérations Masse critiques qui m'ont permis de découvrir il y a quelques temps déjà les Editions Métailié et son catalogue de littérature hispanique et lusophone. Ici encore une découverte enrichissante.
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« Note préliminaire
Ludovica Fernandes Mano est décédée à Luanda, dans la clinique Sagrada Esperança, aux premières heures du 5 octobre 2010. Elle avait quatre-vingt-cinq ans. Sabalu Estevao Capitango m'a offert des copies de dix cahiers dans lesquels Ludovica a consigné son journal dans les premières années des vingt-huit durant lesquelles elle est restée cloîtrée. J'ai également eu accès aux journaux postérieurs à sa libération ainsi qu'à une vaste collection de photographies des textes et dessins au fusain de Ludo sur les murs de son appartement prises par l'artiste plasticien Sacramento Neto (Sakro). Les journaux, poèmes et réflexions de Ludo m'ont aidé à reconstituer le drame qu'elle a vécu. Ils m'ont aidé, je crois, à la comprendre. Je mets à profit un grand nombre de ses témoignages dans les pages qui suivent. Toutefois, ce que vous lirez est de la fiction. de la pure fiction. » (p. 7)

C'est la curiosité qui m'a d'abord attirée vers ce roman de José Eduardo Agualusa, un auteur angolais que je ne connaissais pas et que j'ai découvert grâce au challenge Globe-trotteurs, celle de rencontrer cette femme au destin hors du commun. Agoraphobe avant même de quitter le Portugal, Ludo se mure contre la violence du monde alors que la guerre d'Indépendance fait rage et que sa soeur et son beau-frère ont disparu, à l'abri du chaos extérieur qui ne cesse pour autant d'exister et que l'auteur nous présente à travers une galerie de personnages secondaires formant une fresque qui finit par se reconstituer à la fin du roman. Si cette construction m'a laissée parfois un peu perplexe et mélangée, n'étant pas familière avec l'histoire politique et sociale coloniale et postcoloniale de l'Angola, j'ai trouvé très poétique et d'une grande beauté les écrits de Ludo et une fois le livre terminé, j'ai eu envie de le relire pour mieux comprendre ce qui m'avait échappé.
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critiques presse (1)
LaPresse
17 juillet 2014
La juxtaposition de ces récits, brodés autour de l'intrigue principale, permet à l'auteur de poser un regard périphérique sur cette période douloureuse de l'histoire angolaise.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Après la fin le temps ralentit. Du moins, ce fut ainsi que Ludo le perçut. Le 23 février 1976 elle écrivit dans le premier de ses journaux :
Aujourd’hui il n’est rien arrivé. J’ai dormi. en dormant j’ai rêvé que je dormais. Des arbres, des bêtes, une profusion d’insectes partageaient leur rêve avec moi. Nous étions tous là, rêvant en choeur, une vraie foule, dans une pièce minuscule, échangeant des idées et des odeurs et des caresses. Je me souviens d’avoir été une araignée avançant vers une proie et la mouche emprisonnée dans la toile de cette araignée. Je me suis sentie fleurs écloses au soleil, brises transportant des pollens. Je me suis réveillée et j’étais seule. Si, endormis, nous rêvons que nous dormons, pouvons-nous, éveillés, nous retrouver dans une réalité plus lucide ?
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Le Kubango prend le nom d'Okavango en traversant la frontiere avec la Namibie. C'est un grand fleuve qui n'a pas le destin commun a ses pareils: il ne debouche pas dans la mer. Il ouvre des bras genereux et meurt en plein desert. D'une mort sublime, genereuse, qui emplit de verdure et de vie les sables du Kalahari.
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Il comprenait la nécessité d'une plus grande justice sociale, mais les communistes, qui menaçaient de tout nationaliser, l'effrayaient. Exproprier la propriété privée. Expulser les blancs. Casser les dents à la petite bourgeoisie. Lui, Orlando, était fier de son sourire parfait, il ne voulait pas devoir utiliser un dentier.
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Elle préférait mourir là, prisonnière mais libre, comme elle avait vécu ces trente dernières années.

Libre ?
 Très souvent, en regardant les foules qui s’acharnaient autour de son immeuble, cette vaste clameurs de klaxons et de sifflets, de cris, de supplications et de jurons, elle éprouvait une terreur profonde, une sensation d’encerclement et de menace. Chaque fois qu’elle avait envie de sortir, elle cherchait un titre dans la bibliothèque. Pendant qu’elle brûlait peu à peu les livres, après avoir fait du feu avec tous les meubles, les portes, les lames du parquet, elle sentait qu’elle perdait la liberté. C’était comme si elle boutait le feu à la planète. En brûlant Jorge Amado, elle avait cessé de pouvoir revisiter Ilhéus et Sao Salvador. En brûlant «Ulysse» de Joyce, elle avait perdu Dublin. En se défaisant des «Trois tigres tristes» elle avait vu la vieille Havane en flammes.....
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Les personnes qui manquent aux autres vont au paradis. Le paradis est l'espace que nous occupons dans le coeur des autres.
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