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EAN : 9791030706710
400 pages
Au Diable Vauvert (04/04/2024)
4.18/5   14 notes
Résumé :
À qui profite le bonheur ?

Bienvenue dans un monde parfait. Ici la vie heureuse s’étale quotidiennement sur le réseau HappyApp, où l’indice de bonheur individuel donne accès à ce que la société réserve aux meilleurs. Offres premiums, métier et logements hauts-de-gamme, et surtout parentalité, désormais réservée aux citoyens les plus épanouis.
Jeunes, beaux, amoureux, jusqu’où Juliette et Néo Lanhéry seront-ils prêts à aller pour
y accéde... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Imaginez un monde idéal où le seul but dans la vie la course au bonheur ! Oubliez le flot incessant d'informations qui affluent par le biais des lentilles greffées sur votre cornée. Ne tenez pas compte de l'enjeu du score, attribué en fonction de l'attractivité des vidéos de chatons ou des hashtags dégoulinants de félicité sur les réseaux, score qui vous permet d'accéder à des promos alléchantes mais aussi de rejoindre les plus heureux dans les meilleures zones d'habitation et cherry on the cake vous lancer dans le Grand Projet…
C'est ce que que vise le couple Néo-Juliette en lice pour la sélection.

Outre la description édifiante de ce monde hyperconnecté, qui fait froid dans le dos, le roman présente une galerie de personnages, avec leur ressenti personnel et leur adhésion plus ou moins factice aux artifices de classification sociale. Sans être dupes, les plus zélés se confirment sans broncher, pour profiter des avantages promis. Quant aux rebelles, ils risquent gros…

Si la première partie est une satire sociale sans compromis, le roman prend vite des allures de thriller avec un crescendo fort réussi.

Très habilement construit de telle sorte que l'on est embarqué dans l'intrigue, ce roman est par ailleurs fort bien écrit et est pour moi un coup de coeur

400 pages Au Diable Vauvert 4 avril 2024
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Tout est sous contrôle, nous murmure Christopher Bouix. Une idée à ne pas discuter trop ouvertement, dans ce futur tout est écouté et scruté…

L'auteur pousse les curseurs plus loin, plus fort. Un avenir pas si éloigné, comme une suite assez logique de ce qui est en train de se mettre en place. Pousser vers certaines extrémités n'en rend pas la vision moins crédible.

Ce roman joue sur plusieurs tableaux, plusieurs ambiances, il cache aussi son jeu dans cette société où tout est devenu public. Comédie ou tragédie ? Les deux, pour un texte étonnant et vraiment jubilatoire.

2084, 100 ans tout juste après le 1984 de George Orwell, clin d'oeil qui ne doit rien au hasard. Ce monde de demain est bien moins sombre que celui d'Orwell, du moins en apparence.

Oui, l'apparence, voilà bien le terme qui convient. Ce monde ultra-connecté est une excroissance du nôtre, où tout est partagé entre tous (et surtout avec les autorités), où les injonctions vont vers un lissage des comportements pour que tout tende vers le bonheur parfait.

Un univers policé (policier ?) où tout tourne autour d'un indice du bonheur, qu'il faut faire fructifier à chaque moment de sa journée sur les réseaux sociaux, devenus aussi omniprésents et indispensables que de respirer. Jusqu'à en étouffer.

L'idée de base n'est pas neuve, je me souviens d'un excellent épisode de la saison 3 de Black Mirror par exemple, sur une thématique proche. Dans la vie réelle, la Chine s'y est même essayée. Mais Christopher Bouix va vite faire preuve de singularité, par sa créativité et surtout par sa manière de raconter.

Croyez-moi sur parole, (personne ne met (encore) en doute mes propos), voilà un roman qui est une sacrée belle réussite ! Cynique, impertinent, visionnaire, drôle, flippant. Un mélange de tons et d'émotions qui font que ces 400 pages se dévorent.

Dans ce futur, le gouvernement contrôle effectivement tout, et les citoyens plus grand-chose. On pense à leur place, on leur dit quoi manger, quoi faire et quoi penser. La pensée conservatrice a pris le pas sur tout le reste, pour le bonheur de tous, en apparence. Ça marche pour certains, surtout en façade, mais derrière les murs ce bonheur se craquelle.

Vous vous demandez ce que l'omniprésence des réseaux sociaux et de l'image publique peut donner demain ? L'auteur vous en propose une vision sacrément bien pensée et réfléchie. Pas de concepts compliqués, place aux travaux pratiques.

