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sur 2163 notes
Lorsqu'on découvre que ce gros pavé de 600 pages est en fait le premier roman de Catherine Bardon, on est assez surpris. Et admiratif !
En grande partie inspirée de faits réels tirés de l'histoire familiale, cette remarquable saga qui court sur trente ans, des années 30 aux années 60, conduit le lecteur de Vienne à l'île de la Dominique, avec escale à New-York puis séjour à Jérusalem. Documenté, intéressant, plein d'humanisme, de sentiments et d'émotions, ce roman historique nous plonge dans la Vienne d'avant la période de l'Anschluss. Puis avec la montée du nazisme et la persécution des juifs autrichiens dont certains vont émigrer sur l'île de la Dominique où ils seront accueillis dans une colonie/kibboutz on suit le parcours d'une famille qui va tout abandonner et après une longue errance, et de nombreux espoirs déçus, devoir s'installer sur l'île tropicale dirigée par Trujillo, féroce dictateur.

Cette saga pleine de rebondissements et de surprises souffre sans doute de quelques défauts évoqués dans plusieurs chroniques, défaut de style que certains trouvent ampoulé, défaut de posture narrative pas toujours limpide et de tournures un peu désuètes qui m'ont aussi un peu gênée au début. Mais très vite, j'ai trouvé que l'auteure trouvait son souffle. Sa construction en chapitres courts avec le recours au "je" du journal intime de certains protagonistes modifie le point de vue et apporte une profondeur et une intimité plus grande avec les personnages. Cela donne du relief et romp avec le style plus "classique" voire scolaire des chapitres avec narrateur omniscient manquant parfois d'ampleur et de surprise. J'ai apprécié malgré tout cette plume gourmande de détails et de précisions historiques qui gagne en fluidité au fil des chapitres, avec dans la seconde moitié de beaux passages pleins de poésie et de lyrisme.
Et surtout ce roman fait sortir de l'ombre tout un pan de l'histoire de la seconde guerre mondiale, l'hypocrisie des accords d'Evian, la lâcheté des belligérants, le cauchemar des migrants, rejetés de toute part et contraints à accepter des conditions d'accueil indignes à l'autre bout du monde.
Ce roman m'a rappelé « la passagère du Saint Louis », de Armando Lucas Correa, lu il y a quelques années et dont les circonstances tragiques méconnues sont similaires.
Commencer sa carrière d'écrivaine par un ouvrage de cette densité et de cette qualité mérite une mention spéciale.
Conquise par ce premier opus que j'ai dévoré, je m'attaque donc sans tarder à la suite : L'Américaine »
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Vienne, les années 30, la rencontre de 2 jeunes gens juifs. C est une belle rencontre, une belle histoire d amour, les relations avec la belle famille mais il y a la montée du nazisme, et Allah et Wilhelm doivent fuir. Ils seront envoyés en République Dominicaine où ils feront leur vie.
C est une histoire en 3 étapes :
Leur rencontre et les bons moments
L exil, la fuite
Et puis leur nouvelle vie de l autre côté de l Atlantique , pour créer une vie.
Je ne connaissais pas cet exil.
Je n ai pas aimé tous les passages car parfois un peu long.
C est quand même un beau roman.
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Catherine Bardon écrit bien et sait parfaitement nous raconter l'histoire de ces Juifs qui fuient l'Autriche , l'Anschluss et ses persécutions pour
se construire , après de longs mois d'errance , une nouvelle vie
en République Dominicaine ( fait historique que j'ignorais totalement ).
"Les déracinés" est un beau roman d'amour intense et émouvant autant
qu'un document historique .
750 pages qui m'ont procuré un grand plaisir de lecture ;
nul doute que je lirai la suite !
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Encore un livre sur la 2nde Guerre Mondiale, me direz-vous.
Et oui. Encore un. Encore un bien. Encore un différent. Encore un qui va vous faire découvrir une facette de ce conflit peu connue : où quand des juifs ont fui l'Europe pour s'installer en République Dominicaine.
Alors non, ils n'ont pas pris résidence dans un 5 étoiles all inclusive à Punta Cana. Que nenni. Ce fut une véritable épopée. Et c'est cette épopée que raconte ce livre.
On suit un jeune couple viennois à qui tout réussi : il est journaliste critique d'art ; elle est très belle, très riche et fait de grandes études. Ils s'aiment et finissent par se marier, même si la demoiselle étant d'une famille bien plus aisée, on a frôlé la mésalliance. Mais comme le monde était parfait à Vienne dans ces années là, les familles s'entendent bien et oeuvrent pour le bonheur de leur progéniture.
Et puis vlan, tout bascule petit à petit. On vend les robes de cocktail pour faire bouillir la marmite, on survit comme on peu, caché, dans la peur. Quand finalement ils se décident à quitter l'Europe, les USA ont fermé leurs portes. Je vous passe les détails afin de vous laisser le plaisir de la lecture, mais ils finissent donc par atterrir en République Dominicaine ou un gentil dictateur qui veut faire le beau, a mis à disposition un terrain afin d'accueillir des réfugiés amenés par le biais des associations juives.
Voilà en quelques mots.
J'avoue avoir eu un peu peur à la lecture des premières pages de nager dans les poncifs avec cette pauvre jeune femme riche qui affronte la cruauté du monde avec une force et un courage hors du commun. On a frisé le ridicule et le "too much". Mais heureusement, cela s'estompe un peu et finalement ça passe, parce que ce n'est pas ça le plus important. le plus important c'est la façon dont l'auteure aborde avec naturel les difficultés de l'exil, de réapprendre à vivre loin de son monde, de sa famille, de construire son bonheur, même s'il ne ressemble pas du tout à l'image que l'on s'en était fait.
La vie de la communauté en République Dominicaine est savoureusement décrite. Les tensions, les connivences, les jalousies, les amitiés, les flirts et la façon dont les exilés survivent ou vivent à leur éloignement de tout ce qui faisait leur vie d'avant. Il n'y a plus de vie mondaine, pas de froufrou, pas de neige, pas de bonnes nouvelles de la vieille Europe. Mais il y a la mer, le soleil, les ouragans et les échardes incrustés dans les mains de ces intellectuels parachutés charpentiers.
Et après plusieurs années d'exil, que reste-t-il ? Comment reprendre ou pas la vie d'avant ? Les personnages inventent encore une fois leur futur, chacun à leur manière.

