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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je découvre Nina Allan avec The Dollmaker (Le Créateur de poupées en VF) et, au-delà de l'évidente qualité de la plume de son auteure et de l'inventivité des univers qu'elle y déploie, je suis époustouflée par la finesse et l'originalité de la structure de ce récit, par son audace également. Se plonger dans ce roman est une expérience étonnante, qui nécessite d'avoir constamment à l'esprit plusieurs niveaux de lecture.


Les éditions Tristram ont choisi pour titre le Créateur de poupées. Cette traduction, qui perd la neutralité de l'anglais – le terme dollmaker pouvant faire référence aussi bien à un homme qu'à une femme –, trop réductrice, laisse malheureusement de côté la créatrice de poupées et auteure d'origine polonaise autour de laquelle est construite l'histoire : Ewa Chaplin, et fait perdre au titre la richesse de son sens.


Le roman alterne entre des passages narratifs à la première personne écrits du point de vue d'Andrew Garvie, un créateur de poupées reconnu, les lettres lui ayant été envoyées par Bramber Winters, avec laquelle il a démarré une correspondance suite à une annonce postée par la jeune femme dans une revue spécialisée et visant à rassembler des informations sur Ewa Chaplin, et les contes cruels et uchroniques de cette dernière lus par Andrew au cours de son périple.


L'histoire commence par la décision d'Andrew d'aller rendre visite à Bramber à Westedge House, l'établissement où elle vit depuis de longues années, autant maison de repos qu'hôpital psychiatrique. le trajet depuis Londres est lent, touristique, fait de sauts de puce de petite ville en petite ville. Andrew qui, sur la base de ses seules lettres, est tombé amoureux de Bramber, est partagé entre son désir non seulement de la voir, mais aussi de la délivrer de ce lieu, et sa crainte d'être rejeté en raison de sa petite taille – le terme péjoratif dwarf (« nain ») revient à de multiples reprises dans le texte. le voyage d'Andrew est parsemé de récits d'épisodes de son passé, tout comme les lettres de Bramber évoquent à la fois son quotidien et les raisons qui l'ont conduite à Westedge House, ainsi que des épisodes de la vie d'Ewa Chaplin, dont elle voudrait rédiger une biographie, faisant écho à sa propre histoire.


Le choix de l'auteure de ne pas montrer les deux côtés de cette correspondance, de ne pas présenter au lecteur un dialogue, matérialise dans le texte le fossé qui sépare les personnages, ce que renforce encore le fait que les lettres de Bramber soient antérieures au récit du voyage d'Andrew. Chacun des personnages ne connaît de l'autre que l'image qu'il s'en est faite, et l'un des objets du texte va être pour eux de parvenir à combler ce fossé et à se découvrir mutuellement : leur rencontre physique, qui demeure jusqu'à la fin du roman incertaine, est l'objectif du voyage, ce vers quoi tend l'histoire.


Les contes cruels d'Ewa Chaplin, teintés d'étrangeté, distillant à petites touches ou plus franchement des univers relevant de la fantasy ou de la dystopie, s'ils pourraient être lus pour eux-mêmes en dehors du roman, servent ici le récit-cadre en le mettant en abyme. Comme si cela ne suffisait pas, les nouvelles de Chaplin comprennent elles-mêmes des récits enchâssés. L'auteure, en multipliant ainsi les mises en abyme, les effets d'échos, met en place des réseaux de sens qui interconnectent les différents niveaux de la narration.


Impossible de ne pas remarquer, à la lecture, ces détails issus du récit d'Andrew ou des lettres de Bramber : un geste, un objet, une situation, qui réapparaissent presque à l'identique quelques pages plus loin dans l'un des contes, clins d'oeil appuyés au lecteur brisant de façon audacieuse l'illusion référentielle et mettant en évidence l'artificialité du roman. Nina Allan agit ici à la manière d'un marionnettiste qui, non content de laisser visibles les fils de ses pantins, ferait tout pour les mettre en valeur. Aux parallèles entre récit-cadre et récits enchâssés facilement décelés par le lecteur, s'ajoutent ceux que ne peuvent voir que les personnages et qu'ils expliquent, intrigués par la façon dont les contes résonnent étrangement avec leur propre expérience. Andrew, perturbé par la manière dont les nouvelles de Chaplin évoquent de façon détournée des épisodes parfois douloureux de son existence, finit par s'interroger sur la possibilité qu'il soit en réalité lui-même un personnage.


