J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman policier historique, plein de rebondissements, de rythme, d'humour et de petites allusions discrètes à d'autres romans littéraires ou populaires. C'est mon premier Akounine et j'y reviendrai !
J'ai appris que l'auteur est d'origine géorgienne et qu'il s'appelle en réalité Grigori Chalvovitch Tchkhartichvili. Il est d'abord un intellectuel russe pur jus : historien de la littérature, directeur d'une revue littéraire moscovite prestigieuse spécialisée dans la littérature étrangère, essayiste et traducteur d'anglais et de japonais. En 1997, il s'est attelé à un ouvrage d'envergure et passablement déprimant : « l'Ecrivain et le suicide », de l'Antiquité à nos jours. Pour décompresser mais sans doute aussi par défi, à 42 ans, en 45 jours, il écrit
Azazel son premier roman policier historique. Il prend alors pour pseudonyme
Boris Akounine en référence à l'anarchiste russe Bakounine mais aussi au terme japonais "akunin" qui signifie « bandit ou mauvais garçon ».
Azazel est le premier volume d'un feuilleton en quatorze épisodes qui connaitra un immense succès. D'autres séries suivront en parallèle de ses recherches historiques.
Résumé : le 13 mai 1876, à Moscou, dans le jardin Alexandre, Piotr Kokorine, étudiant en droit s'approche d'une jeune fille assise sur un banc en compagnie de son chaperon allemand. Après avoir vanté sa beauté et quémandé un baiser, il sort un revolver, fait tourner le barillet, appuie le canon sur sa tempe, tire et s'écroule mort. Ce suicide extravagant intrigue le commissaire principal Grouchine qui confie l'affaire à un nouveau venu dans son service, le très jeune fonctionnaire de quatorzième classe, Eraste Pétrovitch Fandorine. Bientôt Fandorine découvre que la victime, un nihiliste, s'est suicidé à la suite d'un défi avec Nikolaï Akhtyrtsev, un autre étudiant, qui l'a provoqué à la "roulette américaine". Sans famille, Kokorine lègue par testament son immense fortune à Lady Margaret Esther, un sujet britannique qui vient de créer à Moscou le premier "esthernat", un établissement qui recueille et élève de jeunes orphelins. Lors d'une soirée privée organisée chez l'ancienne maîtresse de Kokorine, le policier retrouve Akhtyrtsev. Il sympathise avec lui et recueille ses confidences mais lorsqu'ils sortent dans la rue, un inconnu les poignarde en prononçant ce mot énigmatique "
Azazel"…
Akounine a choisi le XIXe siècle car en nostalgique de la grande littérature russe, il avait envie de jouer avec les différents styles littéraires de ce siècle. A côté de l'intrigue policière haletante et rocambolesque qui évoque la littérature populaire de cette époque, il s'est amusé à faire des pastiches littéraires. Par exemple l'incipit pastiche celui du Maître et Marguerite et
Azazel fait référence à
Azazello, un démon de l'entourage de Woland dans le roman de
Boulgakov. Beaucoup de personnages principaux et secondaires rappellent des personnages d'autres romans.
Eraste Pétrovitch Fandorine le héros est né en 1856 dans un famille de la noblesse mais le père s'est ruiné en jouant. Fandorine est un jeune homme cultivé, polyglotte et coquet. Il s'est acheté un corset «
Lord Byron » pour avoir un maintien de dandy qui va bien lui rendre service. Il rougit pour un rien et se laisse manoeuvrer très facilement. Il a du coeur, le sens de l'honneur et beaucoup d'intuition. Akounine a déclaré qu'il avait fait une liste de ses personnages littéraires préférés pour créer ce personnage : le prince Bolkonsky dans Guerre et paix; il a pris quelques traits de Petchorine, dans Un héros de notre temps de Lermontov ; un peu du prince Mychkine dans
L'idiot de
Dostoïevski ; un peu aussi du prince Florizel dans
le club du suicide de
Stevenson. A cela, il a ajouté une pincée de
Sherlock Holmes et un peu de l'agent Cooper de Twin Peaks. On peut repérer également au fil du texte beaucoup d' emprunts à James Bond de
Ian Fleming.
Bref on ne s'ennuie pas !