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Claude Bleton (Traducteur)
EAN : 9782021028393
262 pages
Seuil (10/03/2011)
3.74/5   36 notes
Résumé :

Karen Nieto est une petite fille aux "capacités différentes". Les meilleurs spécialistes la considèrent une autiste irrécupérable mais partiellement dotée de génie : sa mémoire et son appréhension de l'espace sont exceptionnelles. Karen est l'héritière d'une importante flotte de bateaux thoniers et de la plus grande conserverie du Mexique. Au contact des pêcheurs elle découvre la plongée sous marine avec délices et les massacres de thon avec horreur, et ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Nous sommes en 1978, au Mexique.
Karen Nieto est autiste. Maltraitée par sa mère et quasiment abandonnée, elle est recueillie par sa tante Isabelle lorsque celle-ci hérite de la conserverie de poisson familiale « Atunes Consuelo ».
Isabelle, avec amour et patience, sort sa nièce de son enfermement psychologique sans lui mettre d'oeillères. Hypersensible, proche des animaux, dotée d'une fabuleuse mémoire, d'une concentration exceptionnelle et d'une perception visio-spatiale incroyable, Karen éprouve de véritables difficultés au contact du monde extérieur. Elle a besoin de se retrouver en elle-même, de se retrancher du monde et des hommes. Elle n'y parvient que suspendue au plafond dans sa tenue de plongée ou au fond de l'océan en compagnie des poissons. Elle y découvre le monde de la pêche industrielle, gagne-pain de toute une communauté et finit par imaginer une pêche qui ne fasse pas souffrir les poissons, qui permette d'épargner les dauphins et de ce fait rentabilise l'affaire familiale quasi en faillite à cause de l'embargo américain et des récriminations écologistes. Elle s'essaye à une formation de zootechnicienne à l'université mais est freinée par un professeur malveillant et jaloux.
La gestion de la société va la rendre célèbre et je n'en dévoile pas plus, je vous laisse le soin de découvrir ce livre.


Karen se raconte, utilise de façon péremptoire le « Moi » avec majuscule pour dire : « je suis là, je suis vivante et j'ai des capacités même si elles sont différentes, je suis limitée par des phobies, des fixations mais je peux réaliser des choses selon mon intuition, mon regard instinctif ». Elle s'insurge contre l'idée cartésienne que l'on pense avant d'exister. "Elle sait bien, elle, qu'elle existe d'abord et que parfois, avec peine, elle pense"

Karen arrive à s'ouvrir aux autres parfois oui, parfois. J'ai été touchée par sa relation avec sa tante Isabelle, son amoureux transi Ricardo, l'étudiante Selma, émue par ce personnage d'une autre dimension. Grâce au livre, j'ai eu la conviction de comprendre une personne "différente".

L'écriture est fluide et contemporaine. Sabina Berman insère dans son texte des dessins, des smileys et son récit est souvent teinté d'humour grâce aux réactions naïves et quelques fois inappropriées de Karen face aux humains standards. Une motion spéciale à la scène du wc au Japon.
« Moi » de Sabina Berman est un roman vraiment original, délicieusement rafraichissant et donc une très belle découverte permise par Masse Critique et les Editions du Seuil. Je les en remercie encore.

