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La recette utilisée par les auteurs est la même que préalablement.
A l'aide de quelques ingrédients impeccablement dosés, le lecteur entre progressivement dans le récit, quittant sa place d'observateur pour finir aux côtés de Michel à arpenter les pistes de la forêt tropicale. Comme lui, on est obnubilé par l'idée de rallier Ciudad Perdida (là qu'Étienne a été enlevé), nous sommes convaincus que c'est un endroit incontournable, le “vrai” point de départ de la quête de Michel. Cette immersion progressive dans l'univers fictif, je ne l'ai remarquée qu'au moment de refermer l'album, comme si je me retrouvais projetée dans mon salon alors que l'instant d'avant, j'étais aux côtés des Indiens Kogi.
Ici pourtant, le charme n'opère pas autant que dans le premier album où l'effet “découverte” était total. le parcours du personnage principal n'en est pas moins crédible, tant au niveau psychique que physique. Il n'hésite pas à se remettre question, ne se leurre pas sur le sens de sa démarche et la réflexion qu'elle lui permet de faire. Une crise de la cinquantaine très finement traitée par les auteurs. Un homme courageux qui accepte ses faiblesses. Un homme qui, loin des appuis sur lesquels il peut habituellement compter (son épouse, ses amis…), fait le bilan de sa vie et du sens qu'il lui a donné.
Je m'attendais à retrouver un personnage confiant (en lui, en sa démarche). En effet, j'avais trouvé qu'il parvenait à prendre facilement ses marques dans ce pays inconnu. Pour quelqu'un qui n'avait jamais voyagé auparavant, la première partie de Au nom du fils nous avait montré que cet homme s'adaptait facilement, comme s'il avait “le voyage dans le sang”. Pourtant, dans ce second album, nous allons le voir déstabilisé. Sans faire le constat d'un échec, il se rend compte qu'il est peu attaché à sa vie telle qu'elle est actuellement. Il ne remet pas en cause les sentiments qu'il a pour sa femme, mais il a l'impression d'avoir traversé son existence comme un automate. Il a mis de côté ses rêves, ses passions, ses convictions… au profit de quelque chose de très conventionnel (métro, boulot, dodo). Nous le découvrons donc en plein tâtonnement, en pleine crise existentielle… chose à laquelle je ne m'attendais pas.
Serge Perrotin nous prend donc une nouvelle fois à contre-pied, sème le trouble et fait repartir son récit grâce à une nouvelle donne. Sans jamais s'emballer, cette réflexion est accompagnée par un rythme narratif qui crée peu à peu une tension (peur de l'échec, peut-il se fier à son instinct ?…). le scénariste met à nu son personnage. J'ai ressenti une réelle empathie pour ce héros et la présence de la voix-off du narrateur y est pour beaucoup, elle donne une profondeur inattendue à cette aventure humaine.
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