Même si les sujets sont graves, la plume est mordante, maniant l'humour noir avec talent. Avec un auteur qui se place aux côtés de ce qui fait le coeur du roman : les personnages.

Une sacrée galerie, une belle ménagerie. Un couple prêt à tout pour être autorisé à faire un enfant, dont un psy qui pense davantage à lui-même qu'à ses patients. Leur conseillère totalement névrosée et écrasée par son horrible vieille mère, ou encore un vieux flic réactionnaire. Ils sont tous formidables à leurs manières, si vous aimez détester les personnages tout en étant parfois touchés par eux.

La quête de parentalité du couple va les faire dépasser certaines limites, poussé par un système dévoyé. Avec un engrenage qui va se mettre en place et faire évoluer l'histoire vers le roman noir.

Je dois vraiment insister sur la narration, bourrée de trouvailles stylistiques, à l'image des passages qui concernent la névrosée de service. Les chapitres où elle tente de dominer son acrimonie intérieure sont aussi drôles que terribles. du grand art.

Le côté choral permet à l'auteur de s'en donner à coeur joie, jouer avec les tonalités, les ambiances, les caractères. C'est bien là le sel de ce roman, au-delà de la vision épatante de ce futur.

Tout est sous contrôle, vraiment ? Il ne faut pas se fier aux apparences, dans cet avenir qui se repose entièrement sur elles. Christopher Bouix nous en dresse un portrait terrifiant, mais rendu jubilatoire par son écriture pleine d'inventivité et d'humour (noir). Une très belle réussite, à mettre entre toutes les mains !
Lien : https://gruznamur.com/2024/0..
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« Tout est sous contrôle » est le second roman de Christopher Bouix que j'ai l'occasion de lire. le premier, « Alfie », présentait un robot d'assistance du quotidien doté d'une intelligence artificielle. L'écrivain continue sur sa lancée en proposant cette fois un roman plus adulte où l'injonction au bonheur deviendrait la norme et un idéal sur lequel est basée toute la société. Après tout, l'aspiration au bonheur n'est-elle pas le but de toute existence ? Nous sommes en 2084 dans une société où le bonheur est une norme obligatoire pour « évoluer ». En fonction de votre indice de bonheur, vous êtes engagés dans certaines sociétés ou pas, vous êtes autorisés à vivre dans certains quartiers, vous pouvez devenir parent, ou pas… Pour y parvenir, il vous suffit d'être heureux et de le faire savoir sur HappyApp en postant « le maximum de contenus heureux ». Par ricochet, vous gagnez ainsi des followers, vous multipliez vos interactions avec eux, et certains pourront même devenir « vos amis ». Votre indice de bonheur doit être haut, car de celui-ci, dépend votre vie entière. Chaque jour, l'application HappyApp vous informe de l'évolution de cet indice de bonheur depuis votre dernière connexion, du nombre d'amis en attente, et du nombre de messages reçus. Grâce à des lentilles implantées dans vos yeux, il vous suffit de cligner deux fois pour ouvrir l'application et savoir où vous en êtes.

#Happyme

« Profitez de chaque plaisir pour sublimer votre vie. »

Dans ce monde parfait où « Tout est sous contrôle », rien ne dépasse. Les habitants sont à la fois dans le contrôle et constamment sous surveillance. Cette injonction au bonheur et le faire savoir à tous est implicitement réglementaire. Chacun sait que toute évolution dans la sphère personnelle et professionnelle en dépend. Ainsi, Juliette et Néo, aux indices de bonheur respectivement de 7,2 et de 7,9 ont la chance de déménager dans un quartier à indice haut pour entamer une nouvelle étape de leur vie, un Grand Projet pour lequel Juliette travaille sans relâche : elle partage avec sa « communauté » ses moments de bonheur quotidiens, quitte à consommer quelques HappyPills quand son moral flanche ou qu'elle se met à avoir des crises d'angoisse. Dans ce monde tout en joie, positif et optimiste, où même manger constitue un risque non négligeable, Juliette s'évertue chaque jour à montrer la meilleure version d'elle-même et de son couple. Bonheur parfait, félicité communicative, bien-être contagieux, ravissement démonstratif. Être heureux est l'aboutissement d'une vie entière, la récompense ultime pour accéder aux rangs les plus enviables de la société.

