Un essai sur la science-fiction par
Kingsley Amis, le papa de Martin...
Cet ouvrage est intéressant à plus d'un titre. D'abord précisons qu'il parlera plus volontiers aux amateurs du genre mais que les autres peuvent éventuellement y trouver quelques intérêts...
Même si l'ensemble me paraît plus structuré, "l'Univers de la
Science-Fiction" m'a fait pensé à "Anatomie de l'Horreur" de
Stephen King, la nostalgie en moins...
K. Amis égraine ses considérations et réflexions sur la SF, en s'appuyant sur les auteurs qu'il connait et apprécie (ou pas). Là une première contrariété émerge : ce sont très souvent les mêmes que l'on retrouve (Bradbury,
Simak,
Van Voght, Sheckley, Pohl, Brown,
Heinlein...) Certes cet essai fut rédigé en 1960 mais quand même...Dick cité une seule fois,
Asimov idem. Avaient-ils percés à cette époque ? Je ne saurais être catégorique mais pour quelqu'un qui se targue d'être un amateur, ces absences laissent songeurs...Ce sont donc les auteurs de l'âge d'or qui sont à l'honneur, essentiellement américains (je ne parle même pas des écrivains français qui devaient, au regard de Mr Amis, être inexistants ou inintéressants).
Soyons juste et précis néanmoins : pour l'auteur les origines modernes du genre remonte bien à
Jules Vernes et
HG Wells, même si on peut, selon lui, dans un sens élargi du terme, remonter beaucoup plus loin. le début du livre est donc consacré à une mise en perspective historique ainsi qu'à une tentative de définition qui aboutit à affirmer "qu'un ouvrage de science-fiction est un récit en prose traitant d'une situation qui ne pourrait se présenter dans le monde que nous connaissons, mais dont l'existence se fonde sur l'hypothèse d'une innovation quelconque, d'origine humaine ou extra-terrestre, dans le domaine de la science ou de la technologie, disons même de la pseudo-science ou de la pseudo-technologie". le rapport aux sciences et aux progrès techniques et donc fondamentale pour apprécier l'émergence du genre, et notamment, dans les années 1920, 1930, au regard de sa différenciation d'avec le fantastique (terme un peu fourre-tout pour l'auteur, puisqu'il y intègre aussi bien le fantastique, dans ses aspects psychologiques et horrifiques que la fantasy). Mais celle-ci demeure insuffisante, notamment pour prendre en compte ce qu'Amis ne nomme pas encore le roman post-apocalyptique et donc il en arrive à dire que la SF est caractérisée par le fait d'imaginer les conséquences d'un bouleversement radicale, souhaité ou non, et touchant l'ensemble de l'humanité.
Le rapport aux sciences, bien que restant important et inhérent au genre, perd donc son caractère fondamentale. du coup on en arrive, et ce n'est pas mentionné par l'auteur, à ce qui différencie (selon moi) la SF et ce que je nommerais la "science-fantasy" (par exemple "Star Wars") : le rapport au présent, qui entraîne (et Amis note que c'est une grande force du genre) une certaine dimension critique (Amis note d'ailleurs que, le temps passant, la SF évoque de plus en plus des futurs proches). Cet aspect se retrouve donc dans la nomenclature qu'il esquisse (utopie sociale, satire comique, désastre cosmique...) et qui correspond, en partie, avec des "sous-genre" existants aujourd'hui (dystopie, romans post-apo, space-opéra, hard-science...).
Pour finir, Amis, bien qu'incontestablement amateur du genre, se montre parfois dur avec ses qualités littéraires (notamment tout ce qui provient des magazines type "Astounding", "Amazing Stories"...), mais l'explique (et à l'époque cela se conçoit) par le fait qu'il considère le genre comme étant au stade de son adolescence et, les auteurs n'étant alors pas encore vraiment reconnus, ni bien payés, sont obligés de privilégier la quantité à la qualité. En revanche, il ne considère pas que la SF doive se structurer selon les normes du "roman classique", utilisant pour cela une analogie picturale très parlante, en comparant ce dernier à un portrait, alors que la SF serait un paysage (distinction qui parle surtout de l'attention portée aux personnages). de même, l'idée, en tant "qu'héroïne de l'histoire" est également typique du genre.
Globalement, un livre très intéressant mais qui pêche un peu par la faiblesse de ses références, tout en développement des idées tout à fait contemporaines. Il mériterait, en tout cas, d'être compléter par la lecture d'ouvrages du même genre, mais plus récents.