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Roman reçu dans le cadre de Masse Critique.
Karen est "mademoiselle capacités différentes". Elle livre ici ses souvenirs à partir de sa naissance, vers l'âge de 12 ans. Cette enfant autiste va apprendre petit à petit à "imiter" les êtres humains : parler, communiquer, serrer la main, exprimer des émotions... Jusqu'à intégrer l'université et même diriger une multinationale. A l'aide de sa tante, du contact avec la mer et les marins, et surtout grâce à ses capacités différentes, Karen va s'ouvrir au monde : des humains bien entendu, mais surtout au monde animal, naturel et au monde de la pensée.
Aristote ne trouve pas grâce à ses yeux : "Sur le texte d'un certains Aristote, qui affirme que les humains sont uniques parce qu'ils ont une âme, des sentiments et une intelligence, tandis que les autres animaux sont des robots complexes sans âme, sans esprit, sans raisonnement et sans la capacité de souffrir ou de ressentir, j'ai écrit un seul mot : Stupide". (p.80)
Et voici ce qu'elle dit de Descartes : "Descartes écrit : Je pense, donc j'existe. Voilà qui est, de façon claire, nette et définitive, stupide. L'être humain, comme n'importe quelle chose existante, existe d'abord, et ensuite, par moments, pense". (p.82)
Pour elle la distinction homme/animal n'est pas pertinente, n'est qu'une construction de l'homme. Elle va ainsi prendre fait et cause pour Charles Darwin et la théorie de l'évolution qui ne pose pas de rupture entre l'homme et l'animal : "ce que Darwin pense de la vie est plein de soleil, de mouvement et de toutes sortes d'animaux. [...] il ne vit que des ressemblances, celles qui existent entre les êtres vivants" (p.95-96).
Héritière de l'industrie thonière, Karen va passer sa vie à tenter de résoudre ce paradoxe : patronne d'une industrie meurtrière mais végétarienne convaincue que manger des animaux est une forme de cannibalisme.
Ce roman est une vraie bouffée d'oxygène. Un texte moderne, aéré, fluide et bien construit. le personnage de Karen est très attachant. Ses questionnements deviennent nôtres. le rythme des "Moi" scande le texte, le parcours de cette jeune femme. Elle ne nous paraît plus si différente ou idiote, la frontière s'estompe entre elle et les "normaux", voire s'inverse. Malgré ses difficultés à communiquer, à ressentir des émotions complexes, son empathie avec le monde est franc, simple, direct.
Un très joli roman qui nous tient et nous reste.
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Karen n'est pas idiote, ni handicapée, ni malade mentale, non. Elle a juste des « capacités différentes ». C'est ce que lui répète sa tante qui l'a recueillie alors qu'elle n'était encore qu'une enfant, abandonnée dans une cave et maltraitée par sa mère, telle une enfant sauvage.

Et c'est ce qu'elle n'aura de cesse de se dire tout au long de sa vie, pour se persuader - et persuader son entourage - qu'elle peut, elle aussi, faire de grandes choses.

Car Karen est autiste. Tout à la fois enfermée dans son monde, incapable de contacts avec l'extérieur (elle mettra des années à arriver à serrer la main à quelqu'un), mais dotée en même temps d'une mémoire exceptionnelle et d'une appréhension de l'espace impressionnante.

Sa tante Isabelle essaye tant bien que mal de la sortir de son enfermement psychologique, et comprend vite que Karen n'apprendra rien et ne fera aucun progrès dans l'école spécialisée dans laquelle elle l'a inscrite. Elle la prend donc à ses cotés dans l'entreprise dont elle a hérité et qu'elle dirige avec poigne mais non sans difficultés. Il faut dire que le monde de la pêche thonière est en effervescence au Mexique : les Etats-Unis proclament l'embargo, réduisent les zones de pêche et il devient quasi impossible d'exporter le thon, même s'il provient de la plus grande conserverie du pays.

Karen découvre ce monde de la pêche industrielle, ainsi que les diverses activités de l'entreprise. Elle va découvrir également ces fameux poissons qui sont le gagne-pain de toute une communauté. Son apprentissage du métier lui fait vite comprendre que la pêche au thon est un véritable massacre, et même si les méthodes son reproduites depuis la nuit des temps. Une idée germe dans son esprit (lentement, chacune de ses idées mettra des années à se concrétiser). Elle va tenter de trouver d'autres solutions pour allier pêche "propre" et rentabilité, inventer une pêche qui ne fasse pas souffrir les poissons et qui permette également d'épargner les dauphins qui se trouvent régulièrement pris dans les filets, et par-là arriver à inonder ensuite le monde des produits de la firme familiale.

Elle découvre également la plongée sous-marine et ce monde envoûtant dans lequel elle se sent enfin bien, à l'abri sous les mètres d'eau, flottant sans pensées, et surtout en compagnie des poissons dont elle pense comprendre le mode de fonctionnement, l'instinct. Car Karen, même en grandissant, reste autiste : elle a besoin de se retrouver en elle-même, de se retrancher du monde et des hommes... Elle n'y arrive que suspendue au plafond dans sa tenue de plongée ou au fond de l'océan en compagnie des poissons, toujours prisonnière de ses démons et de sa maladie qui l'exclut des contacts humains dits normaux.

