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568 pages
E. DENTU, ÉDITEUR (04/09/1875)
4/5   1 notes
Résumé :
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Que lire après Aventures de Michel Hartmann, Tome 2 : Le Chien NoirVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La composition de ce deuxième tome, qui ne fut pas censuré ni saisi, aide à comprendre aujourd'hui pourquoi le premier tome, « Les Marquards », fut l'objet d'un pilonnage. En effet, ici, dans « le Chien Noir », la guerre en elle-même et l'armée française disparaissent totalement. Elles sont loin, on les devine cernant l'Alsace, mais on ne les verra pas directement et, à l'image des maquisards alsaciens, on en saura quasiment rien. C'était donc bel et bien le contexte littéraire de reconstitution de la guerre franco-prussienne qui posait alors problème au comité de censure, sans doute pour ne pas remuer de trop noirs souvenirs, des rancoeurs ou des amertumes.
Toujours est-il que si Gustave Aimard prend acte de la nécessité à éviter les sujets qui fâchent, il se retrouve très probablement dépossédé du roman qu'il voulait réellement faire, et donc un peu perdu. Son intrigue d'espionnage tombe à l'eau, sa volonté d'expliquer la victoire des Prussiens par un habile réseau d'espions corrompus et pervertis se trouve contrariée, et il en est réduit à se replier sur le groupe des francs-tireurs, lesquels parcourent les vallées et les bois touffus d'une Alsace enténébrée et comme sous une influence maléfique.
D'où la progressive transformation de ces « Aventures de Michel Hartmann », déjà entamée dans le précédent tome, en un western alsacien déconnecté de tout contexte historique, où les francs-tireurs forment, petit à petit, une escouade aveugle en marche, et bientôt, une sorte de village mobile de quakers nationalistes armés, avec femmes et enfants, traqués sans cesse par l'armée prussienne, que néanmoins de courageux francs-tireurs assaillent pratiquement chaque nuit, décimant ainsi chaque jour un peu plus le nombre de leurs poursuivants, et rééquilibrant ainsi les forces. La France est peut-être vaincue, mais d'irréductibles gaulois résistent encore et toujours à l'envahisseur. Refrain connu, et qui sera encore plus seriné soixante-dix ans plus tard pendant l'Occupation allemande.
Contre toute attente, Michel Hartmann, s'il devient le commandant plus ou moins officiel de cette armée résistante, n'est que modérément le héros de ses propres aventures : les personnages sont multiples, et le roman est en grande partie composé de dialogues tournant autour de la stratégie militaire, du jugement des traîtres ou de la métaphysique liée à la situation désespérée de ces résistants qui ne savent pas véritablement où en sont les combats.
le Loup-Garou occupe de plus en plus la place centrale de ce récit. le vieux contrebandier est véritablement le totem du clan des marquards. Il n'est question que de lui quand il est là, et quand il est en mission, chacun se demande ardemment où il peut être. Angoisse fort superflue : rien n'arrive jamais au Loup-Garou, qui se révèle en plus le meilleur espion et le meilleur pisteur des forces ennemies. Bien qu'au service de la communauté, le Loup-Garou reste le braconnier solitaire qu'il a toujours été, connaissant comme sa poche toute la campagne alsacienne, rompu à l'art de voir sans être vu. Il est l'oeil du clan des Marquards, le marginal discret et silencieux, dont néanmoins chacun veut consulter l'opinion. Cette figure paternelle et rassurante incarne d'ailleurs plus ou moins l'auteur, tant la description physique qui est donnée de lui est assez semblable à l'aspect qu'avait Gustave Aimard lui-même.
Un nouveau personnage fait son apparition : Otto de Walckfield, courageux bretteur, "mousquetaire" anachronique échappé d'un roman d'Alexandre Dumas, qui se décrit d'abord comme polonais, avant de laisser entendre qu'il est français et porte un nom d'emprunt. Pourquoi ? On ne sait pas, d'autant plus que l'on apprend qu'il vivait en Prusse et qu'il était un amoureux non déclaré d'Anna Nievers. Mais que faisait-il en Prusse sous un nom polonais ? On ne l'apprendra pas, on saura juste que sa véritable identité est le comte de Franck-Alleu (?), mais sa bravoure et son dévouement envers la cause française est totale. Il entre d'ailleurs en scène en provoquant en duel le comte Frédérick de Stanbow, l'espion-en-chef et le "méchant" de ce récit, et en le tuant une première fois.
