L'Afrique — qui fit — refit — et qui fera.
Michel Leiris
Sobrement, avec un style direct et sans concession,
Théo Ananissoh, critique sans ambages le pouvoir africain et la civilisation africaine, dont il dresse un portrait avilissant . le narrateur exprime une véritable aversion envers certaines pratiques de l'Afrique. Et c'est assez déroutant; les propos sont réalistes et si durs, cruels, envers l'Afrique.
"Un pays où l'on est né mais où l'on ne gagne pas sa vie est plus imaginaire que réel. Je rentre avec en tête les réalités d'autrefois. Tout ce que je découvre me désole au nom de ce que j'ai connu."
"Au retour [...] ce qui fait souffrir, c'est de constater que tu juges ce que ta mère te donne à manger. Pour des raisons d'hygiène élémentaire. L'eau utilisée, les assiettes, les aliments, tu vois très bien que ce n'est pas propre, que cela ne l'a jamais été. [...] tu vois que l'eau du puits est remplie de vers, que les petits poissons achetés au marché, poissons étalés à même le sol ou presque, sont conservés dans des conditions insalubres, que les souris, au fond des cases, s'y promènent et y pissent la nuit, que les mouches sont les mêmes qui se posent les morves et les diarrhées du bébé à côté. A ton retour d'Europe, tu vois désormais clairement tout ça dans ce que ta mère te donne à manger. Elle, elle n'a pas changé; mais toi, si. [...] Au fond de toi, tu découvres que ta mère a perdu son petit garçon. Elle ne dit rien, ta mère, Elle te regarde en silence. Peut-être qu'elle a compris elle aussi qu'elle a perdu son garçon, son petit garçon. Peut-être l'a-t-elle su avant de mourir ? Si elle l'a su et qu'elle n'a rien dit, qu'elle ne s'est pas révoltée contre cela, c'est en raison de ce sang d'esclave qui nous coule dans les veines depuis les époques précoloniales, quand des tyrans comme ceux de Dahomey razziaient, égorgeaient en sacrifices aux Dieux et vendaient le reste des Européens."
Le narrateur, est un écrivain togolais, qui vit en Allemagne, et qui souhaite renouer avec son pays, le redécouvrir après vingt ans. Il s'y rend pour quelques semaines. Il a besoin de voir de près quelqu'un comme Eric Bamezon, de m'entretenir avec un homme né après la colonisation comme moi, qui mène son existence d'adulte dans ce pays, qui y agit. Par l'intermédiaire, d'une amie, Nadine, il va faire la connaissance de Bamezon, un conseiller du président, qui comme le narrateur, avait quitté son pays, lui, pour rejoindre la France. Suivra alors un échange entre ces deux hommes sur les impressions de leur retour, sur leurs sentiments et le regard qu'ils portent tous les deux sur la politique de l'Afrique, sur la vie actuelle du peuple Africain.
"Tous deux ne peuvent donc plus s'empêcher de comparer, comme s'ils regardaient leur propre pays avec les yeux d'un allemand ou d'un français. Tout ce qui était naturel dans leur enfance, ils le redécouvrent. Et se mettent parfois à le juger. le lecteur se trouve ainsi pris dans ce dialogue au coeur de la nuit. Or, ce qui frappe c'est le constat qui est fait, acerbe, dur, très critique. Bamezon n'est pas optimiste. Loin de là. Il a presque peur de son pays, de ses mentalités. Il condamne sans appel. Pris au piège de son carriérisme, il n'a plus d'autres choix que de rester mais ne s'y fait définitivement pas."
Ce récit est très intéressant, une belle découverte, en ce qui me concerne.
On n'en ressort aucunement indemne; il est bouleversant de vérités, d'horreurs et frustrations.
Je prévois donc une immersion dans l'univers littéraire de cet auteur togolais
Théo Ananissoh (au secours, ma PAL explose ! ;-) ).
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