Les contes produisent des effets d'attente vis-à-vis du récit-cadre dont ils constituent une série de reflets déformés. L'on en vient à tenter de déduire la suite des histoires d'Andrew et de Bramber à partir des nouvelles d'Ewa Chaplin. L'auteure utilise avec beaucoup de talent cette structure complexe. Les parallélismes entre les nouvelles et les vies des protagonistes, qui justifient dans le récit-cadre la narration de moments-clefs de leur passé, lui servent à faire découvrir un aspect et un épisode après l'autre ses personnages, qui gagnent ainsi graduellement en épaisseur. Elles permettent également à l'auteure de constamment susciter et déjouer les attentes de son lecteur, dans un roman dans lequel l'un des enjeux, pour Andrew et Bramber, va être précisément d'échapper à la destinée vers laquelle leur apparence ou leur passé semble inexorablement les pousser, afin de tracer leur propre voie.


Les symboles, les échos sont légion dans ces pages. J'imagine qu'une seconde lecture permettrait d'en déceler plus encore car il faut un temps d'adaptation pour saisir la manière dont le livre fonctionne. le plus évident est peut-être que les poupées d'Andrew, ses troll dolls, qu'il conçoit à partir de poupées anciennes en piteux état et qu'il élabore de façon, non pas tant à camoufler leurs défauts qu'à les mettre en valeur, fonctionnent comme des métaphores des protagonistes, que le récit met face à leur passé, à leurs cicatrices et qu'ils vont devoir accepter afin de se reconstruire et d'avancer.

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Le Créateur de poupées
Nina Allan
The Dollmaker, riverrun, 2019
Tr. de l'anglais par Bernard Sigaud
Tristram, 2021

Dans la continuité de l'oeuvre originale de son auteur, le roman le Créateur de poupées nous offre une architecture complexe, à tiroirs, à fenêtres, où des réalités parallèles se rejoignent et s'imbriquent comme un ruban de Möbius découpé à l'infini ou une construction de MC Escher.
Le témoignage du narrateur, Andrew Garvie, se trouve régulièrement entrecoupé par des lettres non datées ou des nouvelles traduites du polonais, histoires dans l'histoire qui se rattachent constamment au récit principal et tissent également des fils entre elles grâce à de multiples détails. le ton est donné dès le début : ce roman ne se revendique pas du domaine de l'imaginaire, qu'il dépasse d'assez loin, mais développe progressivement une atmosphère étrange, insolite.
Andrew est un homme harmonieusement constitué, mais petit : « cent quarante quatre centimètres ». Cela lui vaut dès l'école d'être traité de nain et autres charmantes épithètes. Cette caractéristique physique oriente sa vie, ainsi que deux événements marquants de sa jeunesse : sa rencontre avec sa première poupée, Marina Blue, et sa relation avec Wil qu'il considère comme son ami alors qu'en fait celui-ci se sert de lui comme d'une poupée sexuelle.
L'intérêt d'Andrew pour les poupées devient de plus en plus prégnant, au point qu'il commence à en fabriquer lui-même, d'abord en copiant des modèles de collection, puis en développant son propre style, notamment la série des troll dolls, réalisées à partir de pièces abîmées trouvées en brocante et restaurées tout en préservant leurs blessures. C'est l'un des fils rouges de ce roman : tous les personnages principaux sont « différents », nous apparaissant blessés, abîmés, d'une façon ou d'une autre et l'assumant plus ou moins bien : nain(e)s, culs-de-jatte, autistes musiciennes de génie, sans oublier un transgenre et d'autres personnages à orientations sexuelles variées, etc. Un vrai défilé de « phénomènes », comme on en trouvait jadis exhibés dans les foires. le regard que l'auteur porte sur eux est empreint d'humanisme et pour ainsi dire affectueux, reconnaissant leur forme de beauté.
Suite à une petite annonce trouvée dans une revue plangonophile, Ponchinella, Andrew se met à correspondre – exclusivement par lettres – avec Bramber Winters, elle aussi passionnée par les poupées de collection, notamment celles fabriquées par Ewa Chaplin, Polonaise émigrée, arrivée à Londres en même temps qu'éclate la Seconde Guerre mondiale, et par ailleurs auteur de fictions courtes. L'une des nouvelles de son ténébreux recueil Neuf contes de fées modernes évoque d'ailleurs un cirque abritant des freaks.
« J'avais toujours estimé que les exhibitions de phénomènes étaient malsaines, que c'était là exploiter des gens qui n'avaient pas d'autre moyen de gagner leur vie. Mais la fête foraine dans la nouvelle d'Ewa Chaplin fonctionnait comme une sorte de refuge, un sanctuaire pour des gens qui autrement auraient été rassemblés et exterminés par les nazis. »
Dans une autre nouvelle, l'une des protagonistes, borgne, est auteure de romans policiers. Dans une autre encore, un nain dandy et collectionneur tisse sa toile autour d'une étudiante dont il est amoureux. Cette nouvelle, « Amber Furness », réapparaîtra au cours de l'intrigue sous une forme scénarisée dans laquelle joueront des personnages secondaires.
Bien que ce projet n'ait pas l'air d'emballer Bramber lorsqu'il lui en parle, Andrew décide de lui rendre tout de même une visite surprise à Bodmin, en Cornouailles. Il subodore qu'elle y est pensionnaire dans un asile psychiatrique ou un établissement similaire, mais cette hypothèse ne le rebute aucunement. Persuadé d'être amoureux d'elle, il prémédite de la ramener avec lui à Londres.
L'écriture de Nina Allan, transcendée par la traduction affûtée de Bernard Sigaud, est fine et subtile à tel point qu'on ne sait parfois plus dans quelle partie de l'histoire on se trouve. Les récits enchâssés le sont aussi précisément que des pièces d'automates, le tout fonctionnant ensemble dans un mouvement d'horlogerie qu'on ne peut plus maîtriser dès lors qu'il est enclenché. le temps, son existence réelle ou supposée, est au coeur de tous les ouvrages de Nina Allan ainsi que sa fascination pour le miniaturisme, donnant à l'ensemble de son oeuvre une dimension quantique.
J'ai suivi le parcours littéraire de Nina Allan depuis l'admirable recueil de nouvelles Complications (pour lequel elle a reçu le Grand Prix de l'Imaginaire, ainsi que son traducteur, en 2014), et j'estime qu'après son roman La Fracture qui l'a propulsée au rang d'écrivaine reconnue (sélectionnée au Fémina et au Médicis, catégorie Étranger, en 2019), elle s'est encore surpassée avec le Créateur de poupées qui mériterait amplement d'être couronné par un de nos prestigieux prix littéraires. CB
Chronique parue dans Gandahar 29 en septembre 2021
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Travaillée par une densité surnaturelle, avec ses coutures devenant invisibles, la fable contemporaine extrême et tendre des préjugés délétères sous toutes leurs formes.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/08/19/note-de-lecture-le-createur-de-poupees-nina-allan/