#ForeverHappyLife

« Faites de chaque moment un instant exceptionnel. »

Dans cette dystopie positive, utopie fantasmée, Christopher Bouix navigue entre Intelligence artificielle, progrès scientifiques et médicaux, et omniprésence des réseaux sociaux. Fin observateur de notre société actuelle où les réseaux véhiculent déjà une vision altérée et déformée de ce que chacun choisit d'y projeter, il pousse simplement les curseurs en en faisant une « loi », un règlement accepté de tous. « Tout est sous contrôle », même les émotions. Nos pensées les plus intimes et les plus secrètes restent privées et ne sont partagées qu'avec soi. le malheur, la souffrance, la peine et toutes les émotions négatives sont proscrits. Combien de temps peut-on vivre avec de telles injonctions ? Quels sont les renoncements consentis sur le grand autel du bonheur obligatoire ?

#LoveOfMyLife

Certains personnages de « Tout est sous contrôle » révèlent un côté plus sombre, et donc plus « objectif » de cette société fantasmée. Soit, ils ne bénéficient pas d'un indice de bonheur de « winner » et tout est donc plus compliqué pour eux, soit leur esprit critique n'a pas encore été totalement stérilisé. Ça va souffler fort sur cette société au bonheur indispensable… Les personnages secondaires ont autant de force que ce couple sur le chemin du Grand Projet et permettent d'équilibrer un peu la balance en laissant entrevoir quelques failles du système. Comme il est jubilatoire de voir s'écorner, petit à petit, cette image d'Épinal trop lisse ! Lorsque quelques individus commencent à éliminer ceux qui possèdent un indice de bonheur trop élevé, un curieux vent vient charrier cette communauté un peu trop parfaite. « Des citoyens dotés d'indices de bonheur au rabais se vengeaient sur ceux qui affichaient un chiffre un peu trop élevé au compteur. (…) Et la conclusion encore plus limpide : le bonheur pouvait rendre fou. (…) le bonheur est une pute, la vie est son mac. »

#BeGoodToYourself

Entre thriller et roman d'anticipation, « Tout est sous contrôle » foisonne d'idées ingénieuses sur « le monde d'après » et Christopher Bouix semble prendre un pied phénoménal à déployer cet univers. le moins que l'on puisse dire c'est que cet enthousiasme est contagieux ! Caustique à souhait, l'écrivain tisse des concepts révolutionnaires avec une aisance déconcertante. Il déploie un tourbillon d'idées novatrices et des concepts inédits, comme s'il puisait son inspiration dans le réservoir de notre société actuelle.

Préparez-vous à embarquer dans un voyage époustouflant à travers l'esprit génial d'un auteur qui repousse les limites de l'imagination humaine ! « Tout est sous contrôle » ne se contente pas de raconter des histoires, il crée un autre monde, un univers parallèle où la réalité se plie à la volonté de l'imagination. La capacité de Christopher Bouix à explorer des territoires inconnus et à repousser les frontières du connu pour nous entraîner vers des horizons insoupçonnés est vertigineuse. Chaque page est une révélation, chaque chapitre est une invitation à repenser notre perception du monde qui nous entoure. Il ouvre de nouvelles voies et défie les conventions avec une audace et une ingéniosité hors du commun. Mais ce qui rend « Tout est sous contrôle » vraiment unique, c'est son bel esprit créatif et cette inventivité débordante qui captivent et émerveillent le lecteur.

#BeGoodToOthers

« le bonheur se construit une seconde après l'autre. »

Attachez vos ceintures, Christopher Bouix nous transporte dans un tourbillon d'émotions et de réflexions. « Tout est sous contrôle » explore des questions de société en puisant son souffle créateur dans des voies que nous empruntons déjà. « Le conseil du jour : chaque matin, récitez trois fois à voix haute : “je suis heureux et ma vie est parfaite.” Cela renforcera votre sentiment intime de bonheur. N'hésitez pas à partager et publier des vidéos de ce moment heureux accompagnées des hashtags #HappyLife et #AnotherPerfectDay, cela vous permettra d'obtenir 10 crédits et d'augmenter votre indice de bonheur de 0,003 points ! » Il nous pousse à réfléchir sur notre utilisation des réseaux, sur ce que cela dit de nous, sur ce que nous cherchons à transmettre par ce biais, aux autres. Grâce à des illusions supposées influencer le bonheur des autres en exposant nos soi-disant #ForeverHappyLife, nos obsessions à montrer à quel point nos existences sont parfaites, Christopher Bouix s'offre une fabuleuse opportunité de démontrer que nul n'est dupe de ce petit jeu très malsain. Un passe-temps qui pourrait très bien devenir une réalité !

