Quand un décès survient dans une famille, après le choc de la nouvelle et le poids des émotions qui l'accompagnent, l'absence de l'autre qui étreint le coeur jour après jour, la vie continue malgré tout pour les vivants.
Pour une famille américaine de l'est du pays, tous les membres ignorent encore à quel point la perte d'un des leurs va provoquer une onde de choc ...
Cette lecture est le fruit d'un concours organisé par une autre auteure,
Lhattie Haniel, qui avait pour vocation et ambition de soutenir le monde de l'auto-édition en mettant en lumière des talents, des premières oeuvres, des histoires qui parcourent tous les genre de littérature, des auteures confirmés ou en voie de l'être, tout reste possible et reste à découvrir ...
Je vous invite aujourd'hui à faire la connaissance de
Dalila Heuse, déjà auteure d'une première oeuvre qui a atteint une certaine notoriété avec
La Pudeur des sentiments (édité chez Fayard / Mazarine).
Si la quatrième couverture amorce les grandes thématiques qui vont être abordées à travers l'histoire, il n'en reste pas moins qu'une fois de plus, ce fut une lecture qui m'a fait passer par toutes les émotions possibles, de la colère dans la cruauté du mal exprimée par l'homme dans une période empreinte d'innommable, des destins chamboulés à tous les niveaux, des territoires inconnus foulés qui glacent d'effroi, l'idéologie extrême pour appuyer la propagande et la manipulation des masses, la plume de l'écrivaine excelle à retranscrire cette atmosphère si lourde et chargée de rancoeur, de culpabilité, de honte pour comprendre la psychologie des personnages, dans cette zone de l'enfer qui les a emportés dans un tourbillon incontrôlable,
Une vie un Destin fait parti de ces romans essentiels pour ne pas oublier, pour rendre hommage à toutes ces victimes, à tous les survivants qui ont dû continuer à lutter contre leurs démons intérieurs dans une nouvelle vie, un nouveau destin.
"Ceux qui ne connaissent pas leur histoire s'exposent à ce qu'elle recommence… " (
Elie Wiesel)
Ce n'est pas le premier livre qui prend pour point d'ancrage cette thématique du poids du passé et des souvenirs, l'une des forces du livre est d'avoir réussi à concilier réalisme dans la description des scènes éprouvantes avec la pudeur qui caractérise la plume de l'auteure, le travail de recherche et de documentation au bénéfice de la progression d'une trame qui se voudra juste d'une exceptionnelle empathie à l'égard de ses personnages, cette limite qui sépare les vivants et les morts, la puissance décuplée quand il s'agit d'évoquer la barbarie humaine à son apogée avec un pan méconnu de cette période, l'horreur, l'indicible qui verra pourtant naître l'extraordinaire destinée de personnes, une fiction qui s'inspire de témoignages réels, quand il ne reste plus rien à espérer, à croire en un avenir des plus incertains, la solitude des humains se tourne alors vers la seule issue restante, la renaissance, la transmission, le devoir de rester debout pour donner l'exemple, pour entrevoir encore et toujours des solutions, des espérances de lendemains meilleurs, d'un monde plus gai et plus humain, le prix à payer pour éviter de nouvelles turbulences, de reproduire les mêmes erreurs du passé.
Un roman qui peut se décliner à plusieurs niveaux de lecture, du point de vue des différentes narrations à la troisième personne, une quête identitaire pour remonter aux origines de la famille, pour trouver l'angle qui donnera une construction imparable, inéluctable pour saisir l'instant, l'émotion qui vous chamboulera à la simple évocation d'un regard, de ces silences qui traduisent tout le désarroi et l'impuissance à tourner la page, à subir encore des outrages au-delà des frontières, au-delà des océans, à jamais il y aura eu un avant et un après, la résistance sur tous les fronts, d'ordre physique, mentale mais aussi dans ce déni qui achève l'état de résilience dans lequel l'un des personnages se trouvera malgré elle plongée dans les profondeurs de l'esprit, les cris de détresse morale qui déchire
la nuit, les larmes retenues pour préserver un secret de famille dans les affres d'une vie déchirée à jamais et qui le conduira à trouver de la force chez les autres, une fiction qui a valeur de document précieux et inestimable pour continuer ce devoir de mémoire essentiel aujourd'hui et surtout demain.
La musique du coeur ...