Depuis « Complications » (2011), et de manière éclatante avec « La course » (2014) ou « La fracture » (2017), Nina Allan nous a désormais habitués à nous plonger avec bonheur dans ses déroutantes mécaniques horlogères, chaque fois sur des terrains différents, mêlant avec une grande habileté langagière les éléments très concrets d'une contemporanéité britannique aux éléments tout aussi réels de diverses contrées imaginaires empruntées à la science-fiction, au thriller d'anticipation ou à des genres littéraires encore moins directement identifiables. Avec « le créateur de poupées », publié en 2019 et traduit en août 2021 par Bernard Sigaud chez Tristram, elle pousse certainement un grand cran plus loin cette capacité presque magique à déjouer les attentes de la lectrice ou du lecteur, en inscrivant mine de rien la question de l'altérité, des préjugés et donc des attentes, justement, au centre de sa fable à tiroirs multiples.

En mobilisant avec une savante tendresse la figure du nain, tout d'abord, que ce soit dans le récit dit principal ou dans les nouvelles d'Ewa Chaplin qui entrelacent « le créateur de poupées », Nina Allan pose avec force un cadre dans lequel les réactions sociales, historiques et contemporaines, à la différence – même bien faiblement radicale – vont pouvoir nous être contées ou être exprimées directement sous nos yeux. En travaillant expressément dans le corps du texte les détails signifiants de la célèbre toile de Vélasquez, « Les ménines », ou le lied de Schubert intitulé « le nain », un sous-texte rampant se constitue, dans lequel nos propres réflexes rencontrent davantage qu'à l'occasion les préconceptions héritées pour laisser rôder en limite de perception (surgissant en pleine lumière, naturellement, lorsque l'un des personnages, aux divers niveaux de récit, y fera directement allusion) un univers de fêtes foraines et d'exhibitions qui lorgnent du côté du Maurice Richardson des « Exploits d'Engelbrecht », du Claro de « CosmoZ », voire de la Katherine Dunn de « Amour monstre » ou du Jean-Luc André d'Asciano de « Souviens-toi des monstres » : « Ewa Chaplin a écrit une histoire sur une fête foraine ambulante. Les exhibitions de phénomènes et les fêtes foraines étaient très populaires en Europe de l'Est ».

