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EAN : 9782070127757
144 pages
Gallimard (28/01/2010)
3.62/5   8 notes
Résumé :
"Il me vient une pensée qui me surprend." Y a-t-il dans notre passé des époques où l'homme a été... - Libre ? - Oui, ou digne ?
- Aucune, fait-il, catégorique. Nous n'avons aucun souvenir d'un temps où l'homme a été à l'abri."
"Pour le narrateur, il s'agit d'un retour utile : mettre dans un livre les lieux et les paysages de son enfance. Une amie l'accueille, le guide, le présente aux uns et aux autres ; en particulier à Eric Bamezon, conseiller à la p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
L'Afrique — qui fit — refit — et qui fera.
Michel Leiris

Sobrement, avec un style direct et sans concession, Théo Ananissoh, critique sans ambages le pouvoir africain et la civilisation africaine, dont il dresse un portrait avilissant . le narrateur exprime une véritable aversion envers certaines pratiques de l'Afrique. Et c'est assez déroutant; les propos sont réalistes et si durs, cruels, envers l'Afrique.

"Un pays où l'on est né mais où l'on ne gagne pas sa vie est plus imaginaire que réel. Je rentre avec en tête les réalités d'autrefois. Tout ce que je découvre me désole au nom de ce que j'ai connu."

"Au retour [...] ce qui fait souffrir, c'est de constater que tu juges ce que ta mère te donne à manger. Pour des raisons d'hygiène élémentaire. L'eau utilisée, les assiettes, les aliments, tu vois très bien que ce n'est pas propre, que cela ne l'a jamais été. [...] tu vois que l'eau du puits est remplie de vers, que les petits poissons achetés au marché, poissons étalés à même le sol ou presque, sont conservés dans des conditions insalubres, que les souris, au fond des cases, s'y promènent et y pissent la nuit, que les mouches sont les mêmes qui se posent les morves et les diarrhées du bébé à côté. A ton retour d'Europe, tu vois désormais clairement tout ça dans ce que ta mère te donne à manger. Elle, elle n'a pas changé; mais toi, si. [...] Au fond de toi, tu découvres que ta mère a perdu son petit garçon. Elle ne dit rien, ta mère, Elle te regarde en silence. Peut-être qu'elle a compris elle aussi qu'elle a perdu son garçon, son petit garçon. Peut-être l'a-t-elle su avant de mourir ? Si elle l'a su et qu'elle n'a rien dit, qu'elle ne s'est pas révoltée contre cela, c'est en raison de ce sang d'esclave qui nous coule dans les veines depuis les époques précoloniales, quand des tyrans comme ceux de Dahomey razziaient, égorgeaient en sacrifices aux Dieux et vendaient le reste des Européens."

Le narrateur, est un écrivain togolais, qui vit en Allemagne, et qui souhaite renouer avec son pays, le redécouvrir après vingt ans. Il s'y rend pour quelques semaines. Il a besoin de voir de près quelqu'un comme Eric Bamezon, de m'entretenir avec un homme né après la colonisation comme moi, qui mène son existence d'adulte dans ce pays, qui y agit. Par l'intermédiaire, d'une amie, Nadine, il va faire la connaissance de Bamezon, un conseiller du président, qui comme le narrateur, avait quitté son pays, lui, pour rejoindre la France. Suivra alors un échange entre ces deux hommes sur les impressions de leur retour, sur leurs sentiments et le regard qu'ils portent tous les deux sur la politique de l'Afrique, sur la vie actuelle du peuple Africain.

"Tous deux ne peuvent donc plus s'empêcher de comparer, comme s'ils regardaient leur propre pays avec les yeux d'un allemand ou d'un français. Tout ce qui était naturel dans leur enfance, ils le redécouvrent. Et se mettent parfois à le juger. le lecteur se trouve ainsi pris dans ce dialogue au coeur de la nuit. Or, ce qui frappe c'est le constat qui est fait, acerbe, dur, très critique. Bamezon n'est pas optimiste. Loin de là. Il a presque peur de son pays, de ses mentalités. Il condamne sans appel. Pris au piège de son carriérisme, il n'a plus d'autres choix que de rester mais ne s'y fait définitivement pas."

Ce récit est très intéressant, une belle découverte, en ce qui me concerne.
On n'en ressort aucunement indemne; il est bouleversant de vérités, d'horreurs et frustrations.

