Un récit poignant, comment peut-on survivre à une enfance aussi douloureuse? J'ai versé quelques larmes pour "Bone" allias
Dorothy Allison allias Ann Ruth Broatwright. Ce que j'ai adoré, c'est le langage, les expressions que l'on retrouve par exemple dans "
Un hiver de glace" de
Woodrell, les "hum hum, oh no Sir" et un tas d'autres expressions typiques du Sud des États-Unis. L'histoire commence avec la naissance
De Bone, en 1950. Elle raconte sa famille, ses nombreuses tantes, ses oncles, sa grand-mère et même sa maman, qui lui donnent de l'amour, aiment raconter les exploits de ses oncles, tous alcooliques et bagarreurs, mais tous prêts à tuer celui qui va briser l'enfance de leur petite nièce. J'avais un peu peur de me trouver face à une histoire trop glauque mais non, il y a bien entendu quelques scènes qui m'ont rendues malade, qui m'ont révoltées, d'autant plus que l'auteure nous les raconte à travers ses yeux, son coeur de petite fille. J'avais lu des chroniques dans laquelle on la comparait à
Joyce Carol Oates et à
Laura Kasischke...d'autres à
Cormac McCarthy. Je pense que ce livre est inclassable, tout comme "
Le château de verre" de
Jeannette Walls. Ce que j'ai surtout retenu à la fin, c'est cet amour, cette force d'une enfant, sa capacité à oublier l'horreur, à pardonner impardonnable en échange d'un peu d'amour... Un livre très bien écrit (j'avais emprunté l'original et la traduction néerlandaise), je me suis vraiment retrouvée plusieurs soirs dans ces maisons de sa Virginie natale, entourée de ses tantes, des jeunes femmes mariées trop tôt pour fuir la maison et se retrouvant comme leurs mères, avec des enfants et des maris tout aussi jeunes, ne sachant pas prendre leurs responsabilités, à l'âge où les jeunes filles de notre époque étudient. Ces jeunes femmes dont le sort et la vie dure les ont fait vieillir trop vite, usées par le travail, les soucis financiers et la dure responsabilité d'élever souvent seules leurs enfants, leurs visages ridés par les larmes mais toujours le sourire aux lèvres, dansant et chantant à tue tête le soir du Patsi Cline, du Hank Williams, sous leur véranda, tentant d'oublier un instant la réalité!
L'histoire de Bone, sorti en 1998, est déjà un classique américain et ce n'est pas étonnant. le livre, tout comme l'auteure, dégage une sensibilité et force implacable. Il n'y a pas de voyeurisme, c'est l'histoire d'une famille avant tout, de sa famille, que Allison veut partager avec le lecteur et je pense que ce récit était nécessaire, une façon d'exorciser la douleur et sait-on jamais, de mette un point final après tant de tristesse et de douleur.
Dorothy Allison a beaucoup de talent et j'ai hâte de découvrir son second roman, "
Retour à Cayro".