Lâcheté, rédemption, pardon, comment vivre sa propre culpabilité? Comment affronter les fantômes de la mémoire? Comment panser les blessures infligées aux autres? Comment faire le deuil des défunts: un frére, une mére ?
De quelle manière affronter ,sans subir l'opprobre,le regard de tous,après quinze ans d'absence? A l'occasion de l'enterrement de sa mére, Michiel Steyn, jeune afrikaner né dans une famille blanche d'Afrique du Sud, renoue avec les siens au sein de cette ferme familiale nommée "Le Paradis"oú orangers, citronniers, cerisiers, pommiers abondent.....il se souvient de ce qui l'a poussé à fuir.....il cherche partout les traces de son enfance et de sa jeunesse, de l'homme qu'il était avant le drame et l'exil.....Les tyrannies de la nostalgie,du regret et du remords l'assaillent...je n'en dirai pas plus....il a profondément blessé sa mére,une intellectuelle, férue de litterature, figure rayonnante et ouverte aux autres, contrairement à son époux, conservateur, acariâtre, ce pére tant redouté. C' est cette mére, morte d'une crise cardiaque, qui a permis le retour du fils , en analyse depuis des années..." le petit dernier par qui était arrivée l'infamie" comme le narrateur lui-même se décrit. Ces funérailles réveillent des douleurs intimes et des rancoeurs familiales qui révèlent les fractures de l'Afrique du Sud, un pays en pleine mutation. Les déboires de Michiel ne sont rien comparés au drame de son frére ainé,Piet,homosexuel non assumé dont la mort hante à jamais la famille Steyn et ses silences....Les femmes , telle ,Lerato, fille de domestique, noire, devenue , à la force du poignet, cadre supérieure dans une multitude nationale ou Karien , la généreuse, premier amour de Michiel incarnent avec force l'évolution de ce grand pays!
C'est un ouvrage intense et complexe à l'écriture sobre, poignant et puissant,généreux et foisonnant qui brasse de multiples thèmes , oú le racisme,les ravages du sida, l'homosexualité, tant honnie dans ce pays, dans les années 80 sont évoqués au même titre que la charte de la liberté, les droits des femmes, les sévices infligés à un camp ou l'autre, l'intégration....
Un propos lucide , touchant de sensibilité où les émotions de l'enfance côtoient la disparition d'un certain monde, la nostalgie d'un homme, "le délicat suaire du souvenir" et la naissance d'une nouvelle Afrique du Sud !
Magistral! On pense à A.Brink ,à N.Gordimer ,
J M Coetzee(
Disgrace)