Je prévois donc une immersion dans l'univers littéraire de cet auteur togolais Théo Ananissoh (au secours, ma PAL explose ! ;-) ).
Lien : http://seriallectrice.blogsp..
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Théo, le narrateur, suit les pas de Bamezon à travers la vielle, mais aussi à travers son spleen, son dégoût de ce que le pays a fait de lui. le froid pessimiste ou plutôt l'amer pragmatisme du personnage de Bamezon me fait d'ailleurs, un peu, penser au pragmatisme, beaucoup plus pessimiste par ailleurs, de l'écrivain Sami Tchak de"La couleur de l'écrivain" (édition La Cheminante), par cette évocation sans concession, sans camouflage, des obstacles auxquels se heurtent les repats.

Ça doit être pour ça que j'ai été autant pris dans cette première partie du récit. Les impressions, les désillusions de celui qui revoit son pays avec les yeux devenus adultes ; tout ça me parle et m'attriste, à l'instar de Bamezon. Bamezon je le comprends car j'ai été, je suis, lui, à chaque fois que je retourne dans mes capitales. Kin, Brazza et Lomé, même combat.

La seconde partie du roman est un peu moins puissante, une vingtaine de pages - grand max - qui se trainent un peu, et une fin sous forme d'atterrissage que j'aurai voulu plus surprenante, mais rien qui ne vienne ternir l'impression que je viens de passer un super moment de lecture. Rien qui ne remette en cause le l'émotion que j'ai ressenti à lire cette narration qui m'a fait penser à une des nouvelles (« La carte du parti ») du tchadien Netonon Ndjékéry, dans « la minute mongole », mais aussi la nouvelle « Les malades précieux » du congolais Obambé Gakosso.Tous ces auteurs brossent, avec talents, des réalités de la désillusion, de ceux qui, de loin, rêvaient de changer un système que, au final, ils prennent dans la tronche. Chacun à sa manière.

Lien : http://loumeto.com/mes-lectu..
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Ténèbres du midi nous offre une vision directe du pays, avec une lucidité rare. le narrateur n'épargne à aucun moment sa nation, pointant ses aberrations au travers le portrait émouvant d'Eric, conseiller à la présidence errant dans sa ville comme dans sa vie, condamné malgré lui.

« Il n'y a pas de politique, encore moins de pouvoir politique dans le lieu dont il est question dans Ténèbres à Midi. Pour qu'il y ait politique, il faut qu'il y ait des lois entre les hommes. Les gens, là, ne se sont pas encore hissés à un tel niveau éthique et esthétique. le propos du roman est donc l'état d'avilissement, de sordidité, induits par une telle situation. Ne nous fâchons pas ; je parle de moi et des miens. Que ceux qui sont heureux d'avoir le pays qu'ils ont, passent leur chemin. » (Africultures, entretien de Boniface Mongo-Mboussa avec Théo Ananissoh)

- L'écriture est juste et plante page après page un décor mouvant, une atmosphère particulière de celle que l'on ressent lors de voyages éclairs qui permettent une acuité d'observation que ne permettent pas de plus longs séjours, happés rapidement par le pays.

- Ténèbres à midi cherche à tirer un signal d'alarme :

"Mon pays, depuis une bonne quarantaine d'années, est un lieu sans intelligence et sans aucune vertu. Je voudrais en faire le portrait pour ceux qui viendront après nous. En ce sens, oui, c'est un hommage à ce qu'il deviendra un jour quand l'esprit y prévaudra."

"La dignité ne réside pas dans l'aveuglement sur son propre état, mais dans la conscience qu'on a de soi." (Afrik.com, interview par Birgit Pape-Thoma)

Lien : http://www.lecturissime.com/..
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Je poursuis l'exploration du travail de l'homme de lettres togolais, Théo Ananissoh. Il est vrai que j'ai deux bonnes raisons de le faire : primo, son roman L'invitation récemment publié chez Elyzad m'avait fait forte impression. Secundo, dans le cadre de la préparation de nouvelles Lettres africaines à Dijon, il est important que j'aie une vision la plus large de son oeuvre littéraire. Ténèbres à midi est donc le deuxième roman que j'aborde de cet auteur. Comme dans L'invitation, le narrateur est un romancier venant comme Théo Ananissoh de Dussëldorf. Après vingt années d'absence loin de son pays d'origine, si on peut encore me permettre cette expression, il revient en terre togolaise. Il y a quelques années, une amie libraire l'a mis au défi d'écrire une fiction sur son pays, à défaut d'y retourner et de s'y fixer. Il lui demande de le mettre en contact avec un immigrant ayant réussi son retour au bled. Elle lui propose Eric Bamezon.

[...]

