Après avoir lu à peu près tout du maître de Providence, je me suis laissé tenté par ce Voyageur Onirique de Guillaume Beck, que je ne connais pas, et dont je découvre ici l'agréable plume.
C'est avec un plaisir certain, et coupable, que je me plonge dans l'univers qu' a créé
Lovecraft, et dont ce récit en propose non seulement une lecture développée mais également une sorte d'hommage.
Guillaume Beck nous invite dans la vie de cet étudiant, non nommé, ami d'Herbert West, figure hautement légendaire de l'univers Lovecraftien, vie qui va se trouver bouleversée par l'émergence de l'existence d'une réalité incompréhensible pour l'esprit humain.
Je perçois ce livre avant tout comme un livre de fan. Je laisserai le soin aux lectrices (eurs) de se plonger et d'apprécier les nombreuses références, allusions au mythe de Chtulhu. L'auteur utilise le mythe pour construire son récit, qui ne tombe pas dans l'écueil du simple hommage. Beck ne se contente pas de citer
Lovecraft ou l'un de ses nombreux contemporains, mais il développe non seulement sa propre histoire, centrée autour du trio narrateur, Abi, Herbert West, mais également ses propres version et vision du mythe.
Son histoire se nourrit d'elle même, portée par les trois personnages principaux ( en réalité seulement deux, car West n'est ici que le vecteur de l'horreur et l'instigateur de l'intrigue), et d'ailleurs Beck revient sans cesse à la relation compliquée qui unit Abigail au narrateur. Très vite, on va comprendre que celle ci est le fil conducteur du récit, la base solide, sur laquelle on peut se reposer, sur laquelle on peut retomber sur ses pieds. Même si celle ci est mise à mal et en danger par les divagations cosmiques, oniriques et multiverselles du narrateur, Beck insiste pour revenir à cette réalité là.
Ainsi l'auteur construit patiemment et intelligemment son histoire autour de ce couple d'artistes, ainsi que son propos. On comprend pourquoi il a choisi de faire de ses deux personnages principaux des artistes, lorsqu'on lit ses réflexions au sujet des "simples d'esprit". Ce n'est pas un choix hasardeux puisque ceci participe profondément à ancrer les personnages dans une réalité concrète ( indispensable dans ce livre consacré à la dimension du rêve), et à définir leur personnalité et leur psychologie.
Il se dessine assez finement au fil du scénario l'idée que cet étudiant ( le narrateur donc) se trouve bien malgré
lui, embarquer dans une escapade cosmique qui le dépasse ( là on constate que Beck a bien fait ses devoirs et connaît son sujet), qui met son couple et son existence même en danger, et qu'il devra choisir entre sauver le monde ou sauver son couple... en gros, et bien schématiquement. Beck s'évertue à placer tout le temps ces deux axes en parallèle.
Je ne vous gâcherai pas le plaisir qui se cache dans les réflexions que proposent Beck sur les notions d'Ordre et de Chaos, ni comment il les intègre dans la caractérisation même de ses personnages, mais sachez que la finalité se trouve dans cette éternelle confrontation et dans la question de la place de l'être humain, et donc de chacun(e) d'entre nous en son sein.
On pourrait ne voir dans ce livre qu'un énième hommage à
Lovecraft, un simple bouquin pour passer un bon moment de lecture, les pieds en éventail, une chouette escapade dans l'univers horrifique de Chtulhu et compagnie. Oui c'est cela, mais pas seulement, car Beck pose cette question, et place ainsi son roman au delà même de la référence.
Merci Guillaume...