Carla

Baudoin aimait les histoires de Lob.
Lob aimait les femmes de Baudoin.
Lob écrivit donc des histoires mettant en scène une femme comme Baudoin les aime.
Un méchant cancer rongeait Lob, qui l'ignorait. Inconsciemment, la Mort prit une importance considérable dans les histoires de Carla.
Carla, chauffeur de taxi, toute de noir vêtue, dans un taxi noir, qui roule dans la nuit noire d'une ville noire de toutes les maladies qu'une ville peut connaître.
Ses clients sont de pauvres épaves, qui embarquent avec leurs fantômes.
Si la Mort n'intervient pas directement, son envie, son empreinte, son ombre est toujours présente.
Et Carla, souvent spectatrice, parfois actrice de ses destins, joue un rôle de passeur, comme Charon sur la berge du Styx.
Puis le méchant cancer emporta Jacques Lob, laissant à Baudoin le soin de scénariser une dernière histoire.
Cette fois, Carla en sera l'héroïne et elle y rencontrera la Mort, avec qui elle a un compte à régler.
La boucle est bouclée.

Carla promène son taxi la nuit dans les rues d'une ville d'Amérique latine, et comme tous les taxis, elle fait parfois des rencontres surprenantes. Un amoureux transi, un architecte maudit et désespéré, un tueur au visage bandé… Ce sont des histoires de nuit, « des problèmes d'hommes simplement, des problèmes de mélancolie » comme chantait Léo Ferré… Des historiettes plutôt qui vous prennent au ventre et vous laissent une drôle d'odeur dans la bouche. Mais à la fin, c'est la vie qui gagne. Baudouin est un très grand dessinateur, le noir et blanc lui va à merveille avec ses grands aplats pour décrire la nuit. Lob était un immense scénariste. C'est très beau.