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EAN : 9782916694979
49 pages
Editions Marguerite Waknine (24/11/2015)
4/5   1 notes
Résumé :
L'ouvrage de Katherine L. Battaiellie est un prodigieux tour de force : nous donner à entendre la voix intérieure et secrète de Marguerite Sirvins, native de Lozère, en 1890, et qui fut admise à l'hôpital psychiatrique de Saint-Alban, à l'âge de quarante et un ans, en raison de troubles schizophréniques. Dans cet établissement, après avoir pratiqué l'aquarelle et la broderie, elle compose, pensant ardemment connaître un jour le mariage et rencontrer l'époux si désir... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Je viens vous parler d'un livre poétique, un livre d'art, aux feuillets non reliés que j'ai trouvé vraiment très beau et dont le titre est La robe de mariée.
Cette robe existe, elle est celle de Marguerite Sirvins née le 29 décembre 1890 à Badaroux en Lozère. A l'âge de trente-cinq ans, la jeune femme quitte sa région et s'installe à Paris pour suivre une formation de modiste. Ses premiers troubles psychiatriques apparaissent, elle sombre dans une profonde dépression et tente à plusieurs reprises de se suicider. Inquiètes, ses soeurs restées à Mendes la font revenir mais Marguerite s'enfonce encore davantage dans sa maladie.
Le 7 juillet 1931, à l'âge de 41 ans, elle est internée à l'hôpital psychiatrique de Font d'Aurelle à Montpellier puis à Saint-Alban-sur-Limagnole. Elle souffre d'hallucinations, elle est agressive, paranoïaque.
Plusieurs années passent, elle semble se calmer. On est en 1944 et elle s'est lancée dans différents travaux manuels : broderie, couture, dessin, aquarelle, peinture. En 1955, elle se passionne pour la confection d'une robe de mariée, persuadée qu'un prince charmant va bientôt venir la chercher pour l'épouser. A partir des fils tirés des vieux draps de l'hôpital, inlassablement, chaque jour, elle bâtit son oeuvre, au crochet, avec des aiguilles à coudre. Elle invite ses voisines et le personnel hospitalier à son mariage imaginaire, à ses noces de rêve. Son amie, Mademoiselle Jouve, écrit dans le petit journal de l'hôpital : « Mademoiselle Sirvins nous annonce son mariage le mois de Février. Elle se fait une belle robe de dentelle blanche à notre maison neuve. On est invité à cette noce, nous nous amuserons bien ce jour-là. Elle crie nuit et jour. Je ne sais pas si son mari dormira bien. »
Marguerite mourra en 1957 sans jamais avoir embrassé celui qu'elle attendait dans ses rêves...
Lorsque Jean Dubuffet constituera sa collection d'art brut, il s'intéressera à l'oeuvre de Marguerite Sirvins et à sa robe de mariée qu'il est possible de voir aujourd'hui dans la Collection de l'art brut de Lausanne.
Revenons au petit livre dont je vous ai parlé : l'auteur, Katherine L. Bataiellie fait de Marguerite la narratrice de son récit. Elle pense ou peut-être parle à voix basse en travaillant sur sa robe. Je l'imagine concentrée, légèrement penchée vers l'avant : « Il me trouvera ayant longtemps marché comme une princesse abandonnée dans son château et j'aurai déjà revêtu ma robe de mariée sinon comment me reconnaîtrait-IL et serai prête » Elle se perd dans ses rêves puis s'enfonce dans d'autres songes encore plus profonds, plus insensés : « Il m'emmènera loin d'ici dans le lieu inconnu d'où IL sera venu et le lieu m'est égal Il me donnera les clefs de notre maison sans bruits où j'habiterai ses murs seront épais et solides la lumière entrera à nouveau par les fenêtres » Elle murmure ses craintes, ses peurs : les autres femmes lui cachent aiguilles et ciseaux, se moquent d'elle, crient parce qu'elles sont jalouses, sa mère ne lui écrit pas, elle a froid. Pour supporter tout cela, elle imagine son bonheur imminent, la cérémonie, sa première nuit auprès de lui, son voyage de noces. Elle se croit jeune, ses papiers mentent, tout le monde ment.
La prose poétique de Katherine L. Battaiellie est splendide et l'on suit le monologue intérieur de cette femme, folle de désir pour un mari qui n'existe pas, pour un mariage qui n'aura pas lieu, un enfant qu'elle n'enfantera pas, une vie inventée, imaginée, rêvée qui ne sera jamais, une quête d'un bonheur en forme de mirage qu'elle poursuit inlassablement. Et ce monologue fou, insensé, ce flot de paroles d'amour et d'espoir est poignant et terrible. Car nous savons que cette longue quête ne mènera à rien sinon à la mort.
Je me retiens de recopier ici la dernière page que j'ai lue et relue tant de fois tellement je la trouve belle, émouvante de sincérité et de confiance. Elle y croit, jusqu'au bout, elle est portée par le désir d'être, de devenir enfin et, en attendant, elle se prépare, elle brode comme une Pénélope folle d'amour. Elle sent qu'elle n'a plus qu'à tendre la main et à fermer les yeux...
Katherine L. Bataiellie a su donner une voix à Marguerite et c'est magnifique d'entendre ses mots, bouleversants de vérité et d'émotion. Un très beau texte...