Karen se passionne aussi pour Descartes et Darwin et pour l'énoncé : je pense, donc je suis. Pour elle, ce serait plutôt le contraire, elle EST ("moi, je suis", c'est comme une rengaine dans sa vie, pour en quelque sorte se prouver qu'elle existe vraiment : moi, moi, moi), et parfois elle arrive à penser normalement. Comme le font les animaux autour d'elle et plus particulièrement les poissons.

La gestion de la société va la rendre célèbre. En passe de devenir, malgré son handicap, une véritable femme d'affaires, Karen va cependant se retrouver sous la menace d'écologistes extrémistes qui bannissent ses techniques révolutionnaires. Elle va devoir prendre d'autres décisions...

Voici un roman vraiment original que j'ai dévoré. J'ai adoré cette Karen, si atypique, si étrange, géniale et attardée tout à la fois, attendrissante toujours. J'ai aimé cette plongée dans l'univers maritime, j'ai été fascinée par la relation de Karen avec les poissons et avec les hommes, si diamétralement opposée. J'ai été impressionnée par les capacités de cette femme qu'on aurait dite bonne pour l'asile au départ à sortir de sa gangue, à tenter de communiquer, de s'ouvrir au monde.

Et puis j'ai aimé aussi l'humour, parfois noir, de ce texte, ce "moi" scandé, cette ouverture étonnante sur un monde de pensées totalement étranger du nôtre, de notre logique d'hommes et femmes "normaux".
Suite sur Les lectures de Liliba
Lien : http://liliba.canalblog.com/..
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Au début de Moi (le titre original traduit ressemblerait à : La femme qui plongea à l'intérieur du centre du monde), le roman de la mexicaine Sabina Berman, la narratrice et héroïne est une enfant sauvage, un petit animal qui ne sait ni lire ni écrire et se nourrit de sable. Eduquée par sa tante, tant bien que mal, elle est considérée comme "autiste", avec des qualités supérieures à la moyenne dans un certain nombre de domaines. Elle découvre son identité en plongeant dans l'océan, devient femme d'affaires dans "l'assassinat humanitaire de thons" avant d'être menacée de mort par une organisation écologiste terroriste. Et ce n'est qu'un résumé très succinct de la trame de ce roman qui se présente sous forme de fable absurde et morale. Il y est question également de Descartes, dont il faudrait "brûler tous les livres" et de Darwin, un grand homme, celui-ci. On ne peut dénier à Sabina Berman des talents de conteuse hors pair, d'autant qu'elle a un sens de l'humour réjouissant et une imagination débordante. D'un autre côté, il est certain que l'aspect "Rain man" aquatique et écologique est parfois agaçant, dans le sens où la romancière ne se prive pas de nous faire avaler tout et n'importe quoi. Il y a également quelque chose d'Amélie Nothomb dans le regard sur le monde que prête Sabina Berman à son personnage principal. Dans l'esprit, en tous cas, car le livre est plus étoffé et détonant que ce que peut écrire la bestselleuse belge. Quoi qu'il en soit, c'est une lecture globalement agréable et même irrésistible dans certaines scènes (l'orgasme dans les toilettes japonaises). Un livre à conseiller à tous les poissons du monde et, notamment, aux thons. Pour son ton, bien entendu.
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Ce livre m'a marquée et mérite tellement plus de lectures.
Cette jeune enfant qui grandit en dirigeant une affaire de pêche au thon est un personnage très bien mené. Avec son autisme, elle perçoit la pêche avec un regard plus franc. Je me souviens avoir été à la fois comme dérangée par ces scènes d'abattage et en même temps totalement embarquée par la rigueur du processus et sa réalité à travers les mots.
J'ai pensé à cette femme dont on m'a parlé sans que je me souvienne de son nom, autiste, touchée par la souffrance des animaux, qui a pris le problème dans son sens : pas devenir vegan mais améliorer drastiquement les conditions d'abattage. Je trouve que ce mode de pensée colle au personnage de ce roman que j'ai lu il y a quelques années et reste une de mes meilleures lectures.
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critiques presse (1)
Lexpress
28 juillet 2011