En inscrivant l'ensemble du récit sous le motif de la collection de poupées et de leur création, ensuite, Nina Allan a non seulement réalisé le formidable exercice d'imagination d'extrapoler un univers entier de passionnés encore plus touffu et documenté que celui de la véritable plangonophilie (on se souviendra avec émotion du travail d'Antoine Bello, dans « Éloge de la pièce manquante », pour donner chair littéraire à l'univers du puzzle de vitesse et de la haute compétition qui s'y rattachait), mais a surtout orchestré un bain diabolique dans lequel, à côté du complexe et tenace préjugé « officiel », mentionné ab initio, vis-à-vis des amatrices et amateurs de poupées (lorsqu'il ne s'agit plus d'enfance et de jouets), nagent entre deux eaux divers éléments bien présents pour la lectrice ou le lecteur, fût-ce à leur esprit défendant : sans aller nécessairement jusqu'à la série « Chucky » de films d'horreur, et une fois désamorcée la tentation un peu plus lénifiante de Carlo Collodi avec son Pinocchio et son Gepetto, on sent largement planer les ombres inquiétantes, derrière les frères Grimm, d'Angela Carter (et sans doute plus encore de son « Magasin de jouets magique » que de sa « Compagnie des loups ») et D E.T.A. Hoffmann (auquel les allusions directes ou indirectes, entre noms de lieux et noms de personnages, semblent trop nombreuses pour être fortuites). Et c'est pourtant bien par le truchement de ces poupées, comme par les marionnettes chez l'A.S. Byatt du « Livre des enfants » ou chez le Russell Hoban de « Enig Marcheur », que l'art – artisanat – contribue souterrainement à surmonter les conditionnements sociaux délétères.

C'est la fictionnelle autrice et créatrice Ewa Chaplin, avec les cinq nouvelles complètes proposées parmi celles de ses « Neuf contes de fées modernes » (« La Duchesse », « Amber Furness », « L'Éléphante », « Coïncidence » et « La fenêtre d'en haut »), morceaux de bravoure à part entière, qui offre certainement les clés permettant de saisir certains fils conducteurs dans la trame serrée de l'enchevêtrement de préjugés que met en scène « le créateur de poupées ». Juive polonaise ayant fui le nazisme (qui condamnait aussi aux camps et à la mort plus ou moins rapide les handicapés et les homosexuels), elle connaît de toute première main la rage destructrice qui peut enflammer les essentialismes et les préconceptions, et ses personnages ambivalents sont les guides parfaits pour inciter lectrice et lecteur, comme Andrew et Bramber, victimes de préjugés eux-mêmes tous deux gonflés d'autres préjugés, à surmonter les leurs et à regarder la différence dans les yeux pour l'oublier ensuite. Comme le dit fort joliment Paraic O'Donnell dans The Guardian (ici), « le roman joue avec nous quasiment dès le départ, (…) mais nous parle bien de ce que nous choisissons de voir autour de nous ». Maîtrisant plus que jamais les délicats mécanismes de construction romanesque (comme les « Complications » horlogères de son premier recueil) permettant d'atteindre toujours plus de profondeurs insoupçonnées, Nina Allan, dans cette véritable danse des miroirs (selon le mot de Gary K. Wolfe dans Locus, ici) nous offre un exceptionnel roman d'éveil à la vie – qui n'est pas celle, rêvée ou non, des marionnettes, mais bien celle d'humains libres aux yeux enfin dessillés de ce qui les polluait encore et encore.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Nina Allan s'ingénie à rendre notre lecture inconfortable dans l'intention de nous confronter à la différence, à l'étrange, au hors-normes et de nous placer en porte-à-faux face à nos attentes et nos idées préconçues. le créateur de poupées est un livre d'une extrême richesse et d'une extrême cohérence qui ne fait que confirmer tout le bien que je pense de cette grande autrice. A lire si on est prêt à « perdre [sa] place dans la hiérarchie des choses. »
Lien : https://dragongalactique.com..
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Un collectionneur de poupées parti à la rencontre d'une correspondante inconnue, un roman fait de nouvelles et lettres imbriquées dans le récit du narrateur principal, une véritable atmosphère qui vous enveloppe ; voilà ce qui vous attend dans ce roman de Nina Allan.

Andrew, fasciné par les poupées depuis son plus jeune âge, débute une correspondance avec Bramber, admiratrice de l'oeuvre d'Ewa Chaplin, créatrice de poupées et romancière. Après quelques lettres, il décide d'aller la rencontrer en personne et entreprend un voyage de plusieurs jours dans ce but.

