En manque de bouquins à lire, j'ai ressorti de ma bibliothèque la série des Enfants de la Terre de Jean M.
Auel, que je me souvenais avoir bien aimé à l'époque de la sortie (les 3 premiers tomes, après, moins). Et j'ai "binge lu".
Déception ! c'est comme retourner sur les lieux de son enfance. Faut pas faire ça. du coup j'ai fait ce que je ne fais a priori jamais : lire en diagonale.
Les trois premiers tomes, ça va. Encore que les redondances et répétitions commencent à peser : pas grave, on saute les paragraphes, souvent longs, qui enfoncent le clou en redisant ce qu'on savait déjà. Mais ensuite ça se gâte. de descriptions de paysages en cours magistraux sur les plantes ou les animaux, on finit par s'ennuyer autant que Ayla et Jondalar qui ne voient pas le bout de leur Voyage.
Pour faire avaler ces longueurs, le récit est ponctué "d'aventures" qui permettent à l'auteur d'aborder tous les thèmes, bien trop hypothétiques et "modernes" dans le contexte : égalité homme-femme, religion, races et couleur de peau, psychologie, avortement, violence et manipulation, etc. Tiens, il manque les LGBT pour faire totalement woke avant la lettre. Mais soyez rassurés, à chaque fois il y a un happy end et on repart vers l'ouest.
Cette Ayla c'est McGyver-Indiana Jones-Rahan au féminin. Elle est super douée en tout, y compris en langues étrangères qu'elle maîtrise en deux jours, elle invente tout un tas de trouvailles - sauf la roue et le fil à couper le beurre, quand même, et elle est très pénible dans ses questionnements intérieurs ressassés ad nauseam.
Le pauvre Jondalar-Ken a un peu de mal a suivre sa super Barbie, il ne semble là que comme faire-valoir. Mais bon, il sera le premier homme a être déconstruit, gardant cependant sa super science du sexe pour sauver les meubles.
Les descriptions géographiques se veulent précises mais on s'y perd, justement : même le croquis du voyage fourni en début d'ouvrage ne nous aide pas. Une page pour décrire les angles, orientations, courbes de la Rivière Mère, et on n'a toujours pas compris où ils en sont. On monte, on descend, on traverse des eaux ; d'accord, ça essaie de rendre la monotonie du Voyage, mais on fatigue.
Les longues descriptions et listes de plantes sont intéressantes au début, surtout si on est naturaliste passionné par la botanique, mais bon, ça y est, pas la peine de nous faire ramasser encore et encore des massettes en nous ré-expliquant comment on les fait cuire.
Pareil pour les animaux : on est content d'en apprendre sur les mamouths et autres, mais une fois qu'on sait on n'a pas envie de se refarcir un cours.
Alors, comme tout bon auteur américain qui a appris comment on maintient le lecteur en haleine,
Auel nous offre un épisode de sexe. Bien torride, au début on apprécie, ça réveille. Mais hélas à chaque fois que "ça" leur reprend, on assiste à un déroulé systématique, avec un ordre immuable, des gestes enchaînés toujours pareil, des mots identiques, et hop, on se couche et on dort. On a compris que Jondalar "sait y faire", et on envie Ayla d'avoir trouvé un mec qui sait ce qu'est un clitoris, mais chaque scène étant la stricte copie de la précédente, on finit par sauter aussi ces passages, un comble !
Cette saga oscille entre le roman pour midinettes et la thèse sur la préhistoire, donc c'est raté : soit on va à la bibliothèque pour lire de vrais ouvrages scientifiques, soit on trouve un petit roman de gare, mais réunir les deux de façon si déséquilibrée est une gageure.
Ca me fait penser aux romans de
Maurice Denuzière, dans les années 70-80, les séries
Louisiane et
Helvétie notamment, qui mêlaient ainsi le roman à la pédagogie savante. du genre : "le héros prit le sel sur la table. le sel, produit précieux depuis la nuit des temps, a été longtemps ... blablabla pendant une ou deux pages sur la composition du sel, ses usages et son historique en Europe". Puis le héros saupoudre enfin ledit sel sur sa soupe : ouf, on avance.
Je serai honnête en saluant le travail de documentation de ces auteurs, et en les remerciant de m'avoir appris des choses, mais je reste frustrée de la qualité d'écriture, ou plutôt de cette sensation de m'être fait avoir par une écriture commerciale, qui semble tirer à la ligne pour sortir 6/7 tomes et ne rien laisser perdre du filon. Quand on tient la ligne hameçonnée, faut pas lâcher ...