Le romancier togolais ne laisse absolument rien au hasard. Bâtit-il de toute pièce ce personnage de Bamezon ou est-ce une connaissance réelle qui est passée à confession ? Il est très difficile de le dire et très honnêtement, cela finit par être secondaire dans ce projet, tellement l'auteur prend le soin de ne rien laisser au hasard. Il a un regard sombre et sans concession sur les marges de manoeuvre de celles et ceux qui souhaitent repartir sur le continent chargés d'idées brillantes qui peuvent changer le quotidien de beaucoup. L'impuissance de Bamezon semble être une insulte au lecteur tant elle a quelque chose de grotesque.

[...]

Lien : http://gangoueus.blogspot.fr..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Je l’ai dit; je suis parti de chez moi depuis vingt-deux ans. Je n’y ai jamais eu à mener les luttes et les intrigues de l’âge adulte pour s’assurer une place au milieu des autres. Un pays où l’on est né mais où l’on ne gagne pas sa vie est plus imaginaire que réel. Je rentre avec en tête les réalités d’autrefois. Tout ce que je découvre me désole au nom de ce que j’ai connu. Malgré moi, les parents et les connaissances sont ceux que j’ai laissés deux dizaines d’années plus tôt, c’est-à-dire jeunes ou dans la force de l’âge. Je suis donc surpris de retrouver des vieux décatis et dénutris, de voir des constructions hétéroclites et des rues défoncées là où il y avait jadis un joli terrain vague ou une plantation de cocotiers. Il me faut y penser pour ne pas m’étonner du décès naturel d’une personne déjà adulte à l’époque de mon adolescence. Je calcule et constate que j’ai à présent l’âge qu’avait le défunt quand j’allais au lycée. Le pays reste donc pour moi intact de toute expérience pratique; je n’y peux rien projeter qui n’appartienne à l’innocence de l’enfance. Les rues de notre quartier sont celles où nous jouions au foot et que j’empruntais pour aller à l’école. p.18
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C’est tout sombre et vide ici. (Il regarde Nadine.) Tu as raison. Je ne supporte plus d’être au milieu d’eux. (A moi) Bestia (le Président) prend plaisir à assister à l’agonie de ceux qu’il empoisonne ; voilà ce que je dois côtoyer. Moi qui ai rêvé de me consacrer à l’art. (Il me saisit le bras _ une pression ferme , désespérée.) Ne commets pas la même faute que moi, ne sois pas sentimental, ne fais pas de concession à l’Afrique. Si tu commences, elle n’arrêtera plus. p.69/70
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Ce qui déconcerte, c'est l'impression que personne n'est humilié de vivre dans ce pays..."
Il hausse les épaules, sourit - il fait un rictus plutôt.
"L'enfance, énonce-t-il d'un ton blasé; l'enfance de chacun est la mesure de ce qu'il accepte ou pas, de ce qui l'offusque ou pas à l'âge adulte. p.35
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Regretter n'est pas le mot exact, Rectifie-t-il d'un air songeur. Je voulais rentrer. Non l'erreur ... (Il réfléchit). L'erreur, c'est d'avoir sous-estimé la réalité d'ici. Je n'ai pas saisi qu'il fallait revenir en faisant très attention. Tu me comprends ? p.33
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ll lutte contre la douleur de l'humiliation par un vif mépris pour l'Afrique entière. J'éprouve comme un sentiment de remords de ne pouvoir lui être d'un secours précis. p.59
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Video de Théo Ananissoh (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Théo Ananissoh
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=52548
THÉO ANANISSOH, SONY LABOU TANSI, AMÉLA ET MOI...
Lecture de le soleil sans se brûler de Théo Ananissoh
Bernard Mouralis
Préface par Daniel-Henri Pageaux
Classiques pour demain
Bernard Mouralis sera présent au 31ème Salon du livre et de la presse de Genève
Dans ce livre, Bernard Mouralis retrace l'histoire et les conséquences d'une lecture : celle qu'il fit du roman de Théo Ananissoh, "Le soleil sans se brûler" (2015) et qui relate la rencontre d'un étudiant et de son ancien professeur d'université, Améla. Ce roman a fait surgir, chez Bernard Mouralis, « des interrogations et des problématiques enfouies depuis longtemps » dans sa « mémoire » et dans sa « conscience ». Ce sont ces résonnances que le présent essai se propose d'examiner autour de trois pôles : la destinée littéraire d'un écrivain au centre du dialogue ; la relation entre maître et disciple ; et le parcours d'Améla, dont Bernard Mouralis fut le collègue et l'ami.
Broché ISBN : 978-2-343-10926-8 ? janvier 2017 ? 212 pages
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