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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L'ouvrage issu de la collection livrets d'arts des éditions Marguerite Waknine, se présente comme un fascicule d'une cinquantaine de pages A4, pliées, non cousues, et s'ouvre en son milieu sur une oeuvre très célèbre de l'art brut : la robe de mariée créée par Marguerite Sir, alias Marguerite Sirvins, née en Lozère en 1890. Cette robe, remarquée par Jean Dubuffet, est aujourd'hui exposée au Musée de Lausanne en Suisse.
Marguerite Sirvins, modiste de son métier qui aimait la vie et ses plaisirs, fut internée à l'âge de quarante et un ans pour troubles schizophréniques à l'hôpital psychiatrique de Saint-Alban, un établissement de triste réputation. Elle y resta jusqu'à la fin de sa vie en 1957. Elle pratiquera dans cet asile l'aquarelle, le dessin ainsi que la broderie, en utilisant des morceaux de chiffons tissés à des soies de couleur, à des fils de laine qu'elle tirait de vieux chiffons. Elle travaillait d'instinct sans modèle ni esquisse. En proie à des hallucinations et à des délires paranoïaques de plus en plus fréquents, elle mit un terme à ses activités artistiques en 1955. Toutefois la créatrice entama dans les dernières années de sa vie son grand oeuvre : nourrie d'un rêve impossible, d'une quête quasi mystique, elle se mit à confectionner une robe pour ses futures noces selon la technique du point de crochet, avec pour simples outils des aiguilles à coudre et du fil issu de draps usagés. Un tour de force, de volonté et de patience, d'une finesse incroyable qui nous bouleverse par sa beauté et son contexte de création.
Le projet de l'auteur Katherine L. Battaiellie est ici de nous donner à entendre les pensées intimes de Marguerite Sir dans une sorte de monologue intérieur, un flux continu de conscience (d'où l'absence de ponctuation et les libertés grammaticales) avec ses dérives, ses égarements, ses rêves improbables. On entre au plus près de son esprit, de son âme, on écoute les voix qui l'habitent. On reste là, à ses côtés, à la regarder penchée sur son ouvrage, repliée sur son rêve, sur cette certitude inébranlable : son Amour, tel le Messie, viendra la chercher, l'emmènera dans sa maison et ce sera le Paradis : « avec ma robe je vais à une nouvelle vie qui sera ma vraie vie ». Sa vision idéalisée de l'amour et du mariage n'en est pas moins très concrète, très charnelle, d'où l'effet encore plus troublant sur le lecteur.
Au fil des pensées de Marguerite, on se fait une idée assez claire de l'arrière-plan terrible qui présida à cette création majeure de l'art brut : le plus grand dénuement moral, affectif et matériel, le froid, la faim, les moqueries, les harcèlements, les cris, les délires hallucinatoires, l'absence de soins… Et on s'étonne que, dans cette détresse sans nom, rien ne parvînt à la détourner de son projet. La robe de fête fut brodée jusqu'à son dernier bouton. Un vêtement tout en dentelle qui tenait des nids d'oiseaux, un subtil montré/caché qui ne fut jamais porté, jamais étreint par des bras aimants. le mannequin sans tête qu'habille aujourd'hui la robe au musée de Lausanne semble matérialiser le corps absent de Marguerite, la vie qui lui fut volée par la maladie et l'enfermement.
Outre le point de vue interne très poignant adopté par l'auteur, ce qui nous touche dans ce destin hors du commun, c'est la recherche forcenée du bonheur, cette croyance absolue en l'Amour que rien ne peut contredire, et surtout pas les réalités immédiates pourtant bien prégnantes. Coudre cette robe pour Marguerite, c'est retisser les fils de sa vie, c'est remailler le vide qui l'habite, c'est sublimer sa détresse envers et contre tout, avec le peu qu'elle a sous la main. Humblement, patiemment. Non elle ne sombrera pas dans ce mouroir, elle vivra, survivra, autrement. Elle défiera le temps, la raison, existera enfin en remplissant sa vie de milliers de petits trous. Maîtrisant le fil de son existence à la seule pointe de son aiguille, elle donnera une forme à son corps de femme jusque-là inutile, elle s'accrochera comme elle peut à ce qu'elle sent vibrer en elle. Marguerite ou la création patiente et obstinée, le rêve plus fort que la réalité. Un chas d'aiguille plus grand que la souffrance.
Katherine L. Bataiellie réussit, dans ce très beau texte, à nous transmettre avec finesse, sensibilité et réalisme la part artistique, infiniment poétique de Marguerite Sir, qui nous donne une leçon de vie essentielle : ne pas désespérer, jamais, continuer à faire, à croire à la beauté, quoi qu'il arrive, « pour toute l'étendue du temps devant nous ». Y a-t-il une autre exigence à l'art ?
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
ils ont lu un texte l'autre soir sur les Nymphes j'ai
compris que j'étais une Nymphe di-
minuée qui ne peut plus aller dans les bois se pro-
mener comme j'aimerais pour respirer l'air pur
et me vivifier au lieu de risquer chaque jour de
tomber dans le vide à travers les planchers parfois
je suis quelqu'un d'autre on m'a changée
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Video de Katherine L. Battaiellie (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Katherine L. Battaiellie
9 juin 2021 Entretien avec Katherine L. Battaiellie, poète, écrivain, le lundi 7 juin 2021. Entretien préparé et mené par Josiane Gelot et Chantal Ravel. Il a eu lieu chez Michel Bret. Georges Chich s'est occupé de la réalisation technique. Réalisation : Amis de l'AdVertance. Site : coincidencespoetiques.fr
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