Le temps Faulknérien est celui qui s'écoule hors des lieux clos qui contiennent, en plus de la lampe, du poêle, de la table, du fauteuil, de la plume et du papier, une horloge. Il n'est pas la coulée transclucide qui baigne des êtres immobiles, la substance égale de vies sûres, pacifiques où l'on passe, à intervalles réguliers du bureau à la salle-à-manger et, de là, à la chambre lorsqu'il est l'heure de dîner puis celle, qui lui succède, de se coucher. Il est l'aliment du différend que nous avons avec l'adversité, la ressource principale et le principal ennemi dans nos démêlés avec la haine et la souffrance, l'obstacle et le devoir. Il ne s'agit pas de métaphysique mais de physique, de cette énergétique qui exclut toute espèce de considération excédant le cercle étroit, immédiat, de son application, le laps de temps infinitésimal sur lequel oscillent, avant de basculer, de se figer, le sens d'une vie, la figure d'un destin.
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Dans le bruit et la fureur Faulkner, si l'on peut dire, casse par Quentin interposé, la montre des romanciers classiques, la durée morte de la narration où s'engluaient les situations. (...) Exemple(s).
L'un de 1932, dans Lumière d'Août. Il s'agit de la fuite de Christmas : "Quand il pense au temps, il lui semble maintenant que pendant trente ans, il a vécu au milieu d'un cortège bien ordonné de jours porteurs de noms et de numéros, comme les piquets d'une palissade et qu'une nuit, s'étant endormi, il a constaté au réveil qu'il n'était plus au milieux d'eux"
Les conséquences de cette relativisation sont incalculables. Ce sont les versants opposés à la vie, les termes antagonistes de notre condition, sa dualité qui, subitement, se trouvent réunis dans le seul registre où leur incompatibilité puisse trouver une résolution : celui de la littérature. Faulkner abdique les prérogatives de l'éloignement, du silence et du confort, le regard distant, paisible, toujours ironique et parfois méprisant, par delà les écoles, les époques et les frontières, les hommes occupés, depuis un siècle et plus, à montrer la vie derrière la vitre, qu'ils ne savent pas déformante, de la fenêtre du bureau. Il adopte, systématiquement, le point de vue de ceux pour qui rien n'est encore dit ni écrit mais se joue dans le temps bouillonnant, fatal -et non pas étale, homogène, arrêté où la plume glisse lorsque tout est consommé-
La vision artistique doit se dégager des représentations intéressées qui lui préexistent et leur disputer continuellement sa possibilité
Cette semaine, Augustin Trapenard est allé à la rencontre de Pierre Bergounioux à l'occasion de la sortie en poche de son livre "Le Matin des origines" aux éditions Verdier. Ce merveilleux ouvrage célèbre l'ancrage profond dans ses racines, dans les terres du Quercy entre Lot et Corrèze, où l'auteur a grandi, dans la chaleur de la maison rose et au sein des paysages qui ont façonné son être. Ces souvenirs, imprégnés dans sa mémoire, représentent une part essentielle de son identité qui demeure là-bas. À travers ces pages, Pierre Bergounioux évoque avec justesse le lien puissant que la terre tisse avec nos souvenirs et nos émotions, révélant ainsi le pouvoir des lieux familiers pour donner du sens à notre passé et à nos moments les plus heureux.
Il était donc évident qu'Augustin Trapenard se déplace au coeur de cette histoire, sur les contreforts du plateau des Millevaches, dans sa maison de Corrèze pour un retour aux origines de la vie et de l'écriture.
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