Car oui, l'une des particularités du comte de Stanbow, c'est qu'il ressuscite, à chaque fois dans une forme resplendissante, parce que Gustave Aimard s'est rendu compte qu'il avait encore besoin de ce personnage. Ainsi après avoir eu le corps traversé de part en part par Otto de Walckfield, Stanbow se remettra comme un charme de ce coup d'épée, grâce aux bons soins d'un anabaptiste présent sur les lieux. Cet anabaptiste sera d'ailleurs remercié de ses bons soins en voyant son village envahi par les Allemands, lesquels après avoir dénudé et violé les femmes, fusillent toute la population lors d'un chapitre d'une extrême violence, qu'on pourrait juger gratuite si elle n'évoquait, de manière incroyablement prémonitoire, le massacre d'Ouradour-sur-Glane qui aura lieu 70 ans plus tard.
À quelques kilomètres de cette tragédie, les marquards sont guidés par le Loup-Garou jusqu'à un lieu extraordinaire, assurément la meilleure trouvaille de Gustave Aimard. Il s'agit du Chêne du Haut-Baron, l'un de ces grands arbres qui servaient à pendre les brigands. Celui-ci se trouve tout en haut d'une petite colline, elle-même étrangement au bord d'un ravin. Mais la colline a en fait été creusée. Par un buisson truqué, on peut pénétrer dans un véritable village souterrain situé dans les sous-sols de la colline, parfaitement organisé, où Michel Hartmann rejoint sa famille ainsi que sa fiancée, qui y avaient été mises à l'abri par l'habile Loup-Garou. La longue description de ce village souterrain, où les maquisards peuvent enfin prendre un peu de repos, plonge soudainement le lecteur dans une ambiance véritablement à la Tolkien. Déjà, dans cette Alsace presque assombrie par un mur de ténèbres germaniques, on ne pouvait s'empêcher de penser au « Seigneur des Anneaux », d'autant plus que le roman de Tolkien, écrit presque un siècle plus tard, narre aussi la résistance désespérée à une invasion. Il est peu probable que Tolkien ait lu ces romans de Gustave Aimard, qui n'ont pas été traduits en anglais, mais la similitude sur de nombreux points entre la célèbre trilogie de Tolkien et le diptyque de Gustave Aimard, y compris dans l'intrigue, dans la psychologie des personnages et même dans la pesanteur stylistique, est extrêmement troublante. Sans doute que la narration d'une révolte de quelques uns contre l'invasion d'une multitude passe forcément par une forme narrative assez semblable.
Bien à l'abri dans leur niche secrète, les marquards en profitent pour lancer le plan parfait d'un double enlèvement, celui de l'espion juif Timoléon Jeyer, dont il sera dit, redit et ressassé que sa vilénie ne repose que sur le rapport maladif de sa "race" envers l'argent, et celui du comte de Stanbow, dont on se souvient qu'il s'est emparé de nombreux titres boursiers appartenant à la famille Hartmann, du temps où il travaillait pour eux sous le nom de Ladislas de Poblesko.
Ce passage est aussi fort intéressant, car c'est véritablement le récit moderne et précis d'un enlèvement soigneusement planifié, suivi d'un interrogatoire habile pour faire avouer à Stanbow où il cache les titres volés (à savoir dans un compartiment secret de son étui à cigarettes).
Contre toute attente, les deux hommes ne sont pas exécutés par les marquards, qui ont des scrupules à s'attaquer à des prisonniers désarmés. Les deux prussiens sont donc ramenés, les yeux bandés, jusqu'à l'endroit où on les avait enlevés. Avant cette mésaventure, Frédérick de Stanbow avait un peu oublié les Hartmann, y compris Charlotte Walker, la fiancée de Michel dont il était tant épris. Cette humiliation le pousse à concentrer toute l'armée allemande disponible pour retrouver la cache secrète des Marquards, et pour y enlever Charlotte.
Néanmoins, les marquards vont devoir quitter leur refuge souterrain à cause de la trahison de l'un d'entre eux, - car il y a toujours des traîtres partout -, et décident donc, avant d'être à cours de vivres, de descendre sur Belfort où les Prussiens ne se trouvent pas encore. Ils sont bientôt rejoints par un certain Dessau, venus renforcer leurs rangs. Un homme courageux et déterminé, qui fait la quasi-unanimité des marquards, sauf celle de Michel Hartmann et du Loup-Garou, qui se méfient du personnage. Ce sont eux qui ont raison, car Dessau n'est autre que le comte de Stanbow habilement déguisé – sacrément habilement même pour ne pas être un seul instant reconnu par ses ravisseurs. Sa mission néanmoins ne relève que de l'espionnage, car il a son plan. Sur le chemin vers Belfort, il y a un petit village minier abandonné, Auxelles-le-Haut, qu'il a investi avec ses troupes, lesquelles se sont déguisées en villageois. Lentement, il amène les marquards à prendre cette direction, puis alors que Michel Hartmann et le Loup-Garou s'absentent, il enlève, avec quelques complices, les familles Hartmann et Walker toutes entières, qu'il fait conduire à Auxelles.
