Venea di tempul diez
Traduction & notes : Dominique Ilea
ISBN : 9782846792110
Ce livre a été lu dans le cadre de l'opération Masse Critique de Babelio. Nous remercions donc Babelio et les Editions Ginkgo.
Si vous le voulez bien, nous commencerons par le potentiel du livre car oui, il existe bel et bien même s'il ne palpite (faiblement) qu'à l'horizon de ceux qui sont parvenus à ne pas tomber en léthargie avant la troisième ou quatrième page du livre.
En dépit de quelques lourdeurs dans la traduction - voulues ou pas, là n'est pas le propos : c'est lourd, on n'y peut rien mais on ne va pas reprendre ici le débat sur les traductions actuelles - "
Venu du Temps Dièse" est écrit dans une langue à la poésie incontestable. Les envolées sont belles, plaisantes et parfois incantatoires. Si l'on tient compte du fait que l'auteur est plutôt branché sciences et maths, le fait mérite d'être souligné.
Il y a aussi de l'humour, des personnages absolument indescriptibles, voire hors-limites et complètement déjantés, une intrigue qui se veut en prise avec
L Histoire récente de la Roumanie - vous vous branchez immédiatement après l'exécution de Nicolae et Elena, le couple infernal stalinien, et vous continuez jusqu'à aujourd'hui - en d'autres termes une espèce de monde parallèle où la Roumanie serait en proie aux sectes, religieuses et laïques, de tous poils, bref un magnifique foutoir (désolée, mais je n'ai pas trouvé d'autre terme) et puis ... c'est tout.
Parce que, Suceavă a beau mélanger allègrement tout ça, la sauce ne prend pas.
Plus exactement, elle n'a pas pris dans mon cas. Oui, je sais, je suis une Lectrice très difficile et, de ce fait, peut-être suis-je passée à côté de quelque chose. Que je découvrirai peut-être encore un autre jour, en une autre année, à une autre époque ... - venue du temps dièse, qui sait ?
Mais dans l'immédiat :
1) j'ai eu énormément de mal à ne pas m'endormir avant que l'auteur ne "lance" enfin son action ;
2) et j'ai eu encore plus de difficultés à comprendre où il voulait en venir avec ce qui reste pour moi une farce grandiloquente aux péripéties si inégales qu'on se demande parfois si elle n'a pas été écrite par quelque potache certes prometteur mais nettement attardé dans un monde qui n'amuse que lui.
D'ailleurs, le livre clos, je ne sais toujours pas où Suceavă en est arrivé. En outre, vu le nombre de notes en bas de pages - et pourtant, les notes en bas de page, j'aime bien en général - j'ai eu (trop) souvent l'impression que le lecteur qui ignore l'Histoire de la Roumanie était condamné à passer à côté de "private jokes" entre l'auteur roumain et son public roumain. C'est très, très désagréable, je puis vous l'assurer.
L'intrigue, qu'elle raille ou non avec férocité les dérives du mysticisme (chrétien orthodoxe en l'espèce) relève tout entière du chaos - probablement celui qui sévit ou sévirait en Roumanie de nos jours. On croit en avoir saisi un morceau qu'on doit tout lâcher pour le morceau qui vient et qui ne correspond en rien au premier : on dirait un puzzle tronqué. Quant aux personnages, ils donnent une impression de démence absolue - ce qui, j'insiste, est rarement rédhibitoire à mes yeux : tous les personnages d'"Alice ..." sont fous, ils ne sont guère plus sensés mais ils sont assurément plus diaboliques chez "Le Maître & Marguerite", on ne compte plus les personnages des "Détectives Sauvages" qui ont un grain prononcé et si vous prenez la peine d'y réfléchir deux secondes, Leopold Bloom et Stephen Daedalus ne sont pas non plus très clairs, mais ceux-là ne me causent pas problème, allez savoir pourquoi . Alors que ceux "venus du temps dièse ..."
A la vérité, je crois bien avoir compris pourquoi ils ne me touchent pas : je n'ai pas cru à leur sincérité et leur côté absurde, auquel j'aurais pu être si sensible, m'a laissée complètement froide.. Que voulez-vous, déjantés ou pas, les personnages imaginés par l'auteur roumain manquent de relief : ces champions du monologue toutes catégories - c'est ce qu'ils sont pour la plupart et il faut avouer que c'est parfois (souvent ? ) éreintant pour qui les déchiffre - sont creux, creux, creux. Si l'on retient le nom de Vespasien Moïse, ce n'est pas en raison du charisme littéraire de l'individu, encore moins christique, c'est tout simplement parce qu'un nom pareil, ça ne s'oublie pas.
Du coup, toute cette folie mise en pages sonne creux - désespérément creux et vain. Elle devient ce que la folie ne devrait jamais être, surtout dans un roman : banale. (Inutile d'évoquer
Bukowski : si vous trouvez ordinaire la folie de ses "Contes", eh ! bien, c'est que vous n'avez rien compris ni à
Bukowski, ni à la folie.)
Un dernier mot sur "
Venu du Temps Dièse" : je viens de réaliser qu'il avait reçu le Prix des Libraires. Comme "
Seul le Silence" d'
Ellory en son temps - là encore critique très, très négative de ma part. Décidément, ce Prix des Libraires ne me réussit pas. Heureusement que je ne suis qu'une humble lectrice - et pas un libraire, n'est-ce pas ? ;o)