Annette Becker aborde un sujet historique peu traité : la vie dans les zones occupées, en France et en Belgique, par l'armée allemande durant la Première Guerre mondiale.
Il est vrai que pour ce conflit, nous focalisons, ou nous sommes amenés à focaliser, sur les combattants des tranchées. Il y a pourtant en arrière du front, mais aussi ailleurs en Europe et en Asie, d'autres drames qui ont lieu et qui touchent les populations sous occupation de l'ennemi.
Or, si l'on a glorifié le Poilu, les gouvernements de l'Entre-deux-guerres ont oublié volontairement les méfaits subis par les Français et les Belges situés derrière les lignes allemandes. Et, si ces exactions étaient connues durant le conflit, elles ont été rangées dans le chapitre de la propagande, considérées comme exagérées car il fallait faire de l'ennemi allemand un monstre.
Cependant, sur l'avant de notre front, c'est à dire derrière les Allemands, prises en étau, ce sont des populations de femmes, d'enfants et d'hommes inaptes pour diverses raisons au combat qui subissent le comportement, politiquement voulu par le gouvernement berlinois, des troupes d'occupation. Il s'agit de déportation, de camp de concentration (déjà!), de violence sous toutes ces formes, de travail obligatoire, de vol et de confiscation laissant les populations dans le tourment et la famine. Alors qu'il existait des traités internationaux protégeant les non-combattants (Traité de la Haye, 1908).
Même, cette après-guerre ressemble à la suivante puisqu'il y a eu des scènes de femmes tondues, suspectées d'avoir fricotées avec les Allemands.
On parlera peu de ces atrocités après 1918, le pacifisme prenant le dessus sur le patriotisme et le nationalisme. Même le féminisme montant sera aveugle aux violences faites aux femmes durant cette époque. On parlera de l'héroïsme des soldats des tranchées et pas de la collaboration des Boches du nord comme on appelait les Français et les Belges sous administration allemande. Et que dire de l'ambiguïté de la libération de l'Alsace-Moselle qui verra la distinction entre les Alsaciens français et des colons allemands, différences parfois peu visibles surtout pour les enfants de binationaux alsaco-allemand.
Pourtant, on oublie que les « Boches du nord » ont résisté à leur manière aux violences qui leur ont été faites. Certains ont même agit, comme le feront plus tard ceux de la Seconde guerre mondiale, payant le prix du sang devant des pelotons d'exécution pour avoir voulu défendre leur Patrie, résistants eux-aussi.
Tout le mérite de cet essai historique est dans son sujet. Cela nécessitait une étude et
Annette Becker a bien fait de s'en servir. J'ai regretté le style et l'architecture des chapitres qui rendent parfois peu fluide la lecture. Cependant, c'est un ouvrage qui mérite d'être parcouru, car finalement, un siècle plus tard, tout n'est pas encore dit sur ce premier conflit mondial.