Ce fut une très jolie lecture. Pas compliquée, sans prétention.
Pas une symphonie : juste une simple mélodie avec quelques accords de guitare.

Alors, faut-il le lire ? Oui. Comme le livre est en format poche, il est parfait pour votre valise de vacances. La bonne nouvelle, c'est qu'il y a une suite...
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Wilhelm et Anna appartiennent à la jeunesse dorée du Vienne des années 30 : ils sont journaliste et dentiste, beaux, cultivés et intelligents, l'avenir leur appartient, jusqu'à l'avènement du nazisme et sa déflagration sur l'Europe.
Lorsqu'ils réalisent, un peu tard, qu'ils doivent absolument quitter Vienne pour les Etats-Unis, il est déjà trop tard car les américains, suivis en cela par beaucoup d'autres états, ont fermé leurs portes devant l'afflux de réfugiés juifs qui cherchent le salut outre atlantique.
Après plusieurs années d'errance, c'est finalement la république dominicaine qui les accueillera sous l'égide d'une association juive qui vise ainsi à tester les futurs kibboutz de Palestine.
Fondée sur des faits réels, ce récit incroyable relate un pan d'histoire méconnu qui rappelle cependant que l'histoire patine et se répète...
Un très beau roman qui porte le souffle de l'exil, de l'amour et de l'aventure, du joyeux tumulte des cafés viennois à la moiteur des plages caribéennes.
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Gros coup de 💜pour ce très bon livre. Je suis en train de le terminer, mais je n'ai pas besoin d'avoir tourné la dernière page pour le noter où en rédiger la critique.
J'ai adoré. On suit avec beaucoup d'empathie le périple d'Almah et Wilhelm (jeune couple Viennois) lors de la montée du nazisme en Europe, jusqu'à l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne, et leur départ de Vienne.
C'est une histoire très forte que nous conte Catherine BARDON, qui a su mêler de manière très subtile la fiction à une réalité peu connue (la création d'un kibboutz en République Dominicaine alors dirigée par un dictateur).
L'écriture fluide, les chapitres très courts et le rythme permettent une lecture rapide de ce "pavé" de 700 pages.
Vivement la suite ! 😊
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Belle lecture de cet été 2020.
On suit les personnages de la Vienne des années 30 à la République Dominicaine des années 60.
Deux âmes soeurs, celles de Will et d'Almah se sont rencontrées et ce fut le coup de foudre instantané et partagé.
Le livre raconte sur une trentaine d'années leur périple pour survivre à la folie nazie, ballottés d'un pays à l'autre, puis leur enracinement sur la nouvelle terre dominicaine.
Une histoire d'exil et de renaissance, mais également de sacrifices et de trahisons.
Une lecture pleine de lumière et d'espoir, malgré les nombreuses épreuves d'une existence.
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J'en ai vu des critiques passer sur ce livre. J'en ai vu des posts de Catherine Bardon sur les réseaux sociaux. J'en avais envie de lire ce livre… alors sortie de confinement un p'tit tour à la ma #librairie à Saint-Quentin (02) et je l'ai acheté.
Dans l'Autriche d'avant guerre, à Vienne deux jeunes adultes tombent amoureux, ils se marient et vivent des jours heureux. La montée progressive du nazisme et avec lui de l'antisémitisme leur complique la vie, ainsi qu'à leurs familles respectives. S'ils veulent vivre, ils n'ont pas le choix et comme beaucoup d'autres ils fuient. Aux termes d'une longue errance ils s'installent dans un pays improbable…
Partant de faits réels1 Catherine Bardon nous entraîne à travers l'Europe, les Etats-Unis et la République dominicaine. Alternant le récit par la voix d'Almah et le journal de Wilhelm on partage leurs galères, leurs joies, leurs espoirs. On suit des personnalités disparates qui n'ont pour seul point commun que d'êtres juives. Mais c'est aussi cette appartenance qui leur permettra de s'en sortir. Tout le monde s'entraide, on est solidaire en cas de coup dur, on se réconforte. Et ceux qui n'étaient pas trop versés dans la religion y attache petit à petit une plus grande importance parce que ça permet de rester soudés et de ne pas être mis au ban.
Un roman à caractère historique, basé sur des faits réels ça ne pouvait que me plaire. le récit est bien construit sur une base réelle bien documentée.
Un bémol toutefois, l'écriture manque parfois un peu d'intensité, du coup il y a, à mon goût, des longueurs qui auraient pu être évitées. Ceci ne m'empêchera pas de lire le tome 2 « l'américaine ».