Un roman inclassable, original, même si les filets de la Mexicaine plongent parfois dans des eaux trop angéliques, avec une morale qui aurait gagné à être moins appuyée.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Je n’avais que 4 visages. Qui exprimaient panique, joie, neutralité et absence de Moi. Si je devais entrer en relation avec d’autres personnes à l’université, je devais diversifier mes visages.
Regarde bien l’ordinateur, a dit ma tante. Tu le branches et on entend une musique, comme s’il disait je suis là, je suis prêt. Tu ouvres un dossier et on entend piiiin. S’il traîne un peu quand tu lui demandes quelque chose, on voit apparaître un sablier qui te dit : Un moment, je réfléchis. A vrai dire, l’ordinateur n’a besoin de faire ni bruit ni signes, mais personne n’utiliserait un ordinateur si celui-ci ne montrait pas qu’il est en communication avec l’usager. Ce que je veux dire, c’est que tu dois donner plus de signes aux autres, Karen, plus de visages.
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Quand ma tante s’est-elle faite à l’idée que la chose était sa nièce ? Je ne sais pas. Mais elle s’est faite à l’idée, et elle s’est donné pour mission de la transformer en être humain.
Pour commencer, elle s’est donné du mal pour qu’elle dise un premier mot :
Moi.
Moi.
Moi.
Elle la prenait par la main et l’emmenait à la plage, elle étalait un tissu rouge sur le sable brûlant et l’asseyait là, les genoux contre la poitrine, et la chose devait dire Moi, Moi, face au vent et à la mer.
Voilà comment je suis née. Moi, un 21 août 1978, face à la mer, en criant Moi à plein poumons, complètement formée et tondue, tout à sa place, y compris les socquettes et les sandales.
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En bref, je sais que je suis une retardée mentale, du moins comparée aux humains standard. Je sais qu’aux tests standard de QI je suis classée entre les idiots et les imbéciles, mais j’ai de grandes qualités et elles sont au nombre de 3 :
1. Je ne sais pas mentir
2. Je n’ai pas d’imagination. C'est-à-dire que les choses qui n’existent pas ne m’inquiètent pas et ne me font pas mal.
3. Enfin, je sais que je sais uniquement ce que je sais, et il y a encore plus de choses que je ne sais pas, et que je suis sûre de ne pas savoir.
Comme je viens de le dire, à la longue cela m’a donné un gros avantage sur les humains standard.
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Pour Moi, en revanche , et je crois l’avoir déjà écrit, les Japonais sont les humains les plus sympathiques de la planète, pour les raisons exposées plus haut, et pour quelques autres, que j’ai découvertes pendant l’année que nous avons passée à Tokyo.
Ils ne serrent pas la main. Ne s’approchent pas à moins de 50 centimètres l’un de l’autre. Ne regardent pas dans les yeux. Ne vous invitent jamais à dîner chez eux et ne posent jamais de questions sur votre vie personnelle. 99% d’entre eux sont plus petits que Moi. D’accord, ils parlent beaucoup, comme tous les humains, et sur un ton aigu parfois très désagréable à l’oreille, si on écoute avec attention, mais heureusement ils parlent en japonais, et Moi, je ne comprends pas le Japonais, j’étais donc au milieu d’eux, dans les rues, dans les boutiques et dans le métro, comme si je me promenais dans une forêt de petits arbustes ambulants peuplés d’oiseaux gazouillants.
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"Pendant ces journées, les plus longues de ma vie, les plus paisibles, nous nous appliquons, elle et Moi, à exister.
A exister, ce qui revient pour Moi à désapprendre la hâte. A relâcher les muscles du cœur et le laisser battre à son rythme. Etre de nouveau dans la chaleur du soleil sans penser à la chaleur. Manger quand la faim a faim, obéir au sommeil qui arrive quand la nuit arrive et quand l'obscurité recouvre toute chose, et quand les choses dans l'obscurité peuvent se reposer.
Etre de nouveau. Etre et voir. Et tout voir tel que c'est, uniquement tel que c'est aujourd'hui, car nous ne savons pas s'il en sera toujours ainsi".
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Moi Marque-page 13-05-2011
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