Anaximandre est complètement fascinée par Adam Forde, son histoire, sa vie et par ce grand dilemme, que l’on pressent comme mythe fondateur de cette nouvelle société futuriste, qui a pris la suite de la notre. Elle ne comprend pas pourquoi elle se trouve seule à être obnubilée par cette recherche de la vérité autour de ce que fut la vie d’Adam et ce qui a déclenché ce grand dilemme. Contrairement à elle, ses camarades de classe s’en désintéressent et ne cherchent pas à aller plus loin que les cours qu’on leur a donnés.
Par hasard, elle rencontre Périclès, ancien membre de l’Académie, qui va l’aider dans ses recherches. Il lui parle d’autres personnes comme elle, qui peuvent prétendre à entrer à l’Académie, en soutenant une thèse sur Adam et ce mythe fondateur qui aurait la faveur du Jury. Anax s’y prépare et compte bien réussir, là où elle sait que tant d’autres ont échoué avec les conséquences qu’elle ignore, mais que tous pressentent terribles.
Genesis s’ouvre sur les premiers instants précédant sa soutenance. Les examinateurs l’écoutent, la questionnent, peaufinent leurs interrogations jusqu’au dénouement final...
Ce petit opus est une pure merveille. Et je n’aurai pas dit cela au bout des 50 premières pages. Si je m’étais arrêtée là, il aurait à peine eu droit de citer dans mes lectures. Et c’est ce contraste avec la fin qui nous « cueille » littéralement, qui fait qu’on referme le livre en se disant : « Wahou ! » ! Tout prend sens à la dernière page...
J’ai partagé les réflexions essentiellement philosophiques d’Anaximandre comme un pisteur qui relèverai les traces d’un animal sauvage au sol - là Platon, ici un soupçon d’Aristote et Descartes (je n’ai pu m’empêcher de penser à Edgar Morin, même s’il n’est sans doute pas pointé dans ce texte) légèrement remaniés mais sans trop de travestissement : l’auteur ne veut pas nous perdre, il veut nous faire réfléchir... -. Mais comme ce pisteur, je me suis trouvée nez à nez avec une chimère, là où lui s’attendait à trouver un lion, et moi une...
Je n’en dirais pas plus, tant je m’en voudrais de vous gâcher la chute !
Lisez-le ! Vous ne le regretterez pas...
Et à l’occasion vous me direz pour Edgar...
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Mélanger SF et philosophie, voilà un concept original, qui de prime abord pourrait rebuter certains. Viser un public large, y compris de jeunes adultes semblait encore plus aventureux.
Ce très court roman se lit pourtant d'une traite, et l'auteur à su rendre l'histoire à la fois prenante et enrichissante intellectuellement (ce n'est pas tous les jours...).
Sur le thème de la conscience et des rapports avec l'intelligence artificielle, le roman nous décrit de manière unique comment une société pourrait évoluer face à des machines "intelligentes".
Le livre regorge de réflexions philosophiques au service d'une véritable histoire et même d'un suspense sur la fin ; il sait rester accessible, et en surprendra plus d'un.
A lire entre deux romans « traditionnels », pour changer de perspective.
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Je ne suis pas une machine. Qu'est-ce qu'une machine peut connaître de l'odeur de l'herbe humide au petit matin ou du son d'un bébé qui pleure ? Je suis la sensation de la chaleur du soleil sur ma peau ; je suis le frémissement d'un petit vent frais qui me berce. Je suis les endroits que je n'ai jamais visités, mais que j'imagine en fermant les yeux. Je suis le goût de l'haleine d'une fille, la couleur de ses cheveux.
Tu t'es moqué de ma faible durée de vie, mais cette peur de mourir, c'est justement ce qui insuffle la vie en moi. Je suis le penseur qui pense à la pensée. Je suis la curiosité, je suis la raison, je suis l'amour et la haine. Je suis l'indifférence. Je suis le fils de mon père, qui était lui-même le fils de son père. Je suis la raison pour laquelle ma mère a ri et celle pour laquelle elle a pleuré. Je suis l'émerveillement et la merveille. Certes, le monde peut actionner tes boutons quand il traverse tes circuits. Mais le monde ne passe pas à travers moi. Il y reste. Je suis le monde et le monde est ce que je suis. Je suis le biais par lequel l'univers en est venu à se connaître. Je suis la chose qu'aucune machine ne parviendra à fabriquer. Je suis le sens.
Ce n’est pas la conscience à laquelle tu t’accroches, car comme je te l’ai montré, elle est facilement reproductible. Ce que tu voudrais, c’est l’éternité. À partir du moment où on lui a promis une âme, l’humain a été hypnotisé. Cette âme dont tu parles, c’est en fait de la peur. Et l’idée qui surgit dans les périodes de peur est une idée que l’on ne peut pas chasser. L’âme vous offre un confort, et en échange, ne réclame que votre ignorance. C’est un troc que vous ne pouvez vous permettre de refuser. C’est pour ça que tu t’énerves contre moi. Parce que tu es terrifié par la vérité.
Nous souhaitons que le peuple serve l’État avant lui-même, mais nous nous sommes rendu compte des limites de cette ambition. Même l’animal le plus apprivoisé s’aigrit si on néglige ses besoins. Le peuple ne croit plus à la menace qui a autrefois plané sur lui, et il s’est habitué à l’alimentation qu’on lui fournit. Il a gagné en suffisance et s’est mis à penser à autre chose. Les rumeurs vont bon train dans les communautés.
Or, il s’agit là de quelque chose de vivant : ça bouge et grandit, ça se transforme. Le peuple parle de choix, d’opportunités et de liberté. Le peuple parle de changer le monde.
La seule chose qui lie les individus entre eux, ce sont les idées. Les idées mutent et se propagent. Elles changent de détenteur autant que leurs détenteurs changent d’idées.
EXAMINATEUR : Savez-vous pourquoi vous êtes devant l'académie ?
ANAXIMANDRE : Je crois pouvoir le deviner.
Après la grande guerre, il avait été décidé que les androïdes n'auraient pas seulement le visage, mais aussi le corps d'un orang-outang.C'était un pied de nez à l'espèce qui les avait précédés. Jusqu’à' à cet instant, Anax avait été fière de son héritage. Mais tout à coup, comme elle regardait son corps velu, son estomac proéminent, ses jambes courtes et arquées, elle se sentit mal à l'aise, étrangère. Elle pensa à Adam, aux proportions élégantes de son physique humain. Elle sentit le mensonge s'abattre sur elle, ainsi q'une montagne de déception. "Voilà donc ce que nous sommes, se dit-elle. les plus grands des imposteurs."