Quand les racines est un roman d'anticipation écrit à la fin des années 70 par
Lino Aldani. Ce dernier alors qu'il venait de quitter la ville afin de s'installer non loin des rives du Pô avec pour objectif de devenir cultivateur et non plus professeur, se remit alors à écrire.
Quand les racines est le fruit d'un long travail de l'auteur, qui abandonna et reprit le projet à plusieurs occasions, dont la toute première publication date de 1976.
Ce livre raconte la vie d'Arno, un jeune homme dégouté par la société Italienne moderne, celle qu'imaginait l'auteur pour la fin des années 90 et le début 2000. Les campagnes s'y meurent, tout est fait pour les citadins : les humains s'amoncellent dans les mégalopoles, la pollution fait rage, la nourriture est industrielle, les métiers sont vides de sens, les drogues légalisées afin d'offrir une soupape de sécurité aux individus, la morale s'effondre, l'État surveille et organise tout, l'énergie est rationnée pour la plèbe, les clubs de rencontres anonymisés fleurissent, et plus les problèmes grandissent plus la modernité s'étale pour mieux vider les campagnes de leur substance. La vie à l'ancienne est en voie d'extinction, tout comme les animaux sauvages et les sols non pollués.
Arno ne supporte plus la vie qu'il mène, il rêve de partir vivre sa vie dans une des rares localités rurales ayant survécu où il avait passé une partie de son enfance. Là-bas une douzaine d'anciens continuent d'exister, sans électricité, sans eau courante. La première pharmacie est à 40 kilomètres du patelin. Ici on cultive, on élève, on répare, on bâtit, on partage.
Arno espère donc revenir sur ses pas, si possible avec une compagne, et s'installer non loin du Pô : adieu monde moderne, bonjour la Vie.
Cependant celle qui l'accompagne ne reste pas, ne revient pas : les bouseux la mettent mal à l'aise, la nourriture non traitée ou pasteurisée lui fait peur, et que dire de ces masures où l'on s'éclaire encore à la bougie ou au coin du feu ?
Arno, en dépit des pressions du système moderne qui fait tout pour le dissuader de partir définitivement, choisit quant à lui de rester.
Quand les racines nous raconte cette belle histoire.
Lino Aldini écrit avec style : ses descriptions sont sobres mais claires et cohérentes, il sait insuffler du rythme à son histoire, et les émotions des différents protagonistes sont intensément retranscrites. Les personnages sont détaillés, cohérents, crédibles, assez profonds. L'écrivain italien joue également avec les atmosphères et les styles. L'environnement urbain et le monde campagnard sont décrits de manières radicalement différentes, tout à fait représentatives des valeurs qu'Aldani désire leur attribuer.
Le schisme qu'il a imaginé entre modernité et tradition est finalement très représentatif de ce que nous vivons aujourd'hui, la civilisation moderne et ses travers (industrialisation de masse, coupure avec le vivant, complexification de tout, abrutissement des masses, perversion, nihilisme, marketing, pollution, etc) y est imaginée de manière extrême mais pourtant fort crédible. D'autant plus crédible que le spectacle qui nous est donné en 2023 tend à s'en rapprocher de plus en plus.
La vie dans les vieilles maisons familiales, avec petite cour intérieure, cage à poules ou à lapins, ustensiles en tous genres, bacs à eau, puits , où les habitants restent solidaires et unis nonobstant leurs désaccords, où le quotidien est rythmé par le cycle naturel de la vie (une vie rude certes, mais une vie concrète et simple), se meurt tant au coeur de
Quand les racines que dans notre entourage actuel.
Lino Aldini nous a offert un chouette roman d'anticipation, pour son époque, qui devient aujourd'hui une sorte de dernière piqûre de rappel : si nous ne nous réveillons pas nous risquons de passer à côté de quelque chose de magnifique, et de laisser la modernité détruire ce qui fait l'homme dans son environnement naturel pour on ne sait quel prétexte (bénéfices, profits, sécurité ?).
Par ailleurs les nomades, ici les Gitans, ont un rôle non négligeable dans ce livre, mais je n'en dis pas plus, à vous de le découvrir si le coeur vous en dit.