Je suis couchée sur l’horizon et je regarde frémir l’herbe courte contre le ciel de l’aube blanche. Il s’est vidé de toute étoile ; le vent juste levé a chassé la dernière sans doute…
La fraîcheur du matin me rend consciente de la tiédeur douillette de mes couvertures et je souhaite presque qu’un frisson vienne conter moi… Je me blottirais plus profondément dans la douceur de mon bivouac.
Secrètement, s’élève du sol une silhouette qui s’étire sans bruit, hormis le frémissement des herbes alentours. Elle est grise, haute et longue : c’est Moussa. Il étire ses bras jusqu’au sommet du ciel et, lentement, face à l’Est, refait son chèche. Murmure. Maintenant, Moussa prie et sa prière passe furtivement comme le vent. Le simulacre de sa toilette devant Dieu ( visage et mains), ce simulacre, je le devine bien que je ne voie de Moussa que le dos, porte sombre sur le ciel ouvert. Tandis que me parviennent quelques mots doux et monotones, sa silhouette se courbe sur l’horizon, puis s’évanouit à hauteur des tiges de fenouil. Dans sa prière, le front de Moussa baise la terre, cette terre froide que ne touche pas encore la lumière du plein jour.
Un souffle de vent qui court à ras de terre ferme mes paupières. J’ai droit à un sursis d’immobilité avant que s’achève, ce matin comme chaque matin, la première prière du jour. Je suis habituée au rythme des prières quotidiennes étalées du lever du jour à l’heure du sommeil ; j’aime le calme et l’immobilité que requiert chacune d’elles ; je goûte pleinement ces paisibles parenthèses, vite ouvertes et closes, dans notre train de vie bruyant. La pureté de ces moments me met en grâce, même si Kader m’assure qu’il a prié pour moi mais que je n’ai pas beaucoup de chance d’aller ailleurs qu’en Enfer !
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