Le créateur de poupées est constitué du récit de l'expédition d'Andrew et de ses souvenirs de jeunesse, entrecoupés des nouvelles d'Ewa Chaplin qu'il lit afin de se rapprocher de Bramber, et des lettres de cette dernière.
Les nouvelles sont de véritables petits oeuvres littéraires à l'intérieur d'une plus grande et j'ai trouvé qu'elles ajoutaient une véritable dimension au roman.

Le thème récurrent des nains de cour, et de leurs relations avec les reines, ainsi que les parallèles constants qu'Andrew (et le lecteur) ne peut s'empêcher de faire avec sa propre histoire, jettent un trouble subtil sur l'ensemble.

J'aime les romans qui, tout en me racontant une histoire, m'embarquent totalement. L'atmosphère créée par Nina Allan est délicieusement mystérieuse. J'ai pris un grand plaisir à me laisser balader entre Londres, l'Europe de l'Est et les Cornouailles, entre la réalité, la fiction et les chimères.
Et que dire de ces poupées qui émaillent la vie d'Andrew ? Fascinantes, à l'image de ce roman, que je vous conseille chaleureusement.
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Le chemin qui nous mène à la lecture d'un livre en dit souvent long sur la lecture elle-même.
En l'occurrence, j'ai croisé pour la 1ère fois « le créateur de poupées » au détour d'un présentoir de la médiathèque que je fréquente. La première de couverture (édition Tristram) m'a tenu en arrêt : la photographie d'une poupée « reborn », une petit fille étrangement réaliste, aux cheveux roux et au regard de côté. Je l'ai pris, j'ai parcouru la 4e de couverture, puis je l'ai reposé.
Une seconde visite à la médiathèque m'a fait recroiser le chemin du livre, toujours en présentation sur une étagère : il n'avait pas – et c'est un fait rare dans cette médiathèque – trouvé preneur. Cette fois-ci, j'ai cédé, et emprunté le livre.
Bien m'en a pris. Dès la première page, j'ai été happée par l'histoire sans pouvoir la lâcher. Nina Allan a un don particulier pour les incipit, et elle nous fait basculer dans son univers en trois phrases.
Or donc, trois fils narratifs qui s'entrecroisent, se font écho, résonnent les uns avec les autres, certains directement, d'autres de façon plus subtile. On passe de l'un à l'autre avec fluidité, frustré à chaque fois que l'on doit passer à un autre fil.
On suit donc d'abord le narrateur, Andrew, atteint de nanisme, dans un voyage étrange qui doit le mener vers Bramber, une femme avec qui il correspond. Son voyage est entrecoupé des lettres de Bramber, et de curieuses nouvelles d'une autrice et fabricante de poupées fictive, Ewa Chaplin.
L'alternance entre la narration d'Andrew, les lettres de Bramber et les nouvelles d'Ewa Chaplin entretient un suspens et une tension constante.
Chaque récit comporte son lot d'étrange, de décalé : le nanisme d'Andrew et sa relation avec les poupées, la vie actuelle de Bramber dans une sorte d'asile et les relations qu'elle entretient avec son passé, les nouvelles d'Ewa qui comportent toutes une part – très allusive - de fantastique.
Nina Allan sait écrire avec juste ce « pas de côté », cette touche légère de fantastique qui éclaire d'une lueur différente le présent réaliste qu'elle décrit, suscitant parfois une sensation à la limite du malaise. Son écriture n'est pas sans me rappeler celle de Frances Hardinge et l'atmosphère étrange du "Chant du Coucou".
Nina Allan est donc absolument à découvrir, et si votre chemin croise celui de l'un de ses livres abandonné (ou non) sur une étagère, n'hésitez plus…
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Bien entendu, il faut aimer les mises en abyme, les emboîtements, les enchâssements pour apprécier la structure de ce roman, dont l'intrigue importe bien moins que les perpétuels jeux de miroir, d'écho et de reprise. Malgré un suspens continu, pour lequel l'auteure ne cède pas à la facilité d'un final spectaculaire ou renversant, le charme de ce récit habilement construit réside dans le tissage des références intra, inter et extra et métadiégétiques autour de quelques thèmes – repris selon le principe des variations en musique – et métaphores récurrentes (la difficulté de se construire dans la différence et de nouer des relations malgré ou à partir de celle-ci, l'imaginaire comme refuge, …).
Ce qui importe, ce n'est pas le dénouement, mais le parcours de lecture pour y parvenir, de la même façon que s'agissant du personnage principal, c'est bien le trajet de son voyage et non sa destination qui constitue l'enjeu d'un récit brouillant à loisir les repères temporels et spatiaux et faire apparaître ainsi sa dimension universelle.
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