Il est dur d'amadouer la Douma
Ce 4ème volume est particulièrement important et marque plusieurs ruptures.
Un saut dans le temps et l'espace, d'abord. le 3ème volume s'achevait en 1905 à St Peterbourg, celui ci commence en 1912, aux environs de Cork, en Irlande.
Nous avions quitté la russe Sophaletta, nous retrouvons désormais Miss Mc Daniels, une jeune photographe de presse, anglaise.
La neige est absente du décor. La mer est là, en revanche. Amarré à quelques encablures du port de Queenstown, un bateau gigantesque de la White Star Line attend ses derniers passagers. Bientôt, il appareillera pour sa traversée vers New-York. Enfin, si tout va bien.
Comme on le sait tous, aucun des 2 435 passagers et 885 membres d 'équipage du Titanic, ne parviendront à destination.
Kitty Mc Daniels elle, survivra.
On la retrouve 5 ans plus tard (1917) en Russie, à Petrograd où en compagnie de son mari journaliste, elle assiste à un autre naufrage, celui de l'empire tsariste chancelant sous les coups de boutoirs de la révolution bolchevique.
Kitty va rapidement se trouver en plein coeur de l'agitation insurrectionnelle. de fiers révolutionnaires, plein d'idéaux et d'hormones, veulent lui inculquer les grandes leçons de partage et d'idéal ouvrier en agitant leurs parties ouvrières qu'ils souhaitent enfoncer au plus profond de ses sphères réactionnaires.
Heureusement, Sophaletta apparaît (en même temps, c'est quand même elle l'héroïne de la série).
Voilà pour l'histoire qui change en partie d'air et renouvelle ses personnages tout en insistant sur l'arrière plan historique. D'une manière générale, l'Homme qu'on y croise est moche : nobles et bourgeois rétrogrades, révolutionnaires opportunistes, peuple assoiffé de vengeance...Heureusement que quelques personnages (féminins essentiellement), surnagent. A la lecture de ces évènements, on ne peut s'empêcher de penser à la boutade (dérivée de celle de
Coluche sur le syndicalisme) : "Le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme. le communisme c'est le contraire". Pour l'heure, le Peuple marche au pas de lois.
Autre rupture importante :
Erik Arnoux reste le scénariste de la série qu'il a créé, mais en confie le dessin à Hé qui la hisse vers le haut. Sans être fondamentalement en rupture avec le trait d'Arnoux, celui de Hé, plus rond, plus plein, est un nouvel atout. Certes, il amplifie la tendance d'Arnoux à jouer avec les cases (décalage, insertion, étalage...Pas une page ne conserve sa marge inviolée). C'est très curieux, mais plutôt efficace bien qu'un peu systématique.
Les décors sont également, beaucoup plus soignés.
Il faut dire que la coloriste des épisodes précédents a quitté le navire, et la différence saute aux yeux. Les couleurs sont à désormais beaucoup plus vives et riches.
Bref, un 2ème cycle, qui donne un bon coup de knout à cette série.