Une expérience littéraire absolument jouissive !
Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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𝙍𝙞𝙨 𝙢𝙞𝙚𝙪𝙭 𝙦𝙪𝙚 𝙘̧𝙖 ! 𝘼𝙢𝙪𝙨𝙚 𝙩𝙤𝙞 𝙥𝙡𝙪𝙨 ! 𝙁𝙖𝙞𝙨 𝙪𝙣 𝙨𝙤𝙪𝙧𝙞𝙧𝙚 𝙥𝙤𝙪𝙧 𝙃𝙖𝙥𝙥𝙮𝘼𝙥𝙥 !

Dans un futur où l'indice de bonheur de chaque individu régit sa vie et ses opportunités, Juliette et Néo ont lancé les procédures pour avoir le droit de désactiver la puce stérilisatrice de Juliette pour qu'elle puisse tomber enceinte. le seul problème : très peu de femmes y sont autorisées chaque année, et il ne reste que quelques mois avant les trente ans de Juliette, l'âge limite pour une autorisation de grossesse.

J'ai vraiment beaucoup aimé ce roman qui se lit comme un épisode de Black Mirror. Présenté comme une satire sociale, ce roman est effectivement assez dérangeant par moments par son cynisme très présent. L'auteur y dénonce beaucoup de choses : l'injonction au bonheur, l'omniprésence des réseaux sociaux dans notre vie, la toxicité de vouloir toujours se comparer aux autres, et les inégalités sociales.

L'histoire commence assez tranquillement et on découvre petit à petit les différents personnages, dont certains parviennent à attirer notre sympathie, en tout cas au début. Mais très vite, l'auteur nous montre le pire de l'être humain à travers ses différents personnages et il devient assez difficile de s'attacher à qui que ce soit. Il y a bien un personne qui ne m'a jamais déçu, mais le moins qu'on puisse dire c'est que ça ne lui a pas réussi au bout du compte…

Dans l'idée, le pitch n'est pas forcément très novateur, en tout cas pas inédit, mais j'ai beaucoup aimé la façon dont l'auteur l'a traité et j'ai trouvé que ça fonctionnait très bien. Sans que ce soit une lecture difficile, il y a quand même un côté un peu malsain à regarder évoluer ces différents personnages, et on ne se sent pas toujours très à l'aise. C'est d'après moi tout l'intérêt de ce genre de romans !
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Né en 1982, Christopher Bouix s'est d'abord illustré comme auteur de livres pour la jeunesse sous le pseudonyme de Nataël Trapp. En 2023 il avait fait paraître « Alfie », son premier roman adulte dans lequel une intelligence artificielle tenait le rôle central. Avec « Tout est sous contrôle », très talentueuse dystopie, il continue de labourer le champ d'un futur certes inquiétant, mais qui laisse des espaces de résistance à qui le veut bien

Il met aujourd'hui en scène onze personnages qui tissent ensemble une manière de tapisserie d'un temps à venir, l'an 2084. Ces figures ne cessent de se croiser au fil de chapitres brefs et nerveux, d'une écriture tendue, qui d'abord proposent une représentation de l'époque non encore advenue, puis se transmuent en un haletant thriller. Cette société à venir est en effet soumise au règne d'une évaluation générale. Chacun se voit doté d'un « indice de bonheur personnel » aussi déterminant pour son existence que ne le sont aujourd'hui l'origine sociale ou le niveau d'études : seuls les indices supérieurs à 8/10 peuvent prétendre accéder aux meilleures situations. L'obtention de cette note élevée est liée à la fréquentation quotidienne des réseaux sociaux, à la variété des affichages et à l'attractivité des vidéos mises en ligne. Christopher Bouix ne fait en l'espèce qu'extrapoler un mouvement déjà largement amorcé dans les années vingt du XXIème siècle : le décompte des « followers » en tous genres n'y tient-il pas déjà lieu de mesure de l'influence sociale ? Certes tout cela ne s'affiche plus sur des écrans, disparus depuis belle lurette, mais est directement visible par l'entremise de lentilles greffées sur la cornée. En lieu et place du double clic il suffit d'un double clignement de l'oeil. Mais par-delà ses innovations purement technologiques ce temps est surtout celui de considérables bouleversements sociétaux. Là-derrière se profile, on l'aura évidemment compris, le « 1984 » d'Orwell.

