Briançon, petite sous-préfecture des Hautes Alpes, à 11km de l'Italie par le col de Montgenèvre, 37 par celui de l'Echelle, est devenue lieu de passage pour de nombreux migrants d'Afrique et du Moyen-Orient. Face à cet afflux d'exilés,
Stéphanie Besson, l'auteure du livre, briançonnaise et accompagnatrice en montagne a décidé d'agir en conformité avec ses valeurs : la tolérance, l'hospitalité, le vivre ensemble. « En montagne, on n'abandonne personne, pas même son pire ennemi ».
Ils s'appellent Ali, Mohamed, Ibrahim, Idriss, Yayha, Sinaly, Justin, M.Bah, Falah, Ayman....ils sont Nigérians, Soudanais, Burkinabés, Guinéens, Ivoiriens, Syriens, Afghans, Érythréens, Iraniens. Ils ont fui la torture ou la misère économique, fui pour reconstruire une vie dans cette Europe qu'ils voient comme un Eldorado et quand ils ont réussi à traverser la Méditerranée c'est pour trouver au mieux l'indifférence au pire la rue, les camps et la menace du renvoi dans leur pays d'origine. Alors ils veulent continuer leur route, coûte que coûte, et pour éviter d'être contrôlés et renvoyés en Italie, ils se lancent à pieds , souvent de nuit, à travers la montagne.
L'association Tous migrants, dont
Stephanie Besson est la cofondatrice, est née fin 2015 de l'indignation devant le sort de tous ces exilés et « se positionne fermement pour le droit de demander l'asile dans le pays de son choix, le devoir de fraternité inconditionnelle et la défense des droits fondamentaux. »
C'est ce combat ( l'auteur parle de « cinq ans de lutte épuisante et dont on ne voit pas la fin ») que raconte Trouver refuge. Cinq années d'actions de tous ces bénévoles du Briançonnais pour aller secourir, accueillir, héberger, apprendre le français, scolariser, soutenir dans leurs démarches administratives, redonner l'espoir et le sourire à des centaines d'hommes et de femmes. Cinq ans à lutter aussi contre l'absurdité administrative, l'indifférence ou le mépris de certaines instances politiques ou judiciaires.
On apprend beaucoup de choses sur la politique d'accueil de la France et tous ces sigles qui la définissent : les CADA ( centre d'accueil des demandeurs d'asile), les CRA ( centre de rétention administrative), la CNDA ( cour nationale du droit d'asile), l'OFII et l'OFPRA, et toutes les associations nationales ou locales engagées dans ce domaine. Un glossaire en début de livre aide à se retrouver dans cette jungle !
Stephanie Besson a choisi de raconter ces cinq années en faisant alterner les témoignages de tous ces bénévoles et de ceux qu'ils ont aidés. A la lecture, on est tour à tour indigné et touché par ce qu'ils racontent.
Chez les bénévoles , les « solidaires », (« 20% d'une ville de 12000 habitants à s'être impliqués ») toujours le même constat : malgré les difficultés, la fatigue devant une situation qui dure, « cette expérience d'accueil a crée du lien, de la cohésion sociale, un respect mutuel. Ça a soudé les Briançonnais, les Nevachais, les jeunes générations, les retraités, on s'est mis ensemble. »
Les récits des exilés ( les « aventuriers » francophones et les « shababs » arabophones)sont souvent poignants mais aussi très touchants quand ils expriment leur étonnement après leur prise en charge à Briançon : accueillis chez des Blancs, traités comme les jeunes qu'ils sont et non comme des dangers potentiels, ils découvrent la vie « à la française » et s'attachent à respecter les habitudes de leurs familles d'accueil.
Stephanie Besson raconte enfin la militarisation grandissante des frontières ( gendarmerie et police aux frontières) , les migrants traqués et les aidants poursuivis : « À t-on le droit de ne pas porter assistance à quelqu'un parce qu'il n'a peut-être pas de carte d'identité ? de le laisser au froid, à la faim, à l'épuisement et à la peur ? A-t-on le droit de le laisser mourir par racisme, par peur de la répression ? »
Cette mobilisation exemplaire, récompensée par un prix des droits de l'homme de la République française en décembre 2019, est aujourd'hui mise à mal par le changement de municipalité à Briançon et la volonté du maire de fermer certains locaux, fragilisant l'écosystème associatif et bénévole local . Une pétition a été signée par de nombreuses ONG, associations et personnalités, évêque de Gap en tête « Nous refusons que nos montagnes deviennent un cimetière ».
Même si la forme même du récit peut sembler répétitive, ce livre nous ouvre les yeux et le coeur à une réalité qui nous concerne tous. Comme le dit
Edwy Plenel dans sa préface, « Tous migrants dans le Briançonnais, de même que tous les solidaires et hospitaliers français qui sauvent notre honneur collectif, sont ces grains de sable qui réussissent à enrayer l'indifférence et l'impuissance. »
Merci aux éditions Glénat et à Babelio de m'avoir permis cette lecture .