Anéantis par cette trahison – car, répétons-le, il y a des traîtres partout ! -, les marquards hésitent à se présenter à Auxelles, car la comtesse de Valréal – Anna Sievers – ayant eu un ultime tête à tête avec Stanbow avant qu'il intègre les marquards sous un déguisement, est venue en calèche avertir Michel Hartmann du danger qui attendait les marquards à Auxelles. Elle réchappa de peu, d'ailleurs, à une tentative d'assassinat par Timoléon Jeyer, dont on se demande encore ce qu'il faisait là. En tout cas, aussitôt attrapé, aussitôt pendu, et voilà pour lui.
le Loup-Garou a alors une idée de génie : lui et Otto se déguisent en officiers prussiens, et rien ne sera dit sur la manière dont il s'est procuré ses uniformes. Après tout, un braconnier est plein de ressources, même en temps de guerre.
Se présentant comme tels, ils obtiennent la permission, auprès de Stanbow, de faire venir des troupes fraîches pour arrêter les marquards. En réalité, bien entendu, ces troupes fraîches ne sont autres que les marquards eux-mêmes, déguisés en soldats prussiens (Et d'où viennent tous ces uniformes prussiens ? Mais arrêtez donc de poser des questions pareilles !). Tout cela dégénère en bagarre générale, au cours de laquelle tous les soldats prussiens déguisés en villageois sont tués par les maquisards français déguisés en soldats prussiens (vous suivez ?). Quant à Frédérick de Stanbow, dans un geste désespéré, il tente d'abattre la famille Hartmann recluse au deuxième étage d'une maison, mais le chien Tom lui saute à la gorge, et Otto de Walckfield en profite pour une nouvelle fois enfoncer son épée dans la poitrine du comte de Stanbow. le Loup-Garou se saisit du cadavre de l'espion et le jette dans la rue.
Dix-huit mois plus tard, Frédérick de Stanbow, toujours vivant et en pleine forme – et on ne saura pas comment – se présente à un cercle de noblesse bavarois, pour demander des explications quant à une lettre de radiation qu'il vient de recevoir. C'est que ce cercle de noblesse s'est enrichi récemment d'un couple de jeunes mariés : Otto de Walckfield et Anna Sievers, ayant fui ensemble la France afin de retrouver une vie paisible en terre monarchique, en compagnie de la fillette du comte de Stanbow et du fils du Loup-Garou, que ce dernier leur a prêté afin qu'il ait un peu d'éducation.
le comte et la comtesse de Walckfield (c'était pourtant un faux nom, mais laissons tomber...) ont révélé le passé d'espion de Frédérick de Stanbow, et si l'aristocratie bavaroise fut une alliée diplomatique de la Prusse dans la guerre qui l'opposa à la France, elle ne saurait tolérer qu'un de ses membres se ravale au rang de la bête en se livrant à de l'espionnage. Par conséquent, le comte de Stanbow est renvoyé du cercle de noblesse bavarois auquel il appartenait pour indignité patricienne.
Pour Stanbow, l'humiliation est trop forte : se prendre deux fois une épée à travers le corps passe encore, mais se faire éjecter d'un cercle de noblesse bavarois, c'est bien trop de douleur. Il s'isole dans un salon particulier, et se tire une balle dans la tête. Contre toute attente, il reste mort, et le roman s'achève sur ce final inattendu.
Malgré toutes ces incohérences, ces bizarreries et ces invraisemblances, « le Chien Noir », roman où il n'est jamais d'ailleurs question de chien noir, se révèle un deuxième tome d'une grande richesse, et absolument passionnant, qui parvient à la fois à poursuivre et à faire évoluer les intrigues et les personnages du premier tome, « Les Marquards », même si on sent que la censure a amené Gustave Aimard à revoir considérablement ses plans, ce qui explique peut-être les multiples résurrections du comte de Stanbow.
Si on ne saurait prendre ces « Aventures de Michel Hartmann » comme un témoignage sérieux et fiable sur la guerre franco-prussienne en Alsace, c'est en tout cas un roman insolite et fascinant, à la fois par la simplicité de son intrigue, la complexité de sa narration, la multiplicité de ses personnages et surtout l'alternance étrange entre bavardages philosophiques, terrorisme brutal, prémisses de dark-fantasy et ambiance contemplative de western-spaghetti. de facture très moderne, mais brassant des idées revanchardes, malsaines et désuètes, ces « Aventures de Michel Hartmann » feront certainement le bonheur des plus blasés des amateurs de romans historiques.
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