L'un des principaux personnages, une certaine Sibylle, travaille ainsi à l' « Office des quotas de naissance et de la surpopulation. » Non seulement il ne fait pas de doute que le malthusianisme a désormais triomphé, mais il se double maintenant d'un eugénisme décomplexé, sans compter un retour au modèle hétérosexuel : seuls sont habilités à la conception d'un enfant les couples notés 9/10, à raison d'un maximum de douze gestations annuelles pour l'ensemble de la population de chaque quartier haut de gamme. Autant dire que la compétition est serrée et la sélection impitoyable. Néo et Juliette, habitants du quartier n°2, pas loin du sommet de la hiérarchie, se présentent comme de sérieux postulants face à une petite dizaine d'autres couples. A l'Office, c'est donc Sibylle qui reçoit les candidats à la procréation. Pour ceux-ci, oubliées « les dérives de la première moitié du siècle […] Toutes ces interrogations sur le genre, sur la non-binarité » : le Gouvernement avait depuis longtemps fait marche arrière. Peu à peu Christopher Bouix élabore un tableau fourmillant de références renvoyant à ce qui travaille notre présent. Ne rendant pas forcément désirable ce qui s'est imposé dans le monde de 2084, à la fois hyper-connecté et commandé par une pensée d'un conservatisme assumé. La satire touche continûment juste, non sans une bonne dose d'humour.

Pour sa part, Sibylle vit seule à l'étage au-dessus de sa mère Véra, une ancienne comédienne aujourd'hui en fauteuil roulant, dont l'appartement est envahi par les livres. Une aberration qui provoque la fureur de sa fille, elle-même terriblement névrosée, et lui donne des envies de meurtre. Sauf que les temps sont à la bienveillance et à la transparence, du moins en façade. Obligatoires pour un bon indice de bonheur personnel, lui-même gage de multiples avantages. Personne ne refuse ouvertement de s'y conformer. Sur les réseaux sociaux on ne cesse donc d'afficher son contentement et son bien-être en postant « le maximum de contenus heureux », condition pour l'excellence de l'indice mesuré en permanence. Et pourtant… La jubilatoire satire sociale cède alors le pas à un impitoyable thriller, dont Sibylle, Véra, Néo et Juliette sont les acteurs. L'une veut se débarrasser de sa mère, les deux autres aspirent à la parentalité en même temps qu'à un statut supérieur. de cette conjonction d'intérêts, Christopher Bouix fait la matière d'un incroyable scénario noir, combinaison de haute technologie et d'inventivité humaine dans cette société qui a fait de l'injonction au bonheur et à la perfection son credo. Mais a fait l'impasse sur les vieilles pulsions de l'espèce. La face cachée, nocturne, de ce monde de 2084 alors se dévoile. Au sens propre et figuré, un véritable règlement de compte, captivant, foisonnant et caustique, qui concerne aussi 2024. C'est dire l'inestimable qualité de ce roman de fausse anticipation.

Lien : https://jclebrun.eu/blog/
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Elle referma sa page d’accueil et se souvint qu'elle n'avait pas publié de nouveau contenu depuis au moins trois jours. Son indice de bonheur avait dû s'en ressentir et affichait sans doute un chiffre à la baisse. Il faudrait qu'elle y pense, ce soir, en rentrant du travail. Une vidéo heureuse pour montrer combien ma vie est géniale et qualitative... Ce genre d'idée la déprimait complètement.
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Les hommes n'aiment pas être contredits , surtout quand ils se lancent dans des explications techniques. Ca leur donne l'impression qu'on essaie de leur arracher les couilles avec les dents.
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À son époque, il y avait déjà eu une campagne d'actualisation des textes pour modifier la fin et la rendre plus heureuse.C’était une tendance qui s'était accentuée tout au long du XXIe siècle : on avait d'abord retiré certains termes jugés offensants, puis repris certains passages, pour les rendre plus inclusifs, inventé de nouveaux personnages, pour qu'il y ait davantage de diversité, et enfin réécrit les fins. A quoi bon sortir d'un livre déprimé et dévasté ? Certaines personnes sensibles pouvaient se sentir particulièrement offensées, par telle ou telle œuvre d'art du passé ; et ça, ce n'était pas acceptable.
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Vidéo de Christopher Bouix
VLEEL 205 Rencontre littéraire avec Christopher Bouix, Alfie, Éditions Au Diable Vauvert
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