1 http://www.lemondedesreligions.fr/actualite/republique-dominicaine-terre-d-asile-des-juifs-victimes-du-nazisme-07-07-2011-1699_118.php

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Celui-ci commence à Vienne dès 1921, Wilhem est heureux avec sa jeune soeur Myriam.
Peu à peu, Vienne l'idyllique, la merveilleuse, pétrie de culture et d'humanité, va devenir un enfer.
Myriam, jeune mariée, parvient à quitter à temps le vieux continent. Pour Wil, c'est plus compliqué. S'exiler n'est pas une décision facile à prendre, encore moins quand ça implique d'abandonner ses parents. Quand enfin, le jeune couple s'y trouve contraint, les USA ont fermé leurs frontières, et peu de solutions s'offrent à eux.
Si la première partie nous fait revivre les horreurs de l'arrivée du nazisme, la dégringolade de la vie des Juifs dans cette ville qui leur doit tant, jusqu'à la tristement célèbre Nuit de Cristal, la seconde partie, moins classique me semble-t-il, nous entraîne dans une terrible errance de camp en camp, de la Suisse au Portugal en passant par les quelques camps du midi de la France.
Quand pour Wilhem, Almah et leur petit Frederick, il s'avère que New York ne sera qu'un paradis inaccessible, malgré leur famille qui les y attend, ils vont devoir se résoudre à accepter la seule porte de sortie possible : S'installer comme colons en République Dominicaine, dans un pays dont ils ignoraient tout (voire l'existence), pour créer une sorte de brouillon de kibboutz.
Cette aventure ahurissante est en fait un épisode réel, et si comme moi vous n'en aviez jamais entendu parler, c'est une belle découverte que ce roman.
Fallait-il qu'ils soient aux abois pour penser à proposer à des intellectuels, élites de leurs pays, de s'installer dans un pays où la dictature et les troubles politiques sont à peine moindre que là où ils sont partis, pour créer des exploitations agricoles et une ville à partir de rien, alors que la plupart n'ont jamais travaillé de leurs mains.Dans un pays au climat quasiment à l'opposé du leur.
Mais quand on n'a pas le choix, on retrousse les manches ! Quelques rares par idéologie, la plupart par réalisme, vont tout doucement faire leur trou dans ce pays.
Ça, c'est le fond de l'histoire.
Mais ce roman est une merveille par sa façon de nous mettre au plus près de l'intimité des personnages, par ce je ne sais quoi qui fait qu'on n'a plus envie de les quitter, qu'on fait un peu partie de la famille. de l'amour, des amitiés incroyables, une belle analyse sur ce qui dure dans les couples, tout un pan d'Histoire, presque un demi-siècle qui se déroule sous nos yeux. Et une profonde réflexion sur l'exil, être de quelque part, connaître ses racines.
Ça se dévore, mais ça laisse des traces !!