L'alternance du présent et du passé fonctionne à merveille ici, dans l'espace et dans le temps, rien ne vient entraver la longue route vers la quête de la vérité, la rencontre inespérée et salvatrice succède des fulgurances de sentiments généreux, le hasard fait souvent bien les choses, l'action bienveillante pour donner du coeur à l'ouvrage, une histoire qui évite le mélo ou des raccourcis de facilité pour se polariser sur le chemin de vie, le bonheur éphémère et divisé, trouver des ressources pour se libérer des entrailles de l'enfer, pour expier ses fautes, pour pardonner, pour accepter certaines révélations aussi douloureuses soient-elles, ce poids de toutes les douleurs qui affaissent chaque jour un peu plus les épaules de ses protagonistes, l'écho des bottes qui martèlent les synapses, ces évènements tragiques et irréparables dans les strates d'un passé lointain et encore si vivace dans le coeur,
Dalila Heuse sait l'exprimer avec un phrasé tellement pénétrant par la force des mots, par son regard épris d'humanisme, de délicatesse, la quête de la liberté pourrait trouver une belle définition à travers cette touchante et percutante histoire, une très belle découverte qui me pousse déjà à m'intéresser à son premier roman,
La Pudeur des sentiments.
Une remarque importante à signaler et pour comprendre la répétition d'expressions dans le livre, pour appuyer cette impression léthargique comme dans un cauchemar sans fin, dans cette espace clos et irrespirable respirant l'ignoble, l'inhumain et baignant dans un nuage noir opaque et de la nuance de la couleur la plus sombre qui soit, comment trouver l'énergie, les mots pour interpréter à défaut de l'accepter, sinon des souvenirs heureux des fêtes d'antan ? des semblants de prismes de vie, d'images ou clichés qui perduraient encore dans la mémoire collective, dans la lueur des ténèbres, un mirage surgira peut-être pour apporter une infime illusion, un embryon de rêve ...
Cette difficulté de décrire les atrocités sans nom, des crimes contre l'humanité, dans une lutte permanente pour rester en vie, pour s'accrocher à des filaments d'espoir qui s'effilochaient un peu plus chaque jour, concentration de bulles éphémères pour le pire du mal, répondre de ses actes pour les justifier et produire un électrochoc, cette banalité du mal à l'état pur vous donnera le vertige pour saisir tout l'enjeu, tout le poids de la déchéance éternelle et inénarrable de cette période.
"Un être humain est libre, non quand l'autre ne l'est pas, mais quand l'autre l'est aussi" (
Elie Wiesel)
Le miracle de cette lecture, c'est dans la vision de l'auteure à ne pas céder aux clichés que l'histoire aurait pu tendre ou inverser les rôles par complaisance juste pour apporter des justifications pompeuses ou hors propos, les changements de rythme, les rebondissement surgiront de manière intelligente afin de ne pas gâcher l'effet de l'instant, cette perception du réel à donner à l'histoire toute la sensibilité, la candeur de ses personnages par opposition à la violence soutenue et imprégnante, indispensable pour capter et ressentir toute la souffrance et la solitude des êtres, dans ce temps suspendu au fil de la vie, l'horloge qui s'arrête de fonctionner, les chiens qui hurlent à la mort, l'ambiance étouffante et hostile, je confirme que c'est une fiction mais pas que, un roman indispensable et dans l'air du temps, il suscite des questionnements et des réflexions pertinentes, il pourrait être un excellent roman pour animer des débats, jusqu'où le mal pourrait atteindre chacun de nous voire déteindre sur nos vies ? Quelles sont les limites acceptables ou pas pour justifier d'en tenir les propos et les mettre à exécution au détriment des valeurs humaines les plus élémentaires et fondamentales ?
La couverture est issue de la deuxième version du livre, le titre de la première version était intitulé "Je voudrais leur dire" avec une image tout aussi parlante et suggestive au vu de la présentation ou de la quatrième couverture, cette nouvelle mouture pourrait s'interpréter de toutes les manières et j'avoue avoir une nette préférence pour cette personne baissant la tête et portant tout le poids d'une vie dans une valise, le poids de tous ses souvenirs, le poids de son destin en marche ...
Je vous invite grandement à découvrir et à lire Un Jour, un Destin de
Dalila Heuse qui vous prendra aux tripes et au coeur, comme ce fut le cas dans ma lecture et de façon croissante et jusque dans les dernières lignes. Une lecture émouvante, âpre mais indispensable !
Une Vie, un Destin de
Dalila Heuse est une histoire bouleversante, à méditer, à lire, à partager !!!
Coup de coeur mérité❤️