Tout au début, j'ai un peu moins accroché qu'avec le tome suivant qui m'avait entraînée d'emblée.
Un peu trop de descriptions, de vêtements, de lieux, j'aurais sans doute moins accroché si j'avais commencé par celui-ci.
Mais très vite, je me suis laissée emporter avec les personnages dans cette ignoble errance.

Comme dans la suite, j'ai été un peu surprise du passage continu de la narration de la première à la troisième personne, mais c'est toujours Wilhem qu'on suit, même si Almah est probablement le personnage principal et le plus solide de la famille.
Le passage, attendu et redouté, à Ellis Island, m'a évidemment renvoyée à ma lecture récente de Gaëlle Jossele dernier Gardien d'Ellis Island.
C'est aussi, en plus du reste, une très belle ode à Stefan Zweig, qu'il faut que je relise !

Je n'ai évidemment pas lu tout à fait de la même façon que si je ne connaissais pas la suite, mais j'y ai pris certainement autant de plaisir. Lecture avec moins d'urgence de savoir ce qu'ils allaient devenir, je lis en profitant plus de chaque page.

J'ai terminé en larmes, pas tellement sur la fin, dont je me doutais puisque j'ai lu la suite, que sur la merveilleuse façon juive d'aider à faire son deuil, par la semaine de shiv'ah. Quelle belle façon de dire adieu à celui qui nous a quitté, et de revenir vers le monde des vivants. J'en suis encore émue en écrivant.

Lien : https://livresjeunessejangel..
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Ma dix-septième lecture de cette session Rentrée littéraire 2018 des 68 premières Fois, Les Déracinés de Catherine Bardon.

Ce roman historique, véritable pavé, correspond tout à fait à une thématique qui m'est chère : des évènements historiques vues à travers les points de vue individuels, familiaux de personnages anonymes pris dans la tourmente de l'Histoire avec un grand H ; j'aime ce rapport alchimique entre la sphère publique et la sphère intime.
Le volet géopolitique et économique est également très intéressant même s'il ne m'est apparu qu'aux deux tiers du livre lorsque sont mentionnés les noms de grandes entreprises à juste titre très controversées aujourd'hui.
Dans Les Déracinés, tout commence par une belle romance entre deux jeunes gens de milieux différents qui sauront braver les difficultés pour se marier et fonder une famille ; il y est question de rêves et d'idéaux, mais voilà, ils sont issus de familles juives, vivent en Autriche juste avant la deuxième guerre mondiale… Ils partent donc participer à la fondation d'un kibboutz dans les Caraïbes, en République dominicaine. Ce roman est l'histoire de quelques « Juifs déracinés génération après génération, n'ayant pu faire souche dans aucun des pays qu'ils traversaient », l'histoire d'un couple à la recherche d'un endroit où enfin s'enraciner…
Ce roman est une véritable fresque historique et familiale sur pratiquement trois générations, de 1921 à 1961 ; en effet, les parents des héros sont assez présents au début du récit jusqu'au départ de jeune couple et de leur petit garçon vers un ailleurs plein de promesses, dans un interminable voyage vers la liberté. Puis, à la fin, nous laissons leurs petits-enfants écrire l'histoire à venir.

Catherine Bardon a su équilibrer et varier la narration de ce long roman ; les chapitres sont courts, les évènements s'enchainent sans temps morts, à un bon rythme qui alterne péripéties, études psychologiques des personnages et réflexion sur l'Histoire en marche. le lecteur est emporté à la suite des héros dont il veut connaître et accompagner le destin.
L'écriture est d'abord à la première personne et le reste, la plupart du temps ; c'est le jeune chef de famille qui s'exprime et, lorsque le temps traine en longueur, ce sont les carnets qu'il a tenu qui se substituent à son récit, sorte de résumés réduits aux grandes lignes de longues périodes, certes pénibles ou pas forcément inintéressantes, mais sans faits marquants. Pour ce narrateur intra-diégétique, l'écriture est aussi « un moment d'intimité, un bon dérivatif au travail physique éreintant et à la vie en communauté ». Pour le lecteur, c'est un JE à deux voies, à deux niveaux qui s'entrecroisent et se complètent.
Puis, un narrateur omniscient prend brièvement le relais quand le parcours des héros principaux est noyé dans une aventure collective et se confond avec une forme d'errance presque abstraite tant elle est surréaliste ; c'est aussi le cas quand il s'agit de prendre un peu de distance pour montrer la vision du couple, lors de moments particuliers ou privilégiés...
Comme pour tout vrai roman historique, je salue l'important travail de recherche et de documentation menée par l'auteure et la remercie de la richesse des notes de bas de pages, pour la chronologie historique à la fin du volume et pour les sources citées.
Ce livre a une réelle portée didactique ; il s'appuie sur des évènements réels et s'échelonne tout au long de véritables jalons historiques.
Naturellement, l'univers référentiel de Catherine Bardon situe son propos : Kant, Simone Weil, Stephan Zweig sont les auteurs cités en épigraphe des parties du livre que je connais le mieux… Elle évoque aussi, entre autres, Nietzsche, Dante, Schopenhauer, Montaigne ou encore Alfred de Musset... Cependant c'est bien l'ombre de Stephan Zweig qui plane sur le récit, qui l'auréole du début à la fin même au-delà de son suicide en février 1942 car il n'est jamais facile de recommencer sa vie de fond en combles.

J'ai été particulièrement sensible à la thématique des lieux ; dans la première partie, la ville de Vienne est un personnage à part entière, impériale ; plus tard, cette ville et l'Autriche toute entière deviendront un paradis perdu, un symbole nostalgique de l'exil et du déracinement. Ce sont les mots empruntés par Catherine Bardon à Stephan Zweig qui la définisse sans doute le mieux : « à l'instant où le train passait la frontière, je savais comme Loth, le patriarche de la Bible, que derrière moi tout était cendre et poussière, un passé pétrifié en sel amer ».
Puis, c'est un camp de réfugiés à la frontière suisse où l'attente et le désoeuvrement dans des conditions de vie spartiates rythment le quotidien… de même, les bateaux sur lesquels s'effectuent les traversées deviennent des décors de huis-clos où s'exacerbent les espoirs et les désillusions.
Enfin, Sosúa porte en filigrane le choix par défaut d'une communauté juive dans son ensemble mais hétéroclite dans ses individualités. C'est aussi un huis-clos « drolatique avec ses personnages hauts en couleur ». La vocation d'un kibboutz est avant tout agricole et là se retrouvent d'« indécrottables citadins », des professeurs, des médecins, des musiciens, des commerçants… plutôt démunis face à la chaleur, aux insectes, aux travaux manuels et artisanaux et à une vie particulièrement frugale. Les affaires de coeur et de cul y prennent beaucoup d'importance… À Sosúa, se développe « un condensé d'humanité, une université exceptionnelle sur la nature de l'homme, où l'idéal pionnier menace de voler en éclats ». C'est aussi un havre de paix, un « cocon tropical » loin de la guerre qui fait rage en Europe, une sorte de parenthèse avant que la structure évolue vers de nouvelles orientations. Enfin, Sosúa deviendra le lieu de la culpabilité de ceux qui sont partis avant les déportations et les chambres à gaz… Quant à l'Histoire de la république dominicaine, la dictature de Trujillo, son assassinat…, les colons juifs les verront sans se sentir concerné, comme en marge des évènements.
À la fin du roman, le jeune état d'Israël essaie de construire son Histoire en évacuant l'amertume et en faisant la paix avec les souvenirs douloureux notamment à l'occasion du procès d'Eichmann.

Ce premier roman m'a conquise pour toutes les raisons que je viens de développer et peut-être plus encore ; ce fut un plaisir de s'y plonger, de retrouver les personnages très travaillés plusieurs jours d'affilée car c'est une lecture qui prend un peu de temps, d'être surprise par le dénouement, de refermer les pages avec tristesse que ce soit terminé…
La force tranquille de ce premier roman, sa maîtrise, son format… font qu'il est très au-dessus du lot.
Bravo et merci à Catherine Bardon.
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